La famille Khoury s’est associée à deux autres familles de la région d’Antioche, dont elles sont également originaires, pour fonder Hateks dans les années 70. Ce groupe textile, spécialiste de l’éponge, figure parmi les grandes entreprises du secteur. Aujourd’hui, une nouvelle étape est franchie : Hateks a repris une ancienne marque française pour la développer en Europe et ouvert deux boutiques pour vendre sa production.
Hateks : le nom ne vous dira rien. C’est normal. Dans l’industrie textile, on cultive une certaine forme de discrétion. D’autant que l’usine n’est pas à Beyrouth… mais à Antakia, l’ancienne Antioche, aujourd’hui en Turquie. Cette localisation ne doit rien au hasard : les trois familles derrière cette entreprise sont toutes originaires d’Antioche. Parmi eux, le Libanais Ghazi Khoury. « Nous avons quitté Antioche à la fin des années 30, au moment du rattachement de la région à la Turquie, pour nous installer au Liban. Quand mon père a fondé son entreprise, il s’est naturellement associé à deux familles d’Antioche : les Abdo et les Gazel, avec lesquelles nous sommes toujours en partenariat », assure Georges Khoury, l’un des fils de Ghazi Khoury, responsable commercial du groupe. Aujourd’hui, les Khoury vivent entre la Turquie et la France. « Nous avons quitté le Liban avec la guerre dans les années 80. »
Une industrie en pleine mutation
Fondée en 73, Hateks, qui emploie aujourd’hui 700 salariés, a suivi les transformations de l’industrie textile turque. Tout d’abord producteur de coton, dans les années 1970, le pays s’est en effet mis à vendre de plus en plus de produits finis, à commencer par des vêtements de sport. Sans bruit, il est ainsi devenu le troisième (ou quatrième selon les années) exportateur mondial d’articles d’habillement derrière la Chine et l’Union européenne. Hateks a suivi le même cheminement : exportateur de balles de coton brut à destination des marchés européens, l’entreprise a fondé une usine de filature au début des années 70. Puis, au milieu des années 90, Hateks s’est lancée dans la production de produits finis : le groupe s’est ainsi spécialisé dans l’éponge (serviettes, peignoirs…). « Au début, nous produisions 1 200 tonnes de produits finis par an. Aujourd’hui, avec 3 000 tonnes par an, nous fonctionnons à 100 % de nos capacités, mais nous pouvons monter jusqu’à 4 000 tonnes via des contrats de sous-traitance. » Hateks est essentiellement tournée vers l’étranger : les exportations représentent 90 % des 55 millions de dollars de chiffre d’affaires réalisé en 2011. Parmi ses clients, on compte de grandes marques européennes comme Ikea, Habitat, Armani… « Nous faisons partie du top 5 des entreprises du secteur de l’éponge. Notre particularité, c’est d’être une “entreprise intégrée”, présente à toutes les étapes de fabrication », explique encore Georges Khoury.
Ce qui n’empêche pas Hateks d’être à l’abri de la crise du textile en Turquie. Celle-ci a démarré au milieu des années 2000 quand les Européens ont décidé de supprimer les quotas, qui jusque-là limitaient les exportations des pays asiatiques vers l’Europe. Sur les prix des produits, la Turquie ne peut pas rivaliser : « En moyenne, la production turque de serviettes-éponge se trouve 20 % plus cher que les produits chinois. » À cela s’ajoute l’évolution globale du pays, passé « d’un pays en voie de développement à un pays développé ». Avec ipso facto un rattrapage du salaire moyen d’un ouvrier, aujourd’hui équivalent à celui en vigueur dans un pays européen comme le Portugal ou la Pologne.
Trop cher, au regard des productions du Pakistan, de la Chine ou du Bengladesh, Hateks – comme ses autres confrères – va donc d’abord chercher à couper dans les frais, en choisissant de délocaliser une partie de sa production. Le groupe ouvre ainsi un site à Alep (Syrie) fin 2009. « Pour nous, la Syrie a beaucoup d’avantages : une main-d’œuvre peu onéreuse, une culture commune, une réelle proximité géographique et la possibilité de toucher les marchés arabes…
Du moins avant que ne se déclenche la guerre. » Le site a été fermé en septembre 2012. « C’était d’abord un ballon d’essai. Nous allons attendre que le contexte s’améliore pour y songer à nouveau… » Même si la production n’y avait pas démarré, ce revers s’avère d’autant plus pénible que l’usine d’Alep ainsi que « l’accroissement de la production du groupe de manière générale » a été financé par une ouverture de capital à hauteur de 15 % à des investisseurs privés. Depuis janvier 2010, le groupe est en effet coté à la Bourse d’Istanbul.
