Le foie gras est le mets incontournable
des fêtes de fin d’année. Un produit
apparemment loin des traditions culinaires
locales, pourtant, près de 90 % du
marché local est désormais assuré par la Ferme Saint-Jacques, une marque de la
société libanaise Les volailles de Batroun.
Lorsque la société a été créée, en 2002,
l’idée était de substituer la production
locale au foie gras importé, un marché qui représentait alors cinq à six tonnes de foie
gras par an, qu’il soit cuit ou cru. Après
des débuts cahotants, l’aventure est un
succès, puisque l’entreprise a non seulement
pris le marché, mais elle en a augmenté la taille à environ sept tonnes de
foie gras par an sans compter tous les
autres dérivés du canard. Grâce à un
investissement total de départ de 150 000
dollars, le foie gras libanais est rapidement
devenu compétitif puisqu’à qualité
qui se revendique égale à celle des importations,
le prix est inférieur de 30%. Ainsi,
par exemple, le kilo cru produit localement
est à 33 dollars et à 100 dollars s’il est
transformé.
La période de fêtes représente le quart du
chiffre d’affaires annuel de la Ferme Saint-
Jacques qui suit en cela le modèle économique
mondial en la matière : les ventes sont
stimulées par la publicité qui augmente au
cours de cette période. Si un commerçant
importateur peut s’adapter à une telle configuration
du marché, en revanche, pour un
producteur local, il est impossible d’être rentable
en se contentant des ventes réalisées
en fin d’année. L’entreprise cherche donc à
modifier les habitudes de consommation des
Libanais pour introduire du foie gras dans
leurs assiettes tout au long de l’année. Elle
propose ainsi des produits dérivés du foie
gras comme des pâtés de foie gras ou des
magrets de canard au foie gras.
Pour Les volailles de Batroun, il s’agit aussi
d’exploiter toutes les parties comestibles des
16 000 canards qu’elle élève tous les ans. Si
le foie est la partie noble de la bête, celle qui a
la plus forte valeur ajoutée, il ne suffit pas à rentabiliser
les investissements réalisés : ferme,
équipements de gavage et cuisine de transformation.
La société a décidé d’investir dans cette
cuisine, alors que le modèle de départ consistait
à confier la confection à des sous-traitants.
Mais la nécessité de créer un marché pour
toutes les parties du canard supposait de maîtriser
aussi la fabrication de rillettes, pâtés,
cuisses, magrets, gésiers, cassoulets aux saucisses
de canard, graisse stérilisée, etc. Ces
produits ont l’avantage de trouver leur place
dans les plats des grands chefs d’hôtels, des
restaurants et des traiteurs qui constituent à eux
seuls 80 % du marché des produits de la Ferme
Saint-Jacques. Le reste des ventes est réparti
entre épiceries fines et supermarchés. La stratégie
commerciale consiste donc à faire
connaître les produits dérivés du canard afin
qu’ils entrent dans les habitudes culinaires. En
la matière, Les volailles de Batroun a purement
et simplement créé le marché et cherche en
permanence à le développer, avec un marketing
interne tenu par Patricia Baalbaki. La Ferme
Saint-Jacques démarche par exemple les nutritionnistes
et les diététiciens pour les encourager
à utiliser les produits du canard (hormis foie
gras et graisse) dans la préparation des plats
cuisinés qu’ils proposent à leur clientèle.
Depuis la fin de l’année dernière, Les
volailles de Batroun se tourne aussi vers
l’exportation. Une aventure prometteuse,
puisque les ventes à l’étranger représentent
déjà 50 % de la production. Les
clients sont Dubaï, la Jordanie, le Koweït
et l’Arabie saoudite. Qatar et l’Afrique
seront ciblés dans une étape ultérieure.
Sur ces marchés arabes, le foie gras libanais
et les autres produits de la Ferme
Saint-Jacques ont un avantage de taille :
la seule concurrence est française, les
produits israéliens, compétitifs au niveau
mondial, n’y étant pas les bienvenus.
Recréer toute une filière
Pour vendre du foie gras, un mets gastronomique
originaire du sud-ouest de
la France, il a fallu monter de toutes
pièces une filière pour fabriquer un produit
qui ne correspond pas à la tradition
du Liban, le canard n’étant pas un
habitué des assiettes locales. Les actionnaires
des Volailles de Batroun (dont
Ziad Younès, Dory Younès, Philippe
Grondier, Jihane Féghali, Jacques
Guarillon et Joe Nasnas) ont donc chargé
l’ingénieur agronome Guitta
Yaacoub et le chef de cuisine, Walid
Chalhoub, d’acquérir le savoir-faire
français dans l’Hexagone. De la ferme à
la transformation, Les volailles de
Batroun maîtrisent toute la chaîne de
production, à l’exception de l’élevage
des mères pondeuses qui fournissent les
oeufs donnant des canetons d’élevage.
Ces derniers sont donc importés. La
ferme, installée sur les hauteurs de
Batroun, a été initialement conçue pour
accueillir 12 000 canards par an, ce qui
correspondait à trois cycles de 4 000
canards. Elle a par la suite commencé à
en accueillir 16 000. Les volailles sont
prêtes au gavage au maïs à l’âge de 74
jours. L’opération est effectuée dans
une salle indépendante qui compte un
millier de cages individuelles. Les
canards y séjournent 15 jours, le temps
que la graisse se forme dans leur foie.
Ensuite ils sont envoyés à la cuisine.
L’abattage, le plumage et la découpe
sont effectués manuellement par des
employés – vingt à trente personnes au
total – libanais venus des villages avoisinants,
tels que Batroun, Tannourine ou
Douma. L’élevage représente 60 % des
coûts de production, importation des
canetons comprise. Les 40 % restants
viennent de la transformation des différentes
parties des volailles qui est réalisée
dans la cuisine industrielle adjacente
aux bâtiments d’élevage, qui a été
rééquipée pour la transformation de
toutes les parties du canard en 2003.
Au total, les coûts de production sont
de 240 000 dollars par an.
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