Château d’eau du Levant, le Liban est loin d’exploiter le potentiel économique de ses ressources hydrauliques, notamment pour la production électrique.

A lors que des pays relativement pauvres
en eau, comme la Jordanie et la Syrie,
ne cessent d’augmenter leur production
hydroélectrique, le Liban, “château
d’eau” du Levant ignore cette ressource pourtant
nettement moins chère que le fioul qui ne
cesse de plomber le déficit de l’EDL et celui
du Trésor par la même occasion.
Propre, renouvelable et durable, cette source
alternative pourrait, dans un délai de deux à
trois années, assurer jusqu’à 22 % de la capacité
installée de production d’énergie électrique
au Liban, contre 12 % aujourd’hui : elle serait
de 476 MW, contre quelque 270 MW seulement
aujourd’hui, sur un total de 2 200 MW,
toutes sources de productions confondues.
L’économie ainsi réalisée serait de plus de 50
millions de dollars par an, moyennant des
investissements de l’ordre de 400 millions de
dollars. Le coût moyen d’installation d’une
unité de production hydroélectrique est de
l’ordre de deux millions de dollars par MW installé,
mais une fois en place le coût de production
est 80 % moins cher que celui de centrales
thermiques fonctionnant au fioul : 0,025
au lieu de plus de 0,15 dollar par kWh.
Ces investissements seraient aisément financés
par des prêts de la Société financière
internationale (groupe Banque mondiale) et
par le secteur privé, à condition que l’État
affiche sa volonté de développer ce créneau.
La production hydroélectrique réelle est aujourd’hui
de l’ordre de 700 GWh. Elle représente
seulement 7 % de la production totale qui est de
l’ordre de 10 000 GWh. La différence entre la
capacité installée hydroélectrique – qui est égale
à 12 % de la capacité installée totale – et sa
contribution à la production totale est essentiellement
due à l’obsolescence des équipements
qu’il faudrait réhabiliter.
EDL possède directement une seule unité de
production hydroélectrique à Richmaya (appelée
aussi Safa). Quatre petites unités sont la
propriété de la société de la Qadicha, sa filiale
à 98 %. Leur capacité totale est d’environ
35 MW, mais elles ne produisent que 100
GWh par an. Cette faible productivité s’explique
par le fait que ces unités sont mal
entretenues. Toutes les unités d’EDL et de la
Qadicha sont “au fil de l’eau” et ne disposent
donc pas de réservoir leur permettant de
réguler leur capacité.
En fait, l’essentiel de la production hydroélectrique
libanaise (70 %) est assuré par le barrage
du Qaraoun, sur le Litani. L’Office éponyme
a été créé en 1954 pour gérer l’eau et les ressources hydroélectriques de ce fleuve.
Le barrage a été construit par la suite pour
assurer un réservoir de 220 millions de
mètres cubes (le lac de Qaraoun) et trois unités
de production y ont été installées avec
une capacité totale installée de 190 MW.
Deux producteurs indépendants (Nahr
Ibrahim et Nahr Bared) ont aussi une capacité
de production de 50 MW en vertu de
concessions accordées par l’État. Le courant
généré par leurs unités “au fil de l’eau” est
vendu à EDL, qui se charge de sa distribution.
Dans un plan présenté en juin 2005, l’ancien
ministre de l’Énergie et de l’Eau, Bassam
Yammine, a proposé de développer la production
hydroélectrique pour exploiter au mieux les 17
rivières et fleuves pérennes du Liban auxquels
s’ajoutent un grand nombre d’autres petites
rivières saisonnières. La surface totale de captage
des eaux est estimée à plus de 8 120 km2,
selon une étude réalisée pour le compte du
ministère. C’est assez pour atteindre une production
de près de 476 MW, sachant qu’il faut
tenir compte de la variation saisonnière des
pluies. En général, 70 % de la pluviométrie
annuelle se concentre en moins de trois mois.
Le plan du ministre prévoyait de produire 206
MW supplémentaires rapidement. Sur ce
total, 120 MW nécessitent la construction de
barrages, le reste pouvant provenir de petites
unités “au fil de l’eau”. Cet effort de 400 millions
de dollars est réalisable rapidement. Car
il s’agit d’augmenter la capacité de producteurs
déjà en place et qui possèdent des
concessions délivrées par l’État.
L’augmentation de leurs capacités de production
nécessiterait seulement l’approbation
du Conseil des ministres. Pour accorder des
licences de production supplémentaire à des
opérateurs privés, il faudra attendre la mise
en application de la loi 462 qui organise le
secteur (le texte a été adopté par le
Parlement, mais attend les décrets d’application)
et la nomination d’une autorité de régulation
du secteur, en mesure de délivrer de nouvelles
licences de production. Ou alors amender
cette loi et autoriser le Conseil des
ministres à délivrer ces licences dans l’attente
de la nomination de l’autorité de régulation. La Syrie et la Jordanie
prennent de l’avance
Tandis que la production électrique
totale du Liban a augmenté
de 2 962 GWh en 1981 à 9 660
GWh en 2002, la production
hydroélectrique a diminué de
1 129 à 678 GWh sur la période.
Résultat : alors qu’elle assurait
40 % de la production totale en
1981, la part de l’énergie d’origine
hydraulique n’est plus que de
7 %. Une évolution contraire à
ce qui se passe dans les pays voisins.
En Syrie, la croissance de ce
type de production est de 928 %
en 30 ans. Sur la période 1971-
2001, la progression annuelle est
de 43 %. En Jordanie, la croissance
est de 461 % en 15 ans. Production EDL et Qadicha
Unités Production 2002 Capacité installée Âge/génie civil Âge/unité
en GWh en MW
Richmaya/Safa 26 13 70 70 et 45
Qadicha – Cascades 74
Bécharré 1,6 88 74
Mar Lichaa 3,3 44 44
Blaouza 8,4 44 44
Abou Ali 8 69 69
Producteurs indépendants
Unités Production 2002 Capacité installée Statut
en GWh en MW
Nahr Bared 60 17 Société privée
Nahr Ibrahim 94 33 Société privée
Litani 424
Abdel Al (Markaba) 34 Autorité publique
Archache (Awali) 108 Autorité publique
Charles Hélou (Joun) 48 Autorité publique
Potentiel de production
hydroélectrique supplémentaire
Site/ Unités de Capacité add. Construction
Rivière production potentielle de barrage
en MW (BOT)
Litani Bisri 6 Non
Khardali 20 Oui
Safa Zibli - Non
Richmaya 5
Damour -
Nahr Ibrahim Hneidi 20 Non
Jannah 40 Oui
Assi Yammouné 10 Oui
Hermel 50 Oui
Nahr Bared Bou Moussa 2 Non
Hamra 16 Non
Ksaim 5 Non
Qattine 18 Non
Abou Ali Bchénine 4 Non
Total 206
Source : Plan du ministre Bassam Yammine. Juin 2005.