Georges Khoury serait-il inquiet ? À l’entendre, le textile turc a certes connu une crise profonde, mais a su redresser la barre. « Nous sommes aujourd’hui dans une phase de stabilisation. »
Certes, la confection turque reste chère au regard de la concurrence asiatique, mais les Européens peuvent apprécier, selon lui, la réactivité et la proximité avec leurs sous-traitants ou leurs fournisseurs. « Si un client cherche du bas de gamme, nous ne pourrons jamais rivaliser. En revanche, pour du moyen à haut de gamme, c’est en Turquie qu’il viendra. D’autant qu’il peut espérer une vraie réactivité, en termes de délai de conception ou de livraison : quelques jours contre plusieurs semaines en Asie. »
Label qualité
Georges Khoury semble donc optimiste. Pourtant, cette montée en gamme a aussi son revers : la Turquie est devenue le « pays du réassort » et des petites séries. Les Zara et autre Mango de la planète commandent 20 000 pièces en Chine… contre 2 à 3 000 seulement en Turquie. « C’est vrai : l’industrie a perdu les clients qui faisaient du volume, en priorité les Américains, qui se sont rabattus sur la Chine. »
Face à ces difficultés, Hateks a décidé de se déployer sur d’autres secteurs : le groupe, qui possède un bureau commercial, dénommé Cotonella, à Paris depuis 1976, a racheté, en 2010, 50 % de Siretex, une entreprise française d’une vingtaine de salariés. Ce qui intéresse Hateks, c’est le bureau de design de cette PME française et le fait qu’elle ait développé sa propre marque de linge de salles de bains : Sensei.
« Nous avons d’ores et déjà ouvert deux boutiques Sensei dans des centres commerciaux de la banlieue parisienne. Si cela aboutit, nous pourrions développer nos propres points de vente à la manière de Descamps ou de Carré Blanc, les deux principales marques françaises. » Auparavant, en 2007, Hateks avait également fondé Hatfil en Italie pour distribuer (et entreposer) certaines de ses productions à destination des entreprises italiennes..
Et Beyrouth dans tout cela ? Georges Khoury a un sourire en coin. « Nous sommes hélas un acteur trop important pour nous installer au Liban. »
Une industrie en pleine mutation
Fondée en 73, Hateks, qui emploie aujourd’hui 700 salariés, a suivi les transformations de l’industrie textile turque. Tout d’abord producteur de coton, dans les années 1970, le pays s’est en effet mis à vendre de plus en plus de produits finis, à commencer par des vêtements de sport. Sans bruit, il est ainsi devenu le troisième (ou quatrième selon les années) exportateur mondial d’articles d’habillement derrière la Chine et l’Union européenne. Hateks a suivi le même cheminement : exportateur de balles de coton brut à destination des marchés européens, l’entreprise a fondé une usine de filature au début des années 70. Puis, au milieu des années 90, Hateks s’est lancée dans la production de produits finis : le groupe s’est ainsi spécialisé dans l’éponge (serviettes, peignoirs…). « Au début, nous produisions 1 200 tonnes de produits finis par an. Aujourd’hui, avec 3 000 tonnes par an, nous fonctionnons à 100 % de nos capacités, mais nous pouvons monter jusqu’à 4 000 tonnes via des contrats de sous-traitance. » Hateks est essentiellement tournée vers l’étranger : les exportations représentent 90 % des 55 millions de dollars de chiffre d’affaires réalisé en 2011. Parmi ses clients, on compte de grandes marques européennes comme Ikea, Habitat, Armani… « Nous faisons partie du top 5 des entreprises du secteur de l’éponge. Notre particularité, c’est d’être une “entreprise intégrée”, présente à toutes les étapes de fabrication », explique encore Georges Khoury.
Ce qui n’empêche pas Hateks d’être à l’abri de la crise du textile en Turquie. Celle-ci a démarré au milieu des années 2000 quand les Européens ont décidé de supprimer les quotas, qui jusque-là limitaient les exportations des pays asiatiques vers l’Europe. Sur les prix des produits, la Turquie ne peut pas rivaliser : « En moyenne, la production turque de serviettes-éponge se trouve 20 % plus cher que les produits chinois. » À cela s’ajoute l’évolution globale du pays, passé « d’un pays en voie de développement à un pays développé ». Avec ipso facto un rattrapage du salaire moyen d’un ouvrier, aujourd’hui équivalent à celui en vigueur dans un pays européen comme le Portugal ou la Pologne.
