En 1968, Henry Sarkissian a fondé avec ses deux frères une petite entreprise spécialisée dans les systèmes d’air conditionné à Beyrouth. Désormais basée en Arabie saoudite, Arabian Bemco Contracting est devenue la plus importante entreprise d’ingénierie du Moyen-Orient avec 18 000 employés. Bemco fournit notamment des centrales électriques clés en main.
Henry Sarkissian, fondateur et président d’Arabian Bemco Contracting, une société d’ingénierie qui notamment conçoit et construit des centrales électriques et des sites industriels, se méfie. « Ce thème… Les success stories arméniennes, d’abord pourquoi “Arménien ?”. Je suis libanais. » Mais finalement, Henry Sarkissian se prête, avec plus ou moins de bonne volonté, au jeu de l’interview. « Nous n’aimons pas les lumières », dit-il, comme pour s’excuser de certaines réponses parfois lapidaires. « Nous lui préférons la discrétion. En affaires, c’est souvent primordial. »
Malgré la modestie affichée, Henry Sarkissian ne peut s’empêcher de se montrer très fier de ses réalisations. Un sourire, presque d’enfant émerveillé, illumine son visage, lorsqu’il évoque sa réussite. On le comprend : en l’espace de 44 ans, la petite entreprise qu’il a fondée en 1968 à Beyrouth avec ses deux frères, Souren et Kourken, est devenue un groupe d’envergure régionale. « Nous sommes la plus importante société d’ingénierie du Moyen-Orient. Nous fournissons des solutions clés en main : depuis l’élaboration du concept jusqu’à sa mise en œuvre », affirme-il. Même si Bemco est derrière la construction, par exemple, de l’hôtel Four Seasons d’Amman (Jordanie), le groupe est mieux connu pour ses sites industriels. Bemco a ainsi beaucoup travaillé pour Aramco, bâtissant entre autres des pipelines ou des centres de stockage pour le compte de la compagnie nationale saoudienne d’hydrocarbures. Le groupe est également intervenu dans la création d’usines de traitement des eaux usagées ou la mise en place de gros systèmes de réfrigération. La reconnaissance et le succès toutefois, Bemco les doit surtout à un domaine d’expertise de pointe : la conception et la construction de centrales électriques, qui représentent les deux tiers de son activité. Henry Sarkissian refuse de donner un ordre d’idées du chiffre d’affaires ou des bénéfices de l’entreprise qu’il dirige. Il suffit toutefois de jeter un coup d’œil au site Internet pour comprendre que l’on parle de “très gros chiffres” : Bemco jungle avec les millions de dollars. Mieux : la société les accumule… Le groupe a ainsi construit le nouvel aéroport de Doha (Qatar) pour un montant de 2 143 millions de rials (500 millions de dollars). Dans le domaine de l’énergie, Bemco s’apprête à réaliser la construction d’une centrale électrique de 2 175 mégawatts à Riyad (Arabie saoudite) pour le compte du gouvernement saoudien pour un montant de 1,3 milliard de dollars. Bemco est aussi en passe d’assumer la construction d’une centrale d’une capacité de 2 500 mégawatts dans la province d’ash-Sharqīd’Arabie saoudite où est concentrée la production de pétrole du royaume. « Au total, l’ensemble des projets menés représentent 24 000 mégawatts… » Un joli score lorsqu’on sait que le Liban, par exemple, a une capacité de production de 1 500 mégawatts…
Ce n’est pas par hasard que la plupart des contrats de Bemco se situent dans les pays du Golfe et notablement en Arabie saoudite. Le siège de l’entreprise y a été transféré au début des années 1990. Le bureau de Beyrouth n’est désormais plus qu’une petite structure qui emploie 150 salariés quand le groupe gère par ailleurs 18 000 employés pour le seul secteur de la construction dans l’ensemble de ses 18 branches et filiales. « Au moment de la guerre de 1975, nous ne pouvions plus travailler à Beyrouth. Nous avons décidé de délocaliser », fait valoir Henry Sarkissian. À l’époque, le groupe est spécialisé dans la mise en place de systèmes d’air conditionné.
Partenariat avec la famille Ben Laden
Ce qui va déterminer le choix de Djeddah, c’est la rencontre avec Jack Welch, président de General Electric (GE) de 1981 à 2001. « Bemco et GE étaient alors partenaires dans un projet en Arabie saoudite. Jack Welch m’a introduit auprès de la famille Ben Laden avec qui j’ai travaillé sur un premier projet de centrale électrique et continué jusqu’à ce que nous soyons associés au capital de Bemco. » Désormais, Bemco est une filiale du constructeur Saudi Benladin Group (SBG). Reste un autre actionnaire principal : Samawel Abdallah Taha al-Bakhch, président du conseil d’administration de Bemco.
Au fur et à mesure des années, Bemco fait alliance avec les plus grands noms de l’industrie mondiale. « Alstom, Siemens… Même s’il nous arrive d’être en compétition sur des appels d’offres, ces groupes européens sont souvent des partenaires sur nos chantiers. Mes véritables concurrents sont en fait désormais coréens et chinois. » Henry Sarkissian n’a aucun regret. « Il faut savoir prendre des risques quand on est entrepreneur. Notre secteur d’activité figurant sans doute parmi les plus risqués tant il est compétitif, tant aussi il implique de technologies délicates… » Un goût que ses deux fils Chahan (photo ci-contre) et Hrag ont en commun. Ingénieurs tous deux, ils travaillent déjà aux côtés de leur père et… pilotent des avions ou des voitures de courses lorsqu’ils en ont le temps.
Bemco en bref 1968 : fondation de Bemco à Beyrouth. 1976 : ouverture de Bemco en Arabie saoudite. 1990 : rencontre avec Jack Welsh. 1990 : construction de la première centrale électrique. 2009 : Chahan et Hrag Sarkissian entrent dans l’entreprise. 2012 : augmentation du capital à 133 millions de dollars. Bemco aujourd’hui Chiffre d’affaires : non communiqué. Fondateur : Henry Sarkissian. Président : Henry Sarkissian. Nombre d’employés : 18 000 et 150 au Liban. Total mégawatts : 24 000. |