Comme en 2012, les banques libanaises ont fait face à un contexte économique et politique compliqué. Le ralentissement de l’économie libanaise s’est poursuivi au premier semestre comme le reflètent la plupart des indicateurs économiques avec des importations stables, une stagnation des dépenses privées et une baisse importante des investissements. « La crise conjoncturelle que traverse le pays a augmenté les craintes des investisseurs étrangers au regard des facteurs de risque et d’incertitude », résume Saad Azhari, PDG de la Blom Bank. « Depuis la démission de Nagib Mikati, nous naviguons sans gouvernement et sans véritables orientations », ajoute Alain Wanna, directeur général adjoint, responsable des marchés de capitaux et des institutions financières du groupe Byblos Bank. Dans le contexte de la crise syrienne et de la crise financière à Chypre, les banques libanaises ont choisi de jouer la carte de la prudence et ont freiné le développement de leurs activités régionales. Conséquence, le secteur bancaire libanais a connu une croissance modérée au premier semestre 2013 avec une progression de 4 % des actifs consolidés qui atteignent 157,9 milliards de dollars contre 147,1 milliards de dollars au mois d’août 2012 : « Il faut s’estimer heureux d’avoir une activité normale dans un contexte anormal », relativise Makram Sader, secrétaire général de l’Association des banques au Liban.
Dépôts : résidents et non-résidents à parts égales
Ce sont les dépôts du secteur privé qui alimentent cette croissance : ils représentent 83 % du total des actifs, soit 131,3 milliards de dollars, affichant une croissance de 5 % entre décembre 2012 et juin 2013. Une situation qui illustre la résilience du secteur face aux conditions économiques difficiles de ce début d’année et qui montre que les banques libanaises sont encore aptes à attirer des dépôts.
Les dépôts des résidents représentent 104,6 milliards de dollars, en croissance de 3,2 % en six mois. La croissance des dépôts des non-résidents est, elle, plus importante avec 12,4 % de dépôts supplémentaires par rapport au mois de décembre 2012. Dans le même temps, le ratio de dollarisation des dépôts a légèrement augmenté, passant de 64,8 % en décembre 2012 à 65,7 % en juin 2013. « Ce n’est pas nouveau, tempère Alain Wanna. Le plus important étant que ces dépôts sont bien restés dans le pays. » La dollarisation des dépôts fluctue depuis quelques années. Après avoir atteint son niveau le plus bas en 16 ans à 62,5 % en juin 2010, elle avait connu une forte augmentation en 2011 à 66,7 % pour baisser légèrement l’année dernière à 64,8 %.
Les crédits au secteur privé en faible augmentation
Les crédits au secteur privé accusent le coup avec une augmentation limitée de 3,2 % au cours du premier semestre, ce qui correspond en terme absolu à 1,4 milliard de dollars de crédits supplémentaires accordés. Une croissance inférieure de 40 % à celle de la période correspondante en 2012 (avec 2,3 milliards de dollars supplémentaires octroyés au secteur privé), due à la prudence des établissements bancaires. Walid Raphaël, directeur général de la Banque libano-française, reconnaît que les critères d’octroi d’un prêt sont aujourd’hui plus stricts : « Évidemment nous privilégions les projets les plus solides et les mieux capitalisés », explique-t-il.
Cette croissance est largement imputable aux clients résidents qui ont bénéficié de 1,5 milliard de dollars de crédits additionnels alors que dans le même temps les clients non résidents ont enregistré une contraction des crédits de 154 millions de dollars dans un contexte de prudence des investisseurs étrangers. 40 % des crédits sont aujourd’hui octroyés en livres libanaises alors qu’ils représentaient seulement 23,8 % en 2011. Une évolution qui résulte de la politique mise en place par la Banque centrale pour inciter les banques à prêter en livres libanaises depuis 2009-2010.
Dans un contexte morose, la croissance des prêts a pu être assurée notamment par l’action de la Banque centrale. En début d’année, elle a étendu de 1,4 milliard de dollars les crédits subventionnés accordés aux secteurs productifs. « Cela nous a permis de continuer à fournir aux différents secteurs économiques des prêts à des taux compétitifs », explique Raoul Nehmé, directeur général de la BLC Bank. À la Blom Bank cette mesure s’est soldée par une croissance des prêts personnels de 12 % par rapport à l’année précédente.
Le ratio crédits sur dépôts est resté quasi identique à celui de 2012, passant de 34,8 % à 34,2 % en 2013. Un témoin du bon niveau de liquidité des banques, notamment en ce qui concerne le taux de liquidités primaires qui s’établit à 39,1 % selon le rapport du groupe Alpha qui prend en compte les résultats des treize banques aux dépôts supérieurs à 2 milliards de dollars. En parallèle, la part des créances douteuses a diminué, passant de 6,24 % en décembre 2012 à 5,68 % en juin 2013. Dans le même temps, les provisions constituées par les banques pour faire face à ces créances douteuses atteignent les 77 %.
