Nicolas Sarkis est le cofondateur à Londres d’AlphaOne Partners, un concept novateur dans le monde de la gestion d’actifs pour gros investisseurs privés.
Le Libanais Nicolas Sarkis et son partenaire Philippe Lamy, deux anciens de Goldman Sachs, se sont lancés à Londres sur un créneau novateur en matière de gestion des grandes fortunes : le bureau d’investissement privé indépendant ou “family office”. Le concept d’AlphaOne est le fruit de l’expérience de 13 ans des deux jeunes financiers dans l’une des banques internationales les mieux cotées. « Même les banques les plus prestigieuses sont devenues des plates-formes de distribution de produits. Les grands investisseurs privés cherchent autre chose. Ils sont trop grands pour être traités comme de simples clients privés, mais ne veulent pas non plus construire leur équipe dédiée de conseillers parce que c’est lourd à gérer, compliqué et très coûteux », explique Nicolas Sarkis.
Sa solution : une société de gestion financière indépendante, où le ticket d’entrée moyen est de 10 millions de dollars, qui oriente les placements de ses clients et les fait bénéficier directement des tarifs de souscription compétitifs réservés aux institutions financières d’une certaine taille, sans encaisser de marges sur les transactions.
L’orientation est le maître mot de la société. Car, la gestion financière « ressemble un peu au sud du Liban : c’est un champ de mines, mieux vaut se munir d’une carte pour s’y rendre, même si elle n’est pas exhaustive ». Le rôle d’AlphaOne est donc de servir de guide à ses clients fortunés, souvent des entrepreneurs qui ont vendu des sociétés ou des industriels qui ont des actifs liquides à placer. « Les marchés de capitaux regorgent de produits. Les choses évoluent très vite. Il est important de savoir qui est bon dans quoi. Nous proposons à nos clients d’identifier les meilleurs produits, de repérer les fonds les plus performants de la planète. »
Outre la qualité du conseil qu’ils ont l’ambition de fournir, la nouveauté de l’approche de Nicolas Sarkis et de son associé tient à leur formule d’investissement. AlphaOne Partners est uniquement rémunéré à la performance. « Pour éviter tout conflit d’intérêt, nous n’encaissons aucune rétrocession de commission, explique Nicolas Sarkis, en référence à la pratique habituelle dans les banques. Nous ne structurons pas davantage de produits propres, donc nous n’avons aucun intérêt a priori à proposer tel ou tel placement. »
Les frais de gestion sont calculés en pourcentage de la performance des portefeuilles : AlphaOne ne facture aucuns frais fixes, mais se réserve 10 % de toutes les plus-values réalisées sur une année. Par exemple, si le portefeuille du client est en hausse de 15 %, il s’acquitte de frais de 1,5 %, ce qui ramène sa performance nette à 13,5 %. « Si la performance est nulle ou négative, nous ne gagnons rien. Aussi bizarre que cela puisse paraître, c’est très inhabituel dans notre métier, où les gérants expliquent généralement qu’ils ont une obligation de moyens et non pas de résultats en raison du caractère imprévisible des marchés financiers », explique Sarkis. Poussant le raisonnement plus loin encore, AlphaOne Partners coinvestit son propre capital dans les produits qu’il achète pour ses clients. Les cibles privilégiées sont les fonds de taille moyenne que les banques ont tendance à ignorer – leur masse d’actifs sous gestion étant trop importante par rapport aux capacités de ces fonds –, alors qu’ils peuvent être très performants.
Sarkis s’étonne lui-même que cette voie n’ait pas été suivie plus tôt. « Le coinvestissement n’est pas du marketing. Quand j’étais chez Goldman Sachs, pour qui j’ai le plus grand respect, mes clients me reprochaient cette absence d’implication. Désormais, je réfléchis à 100 % comme un investisseur. Je suis à l’affût des opportunités. »
Après 18 mois d’activité, les deux partenaires dressent un premier bilan positif. « Nos performances de gestion ont très largement dépassé les indices boursiers », explique Sarkis, sans préciser de combien, conformément aux règles imposées par l’autorité des marchés britanniques, le FSA. L’équipe compte six collaborateurs en interne et la société s’appuie sur des ressources externes pour le travail de gestion, ce qui représente plusieurs centaines de personnes au total. AlphaOne Partners se paie même le luxe de refuser des clients afin de préserver son statut de « boutique », avec 40 ou 50 clients maximum. La société aiguise d’ores et déjà les appétits. Une proposition d’achat a été cordialement repoussée. « L’offre nous a flattés, elle a validé notre modèle. Notre objectif n’est pas de vendre, mais de conserver notre indépendance. »
Une fratrie de traders
Nicolas Sarkis est né en 1971 à Beyrouth, mais sa famille a quitté le Liban pour Paris dès le début de la guerre civile, en 1975. Marié et père d’un enfant de deux ans, Sarkis a été pendant 13 ans directeur de la gestion privée chez Goldman Sachs. Dans la famille Sarkis, il n’est pas le seul à avoir plongé dans le monde des finances. Son frère aîné, Ziad, est associé chez PAI Management et son cadet, Walid, est chez Bain Capital. Ces deux sociétés sont de grands fonds d’investissement spécialisés dans le Private Equity. Son père, dont il est l’homonyme, est aussi connu en France comme le spécialiste du marché énergétique arabe. Il dirige le Centre arabe d’études pétrolières et la revue Pétrole et gaz arabes.