Les violences qui ont éclaté en Côte d’Ivoire après l’élection présidentielle controversée avaient entrainé un début d’exode de la communauté libanaise, mais « une relative stabilisation de la situation à Abidjan depuis les fêtes a permis de freiner le mouvement », explique au Commerce du Levant Nabil Zorkot, un photographe libanais qui vit depuis plus de 40 ans en Côte d’Ivoire. « Certains sont même rentrés après les fêtes », ajoute-t-il.
Signe de l’accalmie : la compagnie aérienne MEA a annulé début janvier les trois vols supplémentaires Beyrouth-Abidjan qu’elle avait affrétés durant la dernière semaine de décembre pour faciliter les départs. Ainsi, entre le 20 décembre 2010 et le 3 janvier 2011, près de 1000 passagers ont été transportés vers Beyrouth, contre 400 un an plus tôt. « Mais seuls les quatre vols réguliers sont actuellement opérés, car il n’y a plus de demande supplémentaire », a indiqué un responsable de la compagnie.
Selon l’ambassadeur du Liban à Abidjan, Ali Ajami, seuls 2000 Libanais ont quitté le pays depuis le début de la crise, sur les 60.000 à 100.000 résidents.
Habitués à gérer l’insécurité, les Libanais ne semblent pas prêts à abandonner leurs emplois ou leurs investissements. « On estime entre 500 et 1000 le nombre d’entreprises dirigées par des Libanais en Côte d’Ivoire », selon Adel Dagher, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie libanaise en Côte d’Ivoire, qui a été lancée officiellement en octobre 2010. « Il faudrait toutefois multiplier ce chiffre par cinq, ou même par huit, si l’on prend en compte l’économie informelle », ajoute-t-il.
L’essentiel des entreprises libanaises se concentre dans les secteurs industriel et tertiaire, notamment dans la grande distribution où ils détiennent 70 à 80% du marché selon Dagher, mais aussi dans le commerce, les services, l’hôtellerie, la sécurité, le conditionnement, l’immobilier, l’imprimerie…
Lorsque la situation a dégénéré, « les entreprises libanaises n’ont pas été prises pour cible », affirme Adel Dagher. Mais elles souffrent actuellement de la paralysie dans le pays : le transport des marchandises est bloqué, les magasins sont fermés, et certains ouvriers ne parviennent pas à rejoindre leur lieu de travail. Pour ceux qui le peuvent, ils sont obligés de rentrer à la mi-journée en raison du couvre-feu. Les clients étrangers ont déserté le pays et de nombreuses banques fonctionnent au ralenti, en l’absence de leurs dirigeants européens qui ont quitté le pays.
La chute de l’activité des entreprises libanaises pourrait avoir des répercussions importantes sur l’économie ivoirienne, estime Dagher, selon lequel les Libanais contribuent aux recettes fiscales de l’Etat à hauteur de plus de 40 %.
Mais s’ils sont très impliqués dans la vie économique du pays, « les Libanais ne se mêlent pas de politique », souligne Nabil Zorkot.