Ce fort niveau de liquidités et ces provisions élevées permettent au secteur bancaire d’être plus sûr : « Lorsque nous maintenons 45 % de nos dépôts en dollars sous forme liquide cela a un coût, mais c’est une assurance pour nos banques », explique Makram Sader.
Exposition toujours élevée au risque souverain
Les crédits au secteur public sont quant à eux en hausse de 11 % depuis un an « contrairement à l’impression qu’on pourrait avoir que les banques ne prêtent plus à l’État », précise Makram Sader. La souscription de bons du Trésor en livres libanaises s’est ralentie, avec une croissance limitée de 5,5 % entre juillet 2012 et juillet 2013. Dans le même temps, la taille du portefeuille total d’eurobonds a atteint 20,7 milliards de dollars en juin 2013, contre 19,7 milliards de dollars en décembre 2012. En parallèle, l’ensemble des avoirs des banques commerciales auprès de la Banque centrale a augmenté de 8,5 % en un an.
L’exposition des banques au risque souverain reste ainsi importante à 55,9 % du total du bilan consolidé des banques libanaises, selon l’Association des banques au Liban, contre 55,4 % en 2012. « La courte échéance de ces engagements permet néanmoins aux banques de conserver un bon niveau de liquidités, accessibles rapidement », explique Makram Sader. La maturité moyenne de l’ensemble du portefeuille en bons du Trésor auprès de l’État étant de 1,1 an et celle en eurobonds de 5,9 ans.
Rentabilité stagnante pour les banques
Dans un contexte d’exploitation difficile, les profits nets ont augmenté d’à peine 1,3 % au premier semestre, selon le rapport du groupe Alpha concernant les 13 premières banques du pays.
La croissance du bénéfice net d’exploitation, qui est de 6,8 % cette année, est principalement tirée par les revenus des commissions qui représentent 40 % des bénéfices, contre 37,2 % au premier semestre de 2012. La croissance des bénéfices d’exploitation a même été dépassée par celle des charges d’exploitation qui ont augmenté de 8,6 % durant les six premiers mois de l’année. Pour sécuriser leurs fonds, les banques ont choisi de les placer à l’étranger sur du long terme « ce qui coûte plus cher », explique Alain Wanna. En 2011 comme en 2012, la banque a par exemple placé 300 millions de dollars à l’étranger pour des périodes de 10 ans.
Grâce à ces politiques, la capitalisation des banques est renforcée depuis 2011 et se poursuit cette année. Le ratio de capitalisation calculé selon l’accord dit de Bâle III a atteint 13 % en juin 2013 selon les derniers chiffres de la BDL, demeurant supérieur au minimum requis de 7 %. Il assure ainsi aux banques libanaises des facteurs de résilience adéquats afin de faire face à des pressions potentielles sur leur capital, selon le rapport de Bank Audi pour le deuxième trimestre 2013.
Dans les mois à venir la stratégie des banques devrait être similaire : dans l’attente d’une amélioration de l’environnement politique et économique au niveau régional, la prudence est de mise. Selon les évaluations les plus optimistes, la croissance devrait être de l’ordre de 1 à 2 %. Dans ce contexte, conclut Alain Wanna, « nous poursuivons notre stratégie conservatrice en attendant des signes clairs sur l’avenir du pays ».
Dépôts : résidents et non-résidents à parts égales
Ce sont les dépôts du secteur privé qui alimentent cette croissance : ils représentent 83 % du total des actifs, soit 131,3 milliards de dollars, affichant une croissance de 5 % entre décembre 2012 et juin 2013. Une situation qui illustre la résilience du secteur face aux conditions économiques difficiles de ce début d’année et qui montre que les banques libanaises sont encore aptes à attirer des dépôts.
Les dépôts des résidents représentent 104,6 milliards de dollars, en croissance de 3,2 % en six mois. La croissance des dépôts des non-résidents est, elle, plus importante avec 12,4 % de dépôts supplémentaires par rapport au mois de décembre 2012. Dans le même temps, le ratio de dollarisation des dépôts a légèrement augmenté, passant de 64,8 % en décembre 2012 à 65,7 % en juin 2013. « Ce n’est pas nouveau, tempère Alain Wanna. Le plus important étant que ces dépôts sont bien restés dans le pays. » La dollarisation des dépôts fluctue depuis quelques années. Après avoir atteint son niveau le plus bas en 16 ans à 62,5 % en juin 2010, elle avait connu une forte augmentation en 2011 à 66,7 % pour baisser légèrement l’année dernière à 64,8 %.
Les crédits au secteur privé en faible augmentation
Les crédits au secteur privé accusent le coup avec une augmentation limitée de 3,2 % au cours du premier semestre, ce qui correspond en terme absolu à 1,4 milliard de dollars de crédits supplémentaires accordés. Une croissance inférieure de 40 % à celle de la période correspondante en 2012 (avec 2,3 milliards de dollars supplémentaires octroyés au secteur privé), due à la prudence des établissements bancaires. Walid Raphaël, directeur général de la Banque libano-française, reconnaît que les critères d’octroi d’un prêt sont aujourd’hui plus stricts : « Évidemment nous privilégions les projets les plus solides et les mieux capitalisés », explique-t-il.
