Au cours des dernières décennies, le luxe n’a cessé de se chercher une adresse : souk Tawilé, Bab Idriss, Hamra, Kaslik, Verdun, Sofil et Foch-Allenby. Il aura fallu attendre près d’un siècle pour que le luxe revienne à son emplacement d’origine, le centre-ville.

Les plus anciens se souviennent sans doute
que le souk Tawilé et Bab Idriss ont été
parmi les premiers quartiers de luxe dignes
de ce nom à Beyrouth. Espaces symboliques et
emblématiques de l’élite marchande citadine de
l’époque, ces destinations ont eu longtemps une
importante notoriété commerciale avec une
gamme de produits destinés essentiellement à
une clientèle aisée et étrangère.
À partir des années 1960, Hamra émerge
comme une nouvelle polarité commerciale. Le
quartier devient le centre moderne de la capitale
avec ses boutiques, ses cinémas et ses cafés
trottoir. Jusqu’en 1975, c’est l’unique véritable
adresse du luxe. Avec la guerre, Hamra garde
son statut d’espace commercial, mais perd sa
fonction d’espace moderne et haut de gamme.
Au cours des premières années de l’après-guerre,
la rue Kaslik s’impose progressivement
comme une nouvelle adresse du luxe. Ce cachet
durera un certain temps avant que Kaslik ne
devienne un espace marchand de proximité
avec des enseignes internationales grand public.
À la fin des années 1990, deux espaces prennent
le relais : le carrefour Sofil, à Achrafié, et
Verdun. Dans l’attente du retour au premier plan
du centre-ville, quelques enseignes haut de
gamme s’implantent temporairement dans ces
quartiers qui s’illustrent architecturalement avec
des immeubles modernes et attractifs (Dunes,
Verdun 730, Quantum, Ellipse, Jupiter). Si, à ce
jour, Sofil a gardé quelques bijouteries de
renom, dont Assi, Bulgari, Tufenkjian, Zoughaib
et Wadih Salamoun, Verdun a incontestablement perdu cette image de luxe avec l’arrivée
de boutiques internationales, davantage orientées
vers la classe moyenne.
Depuis le début des années 2000, la région
Foch-Allenby est devenue l’adresse numéro un
du luxe à Beyrouth. Chaque année, de nouvelles
enseignes internationales viennent renforcer son
prestige et cherchent la proximité de leurs
concurrents pour accroître leur propre notoriété.
Situé dans un cadre urbain spécifique (rues piétonnières
et anciens immeubles rénovés), ce
quartier est le lieu où les commerçants du luxe
se doivent d’être présents. Toutefois, en sept
ans, les bons emplacements sont devenus de
plus en plus rares et les loyers sont parmi les
plus élevés du centre-ville (autour de 1 000 dollars
le m2). Bien qu’il s’agisse d’un axe pentu, où
l’activité piétonnière est réduite, la rue Allenby
est incontestablement le porte-drapeau de ce
“carré d’or”. Ce cliché est en partie lié à la stratégie
du groupe TSG (Aïshti, Gucci, Cartier,
Celine, Zegna, Diesel, en attendant
Dolce&Gabbana) qui a implanté ses boutiques
dans un petit périmètre, dont la rue Moutran.
Un parfait exemple de planification commerciale
maîtrisée. Seule ombre au tableau du
“carré d’or” : deux rues (Rami et Beyhum) ont
du mal à s’imposer. La première, derrière
l’immeuble de la municipalité, est totalement
désertée et la seconde n’arrive pas à bénéficier
du prestige de ses voisines.
Si Foch-Allenby accueille chaque année son lot
de nouvelles franchises internationales, les
professionnels du haut de gamme voient à long
terme, dans la région de Minet el-Hosn, une
destination idéale. Situé sur le front de mer du
centre-ville, ce quartier sera prochainement le
plus sélect de la ville avec ses grands hôtels
(Four Seasons et Hyatt) et ses imposants
immeubles résidentiels de très haut standing. À
ce jour, une poignée de commerçants (dont
Élie Saab, Porsche, Ungaro, Smalto) y sont
implantés, bien que la zone soit actuellement
un vaste chantier où il est plutôt désagréable
de déambuler. Mais d’ici cinq à dix ans, les
commerces de luxe auront naturellement leur
place le long de l’ancienne avenue des
Français et de l’avenue du Parc.
La Marina, prochaine
destination du luxe ?
Même si la zone est encore un vaste
chantier, de plus en plus d’enseignes de
luxe s’installent à Minet el-Hosn, du côté
de la Marina et des nouveaux grands
hôtels, sur l’ancienne avenue des
Français : Smalto, Porsche et Porsche
Design, La Perla, Alviera Martini, etc.
D’une part, parce que le “carré d’or” de
Foch/Allenby/Moutran est au bord de la
saturation et, d’autre part, parce que le
quartier est riche de promesses. « La
demande est forte sur cette région pour
du très haut de gamme, à long terme,
de dix à 15 ans, constate Raja Makarem,
directeur de l’agence en conseil immobilier
Ramco. Et cela en dépit de la cherté
de l’immobilier, de 700 à 800 dollars
le mètre carré à la location et 10 000
dollars le mètre carré à la vente ! »