La guerre a placé le secteur immobilier dans une situation ambiguë ; d’un côté, le marché résidentiel et commercial a été très terne à Beyrouth, de l’autre, il a été particulièrement dynamique dans les régions montagneuses du Kesrouan et du Metn.
Le projet Phoenician Village
reprendra
La Levant Holding, basée au Koweït, et
la société al-Dhow Investment ont
confirmé qu’elles poursuivront la
construction du projet immobilier connu
sous le nom de Phoenician Village. Le
projet d’un coût d’un milliard de dollars
sera érigé sur 20 000 m2 à proximité de
la place des Martyrs, au centre-ville.
Le Saint-Élie de Sassine
loué à Americana
Début juillet, juste avant le déclenchement
des hostilités, le supermarché
Saint-Élie a loué son emplacement
sur la place Sassine à Achrafié au groupe
Americana, détenteur entre autres
des enseignes Kentucky Fried Chicken
et Hardee’s. Ce projet est pour l’instant
au point mort. Pourquoi les chantiers se sont-ils arrêtés ? Dès les premiers jours du conflit,
tous les projets en cours de
construction à Beyrouth ont été
stoppés. Hassan Jaafar, de la société
ACW (Arabian Civil Works), donne
quatre explications :
1 – Sur nos deux chantiers, nous
étions en phase d’excavation. Après
l’attaque d’un camion sur un parking
rue Abdel Wahab Inglizi à
Achrafié, nous n’avons pas repris le
travail. Nos machines pouvaient être
confondues avec des lanceroquettes.
2 – Nous avons manqué de maind’oeuvre.
Certains ouvriers ont quitté
le pays et d’autres ne pouvaient plus
se déplacer facilement.
3 – Le manque d’essence et de
gasoil nous a contraints à ne plus
utiliser nos machines.
4 – Nous voulions éviter les déplacements
des camions qui ont été pris
pour cibles par l’aviation israélienne.
De plus, nous ne pouvions plus évacuer
les gravats, puisque nous ne
savions pas où les décharger. Du 12 juillet au 14 août, le centre-ville
de Beyrouth a offert un paysage de
désolation. Chantiers arrêtés, rues
marchandes désertes, boutiques fermées,
marchandise retirée des présentoirs, terrasses
des cafés inoccupées et bureaux
vides. « Nous avons estimé que seulement
30 % des bureaux fonctionnaient.
Naturellement, nous n’avions aucune
demande de location. Toutes les
démarches antérieures au conflit étaient
au point mort », confirme Habib Nasr, de la
société Majestic, propriétaire de quatre
immeubles de bureaux au centre-ville. La
morosité a plombé le secteur immobilier
beyrouthin.
La guerre a porté un coup dur au marché
résidentiel, particulièrement celui des
appartements haut de gamme appréciés
de la clientèle expatriée et des ressortissants
arabes. Les immeubles du front de mer du centre-ville, de Ras Beyrouth, de
Ramlet el-Baida et des beaux quartiers
d’Achrafié ont été les plus affectés. Par
exemple, le conflit a temporairement
enterré le lancement du projet très médiatisé
du groupe émirien Damac situé à
Minet el-Hosn. « La guerre est venue au
moment où nous allions commencer notre
campagne marketing. Nous comptions
faire de la publicité, participer à des expositions
et lancer nos brochures en août. La
période estivale était idéale pour toucher
les Libanais de l’étranger et les touristes
du Golfe », déplore Hassan Jaafar, de la
société ACW (Arabian Civil Works) à la fois
propriétaire, responsable des ventes et
entreprise générale pour la construction
de deux projets résidentiels à Koraytem et
Aïn el-Mreissé.
À l’opposé de la situation observée à
Beyrouth, le marché immobilier a été très
actif dans les zones résidentielles dites
sûres. Les régions montagneuses de villégiature
comme Broummana, Beit-Méry,
Baabdate, Bickfaya, Faraya, Kleiyat et
Faqra sont devenues des zones refuges
pour des milliers de familles et certaines
fonctions commerciales. Beaucoup ont
cherché à louer des appartements meublés.
Les prix ont immédiatement augmenté
de 30 à 50 % selon certaines
sources.
Naturellement, le marché a vu apparaître
plusieurs opportunistes qui voulaient profiter
du chaos pour acheter des terrains et
des appartements à des prix inférieurs à
leur juste valeur.
Selon plusieurs agents immobiliers, ces
initiatives n’ont pas fonctionné, puisque les prix sont restés inchangés par rapport
au 12 juillet. Même constat sur le marché
commercial. « Il n’y a pas encore eu de
répercussions sur les loyers. Cela va
dépendre de l’offre et de la demande au
cours des jours prochains », explique
Habib Nasr. « Après 33 jours de guerre, le
marché est resté stable. Il est encore trop
tôt pour faire des projections. D’ici à
octobre, nous en saurons davantage »,
analyse Christian Baz, directeur de l’agence
immobilière Baz Real Estate.
Parallèlement, la cessation des hostilités
n’a pas totalement résolu les inquiétudes
des investisseurs. Certains tentent de
réévaluer l’exécution de leur projet immobilier.
« Nous sommes en train de nous
organiser pour limiter les retards. Nous ne
modifions pas les dates de livraison de nos
deux projets Vega Residence à Aïn el-
Mreissé et Nova Towers à Koraytem »,
explique Hassan Jaafar.
Depuis le 14 août, le marché est dans
l’expectative. Si les bombardements se
sont tus, les promoteurs restent prudents
et n’investiront ou ne confirmeront leur
projet qu’avec le retour d’une paix durable
et réelle.