Cette croissance est largement imputable aux clients résidents qui ont bénéficié de 1,5 milliard de dollars de crédits additionnels alors que dans le même temps les clients non résidents ont enregistré une contraction des crédits de 154 millions de dollars dans un contexte de prudence des investisseurs étrangers. 40 % des crédits sont aujourd’hui octroyés en livres libanaises alors qu’ils représentaient seulement 23,8 % en 2011. Une évolution qui résulte de la politique mise en place par la Banque centrale pour inciter les banques à prêter en livres libanaises depuis 2009-2010.
Dans un contexte morose, la croissance des prêts a pu être assurée notamment par l’action de la Banque centrale. En début d’année, elle a étendu de 1,4 milliard de dollars les crédits subventionnés accordés aux secteurs productifs. « Cela nous a permis de continuer à fournir aux différents secteurs économiques des prêts à des taux compétitifs », explique Raoul Nehmé, directeur général de la BLC Bank. À la Blom Bank cette mesure s’est soldée par une croissance des prêts personnels de 12 % par rapport à l’année précédente.
Le ratio crédits sur dépôts est resté quasi identique à celui de 2012, passant de 34,8 % à 34,2 % en 2013. Un témoin du bon niveau de liquidité des banques, notamment en ce qui concerne le taux de liquidités primaires qui s’établit à 39,1 % selon le rapport du groupe Alpha qui prend en compte les résultats des treize banques aux dépôts supérieurs à 2 milliards de dollars. En parallèle, la part des créances douteuses a diminué, passant de 6,24 % en décembre 2012 à 5,68 % en juin 2013. Dans le même temps, les provisions constituées par les banques pour faire face à ces créances douteuses atteignent les 77 %.
Ce fort niveau de liquidités et ces provisions élevées permettent au secteur bancaire d’être plus sûr : « Lorsque nous maintenons 45 % de nos dépôts en dollars sous forme liquide cela a un coût, mais c’est une assurance pour nos banques », explique Makram Sader.
Exposition toujours élevée au risque souverain
Les crédits au secteur public sont quant à eux en hausse de 11 % depuis un an « contrairement à l’impression qu’on pourrait avoir que les banques ne prêtent plus à l’État », précise Makram Sader. La souscription de bons du Trésor en livres libanaises s’est ralentie, avec une croissance limitée de 5,5 % entre juillet 2012 et juillet 2013. Dans le même temps, la taille du portefeuille total d’eurobonds a atteint 20,7 milliards de dollars en juin 2013, contre 19,7 milliards de dollars en décembre 2012. En parallèle, l’ensemble des avoirs des banques commerciales auprès de la Banque centrale a augmenté de 8,5 % en un an.
L’exposition des banques au risque souverain reste ainsi importante à 55,9 % du total du bilan consolidé des banques libanaises, selon l’Association des banques au Liban, contre 55,4 % en 2012. « La courte échéance de ces engagements permet néanmoins aux banques de conserver un bon niveau de liquidités, accessibles rapidement », explique Makram Sader. La maturité moyenne de l’ensemble du portefeuille en bons du Trésor auprès de l’État étant de 1,1 an et celle en eurobonds de 5,9 ans.
Rentabilité stagnante pour les banques
Dans un contexte d’exploitation difficile, les profits nets ont augmenté d’à peine 1,3 % au premier semestre, selon le rapport du groupe Alpha concernant les 13 premières banques du pays.
La croissance du bénéfice net d’exploitation, qui est de 6,8 % cette année, est principalement tirée par les revenus des commissions qui représentent 40 % des bénéfices, contre 37,2 % au premier semestre de 2012. La croissance des bénéfices d’exploitation a même été dépassée par celle des charges d’exploitation qui ont augmenté de 8,6 % durant les six premiers mois de l’année. Pour sécuriser leurs fonds, les banques ont choisi de les placer à l’étranger sur du long terme « ce qui coûte plus cher », explique Alain Wanna. En 2011 comme en 2012, la banque a par exemple placé 300 millions de dollars à l’étranger pour des périodes de 10 ans.
Grâce à ces politiques, la capitalisation des banques est renforcée depuis 2011 et se poursuit cette année. Le ratio de capitalisation calculé selon l’accord dit de Bâle III a atteint 13 % en juin 2013 selon les derniers chiffres de la BDL, demeurant supérieur au minimum requis de 7 %. Il assure ainsi aux banques libanaises des facteurs de résilience adéquats afin de faire face à des pressions potentielles sur leur capital, selon le rapport de Bank Audi pour le deuxième trimestre 2013.
Dans les mois à venir la stratégie des banques devrait être similaire : dans l’attente d’une amélioration de l’environnement politique et économique au niveau régional, la prudence est de mise. Selon les évaluations les plus optimistes, la croissance devrait être de l’ordre de 1 à 2 %. Dans ce contexte, conclut Alain Wanna, « nous poursuivons notre stratégie conservatrice en attendant des signes clairs sur l’avenir du pays ».