Les conditions d’obtention des crédits à la consommation devenant de plus en plus strictes en période de récession, les Libanais se tournent de plus en plus vers les cartes de paiement qui leur donnent accès à un crédit rapide et simple. Les banques y trouvent largement leur compte, le produit étant l’un des plus rentables de sa palette de services aux particuliers.

En seulement quatre ans, de 2003 à
2006, les cartes de paiement en circulation
au Liban ont presque doublé
(+47,3 %) sous l’impulsion des banques qui
favorisent un produit très rentable. Si elles ne
représentent que 19 % des cartes en circulation,
les cartes de crédit en sont la principale
source de revenus. Une tendance mondiale qui
est accentuée au Liban par le besoin de crédit
grandissant des ménages qui n’hésitent plus à
utiliser leur ligne de crédit au lieu de déposer une
demande de prêt à la consommation ou de prêt
personnel, plus difficile à obtenir. Les banques
laissent faire, car la rémunération est d’autant
plus grande dans le premier cas que les marges
de profit sur les prêts aux particuliers sont, elles,
en réduction ; la concurrence très forte pousse
certaines banques à proposer des taux d’intérêt
extrêmement bas sur ces produits, comme le
crédit auto, ce qui affecte leur rentabilité. ?
Programmes
de fidélisation
et co-branding
L’augmentation de l’offre de
cartes de crédit est telle que les
banques cherchent à fidéliser
d’une part leur clientèle et à capter
des niches d’autre part. Les
programmes de fidélisation passent
surtout par des cadeaux (liés
à l’accumulation de points échangeables
contre des biens ou des
services) et des avantages. Mais
ces derniers se sont tellement multipliés
que le client les considère
désormais comme un acquis,
même s’il ne les utilise pas. Les
programmes de fidélisation
engendrent des coûts supplémentaires
pour les banques, de l’ordre
de 0,3 à 1 % des montants utilisés.
Aussi certaines ont-elles trouvé
une parade en appliquant une
date de péremption pour les
points. Un utilisateur moyen
cumulera ses points trop lentement
pour pouvoir les utiliser
avant qu’ils ne soient périmés.
Les niches sont exploitées à travers
des cartes en “co-branding”,
explique Antoine Raad du Crédit
libanais, c’est-à-dire des cartes
délivrées en partenariat avec une
autre institution, qu’il s’agisse
d’une entreprise commerciale ou
d’une association à but non lucratif.
Le but est soit d’offrir au client
un avantage concret, soit de lui
donner un sentiment d’appartenance,
avec une carte émise en
partenariat avec son université ou
avec une association professionnelle
par exemple. Plusieurs types
de cartes en “co-branding” ont
été émises sur le marché libanais
sans qu’aucune ne connaisse un
réel succès, car rares sont les partenaires
suffisamment importants
pour susciter un éventail de clientèle
rentable. Même les plus
grands groupes de distribution
n’ont pas les reins assez solides
pour offrir de vrais avantages,
comme des crédits. « En France,
les cartes émises par les grands
magasins comme le Printemps
fonctionnent, car c’est le
Printemps lui-même qui fournit le
crédit. Tandis qu’au Liban, le partenaire
commercial renvoie le
client vers une banque qui impose
les mêmes règles que pour toute
autre demande de crédit. C’est ce
qui s’est passé pour la Blue Card
émise par l’ABC et la Banque
Byblos par exemple », explique
un banquier.
financesbanques
« Aujourd’hui, en raison de la situation économique
et politique du pays, nous répondons
positivement à 10 % des demandes de
crédit, contre 40 % dans un autre contexte »,
déclare un banquier. A contrario, l’obtention
d’une carte de crédit est beaucoup plus facile
: moins de paperasse et des garanties pratiquement
inexistantes. « Le porteur peut
obtenir une carte de crédit sans complication
et il utilisera la ligne de crédit à son gré »,
souligne Ronald Zirka, responsable de la
Monétique à la SGBL. Aujourd’hui, les cartes
de crédit représentent près de 5 % des crédits
à la consommation, mais cette part est
appelée à se développer. »
Résultat, l’usage de la carte de crédit est
dévié. Au lieu de servir d’outil de gestion de
trésorerie, elle est de plus en plus considérée
comme une facilité de crédit rapide.
Conscientes de cet empiètement, les banques
préfèrent promouvoir leurs cartes de crédit plutôt
que d’autres produits : par exemple 20 à
30 % des budgets publicitaires de la SGBL y
sont consacrés, 15 % pour le Crédit libanais
avec une augmentation annuelle d’environ 5 %.
Au total, les banques consacrent aux cartes 9 %
de leur budget publicitaire global, contre 3 %
pour les prêts personnels. Le crédit classique
présente l’inconvénient d’être limité dans le
temps, alors que la carte de crédit a une durée
d’utilisation illimitée pour un effort marketing
initial unique. « Les cartes de crédit sont
plus avantageuses que les prêts personnels
car, contrairement à ces derniers, elles
représentent un prêt continu, souligne Randa
Bdeir, directrice du département Electronic
Banking and Business Development de la
Banque Audi – groupe Audi Saradar. Les
« Les cartes de crédit sont plus avantageuses que les prêts
personnels, car elles représentent un prêt continu », explique
Randa Bdeir.
cartes permettent à la banque d’économiser
les frais administratifs générés par les prêts
personnels. En résumé, ce mode de paiement
est bien plus simple et facile à gérer
que les prêts personnels. »
Un banquier qui a requis l’anonymat souligne
les risques liés à cette évolution : ils sont
d’autant plus grands qu’elle intervient en
période de récession et accroît donc la tendance
au surendettement des ménages.