Trop cher, au regard des productions du Pakistan, de la Chine ou du Bengladesh, Hateks – comme ses autres confrères – va donc d’abord chercher à couper dans les frais, en choisissant de délocaliser une partie de sa production. Le groupe ouvre ainsi un site à Alep (Syrie) fin 2009. « Pour nous, la Syrie a beaucoup d’avantages : une main-d’œuvre peu onéreuse, une culture commune, une réelle proximité géographique et la possibilité de toucher les marchés arabes…
Du moins avant que ne se déclenche la guerre. » Le site a été fermé en septembre 2012. « C’était d’abord un ballon d’essai. Nous allons attendre que le contexte s’améliore pour y songer à nouveau… » Même si la production n’y avait pas démarré, ce revers s’avère d’autant plus pénible que l’usine d’Alep ainsi que « l’accroissement de la production du groupe de manière générale » a été financé par une ouverture de capital à hauteur de 15 % à des investisseurs privés. Depuis janvier 2010, le groupe est en effet coté à la Bourse d’Istanbul.
Georges Khoury serait-il inquiet ? À l’entendre, le textile turc a certes connu une crise profonde, mais a su redresser la barre. « Nous sommes aujourd’hui dans une phase de stabilisation. »
Certes, la confection turque reste chère au regard de la concurrence asiatique, mais les Européens peuvent apprécier, selon lui, la réactivité et la proximité avec leurs sous-traitants ou leurs fournisseurs. « Si un client cherche du bas de gamme, nous ne pourrons jamais rivaliser. En revanche, pour du moyen à haut de gamme, c’est en Turquie qu’il viendra. D’autant qu’il peut espérer une vraie réactivité, en termes de délai de conception ou de livraison : quelques jours contre plusieurs semaines en Asie. »
Label qualité
Georges Khoury semble donc optimiste. Pourtant, cette montée en gamme a aussi son revers : la Turquie est devenue le « pays du réassort » et des petites séries. Les Zara et autre Mango de la planète commandent 20 000 pièces en Chine… contre 2 à 3 000 seulement en Turquie. « C’est vrai : l’industrie a perdu les clients qui faisaient du volume, en priorité les Américains, qui se sont rabattus sur la Chine. »
Face à ces difficultés, Hateks a décidé de se déployer sur d’autres secteurs : le groupe, qui possède un bureau commercial, dénommé Cotonella, à Paris depuis 1976, a racheté, en 2010, 50 % de Siretex, une entreprise française d’une vingtaine de salariés. Ce qui intéresse Hateks, c’est le bureau de design de cette PME française et le fait qu’elle ait développé sa propre marque de linge de salles de bains : Sensei.
« Nous avons d’ores et déjà ouvert deux boutiques Sensei dans des centres commerciaux de la banlieue parisienne. Si cela aboutit, nous pourrions développer nos propres points de vente à la manière de Descamps ou de Carré Blanc, les deux principales marques françaises. » Auparavant, en 2007, Hateks avait également fondé Hatfil en Italie pour distribuer (et entreposer) certaines de ses productions à destination des entreprises italiennes..
Et Beyrouth dans tout cela ? Georges Khoury a un sourire en coin. « Nous sommes hélas un acteur trop important pour nous installer au Liban. »
Les autres investissements du groupe Hateks a développé au fur et à mesure des opportunités d’autres savoir-faire : le groupe mène ainsi une activité de promotion immobilière dans la région d’Antioche via sa société Hateks Yapi. Fondée en 2006, celle-ci a construit l’équivalent de 25 000 m2 d’habitations et de bureaux à ce jour. Hateks Enerji a été fondée en 2008. Cette filiale du groupe est spécialisée dans le marché de l’énergie (et l’électricité) en Turquie. Le groupe est également présent sur le secteur du tourisme avec deux clubs de vacances, Letoonia. Fondée en 1988, cette structure hôtelière, d’une capacité totale de 2 500 lits, et qui emploie 1 200 salariés, est gérée par Ghazi Khoury (le fondateur libanais du groupe) et son fils Majed Khoury. Ils sont également propriétaires d’une agence de voyages, Gazella, ouverte en 1996. Depuis peu, ils se sont également lancés dans le développement d’un vignoble de 4 hectares à Antioche. Cette aventure n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais Abboud Abdo, l’un des partenaires des Khoury dans Hateks et dont ce projet est le véritable “bébé”, escompte bien faire renaître la réputation du vignoble d’Antioche. |