Les importateurs de produits pétroliers au Liban se sont regroupés au sein d’une association, dont l’un des buts est de faire respecter des normes de sécurité et de qualité. Mais le secteur, dont les bénéfices n’ont pas suivi l’évolution des cours internationaux, n’a pas forcément les moyens d’assumer de nouveaux investissements.
Environ 4,5 millions de tonnes de combustible sont importées chaque année au Liban. À lui seul, l’État se procure près de 2,5 millions de tonnes par an pour assurer les besoins d’Électricité du Liban en fuel et pour distribuer du mazout rouge.
Le reste du marché est aux mains de compagnies privées, qui ont toutes décidé de se regrouper au sein d’une association, officiellement lancée en octobre dernier. L’Association des importateurs de pétrole au Liban, APIC, qui compte quatorze sociétés libanaises, arabes et étrangères, s’est notamment fixé comme objectif d’améliorer les pratiques du secteur en termes de sécurité et de qualité, ce qui nécessite des investissements. L’APIC n’ayant toutefois pas les moyens d’imposer des normes à l’ensemble du secteur, elle devrait d’abord commencer par ses membres, qui importent au total près de deux millions de tonnes de carburant par an.
Pour ces dernières, l’essence représente le gros du marché, avec 1,2 million de tonnes importées par an. Elles fournissent également près de 700 000 tonnes de mazout vert, 130 000 tonnes de gaz, et des quantités plus négligeables de “kaz”, de gasoil, de fuel industriel et autres combustibles.
« L’importation en soi n’est pas génératrice de revenus, explique le président de l’APIC, Bahij Abou Hamzé. Les sociétés font d’ailleurs des commandes groupées, puisque les navires transportent au moins 25 000 tonnes par livraison. »
La concurrence et les marges se font donc sur le stockage et la distribution. À partir de leurs centres de stockage, les compagnies approvisionnent les 2 400 stations d’essence répertoriées dans le pays, dont elles détiennent environ la moitié.
À la livraison, la marge des sociétés pétrolières a été fixée par l’État à 5 % du prix d’importation. Cette marge est censée couvrir leur frais et dégager des bénéfices. Avec la hausse des prix internationaux des combustibles, les montants engrangés sont censés avoir augmenté et ouvrir la voie à de nouveaux investissements. Mais ce n’est pas le cas, affirme Abou Hamzé, soulignant que cette marge est grignotée par des coûts supplémentaires supportés par les pétroliers que les autorités ne prennent pas en compte, notamment ceux du transport maritime.
Selon lui, lorsque le ministère de l’Énergie et de l’Eau établit le plafond des prix à la pompe, il prévoit un coût de transport international de neuf dollars la tonne, alors que les prix réels se situent actuellement entre 18 et 20 dollars la tonne, à cause aussi de la hausse des prix du carburant et de celle des frais d’assurance depuis la guerre de juillet. « La structure actuelle des prix a été définie il y a plusieurs années. Certains éléments comme le fret maritime ont beaucoup augmenté depuis. Cette structure ne reflète pas tous les coûts d’exploitation et de financement », confirme le directeur général de Total-Liban, Vincent Maumus.
Par conséquent, « les bénéfices des importateurs n’ont pas augmenté ces dernières années, d’autant que la consommation d’essence a ralenti en 2006 et 2007 en raison de la baisse du nombre de touristes », affirme Abou Hamzé.
« Alors que les ventes en volume sont en légère régression, le chiffre d’affaires est resté à peu près stable, les taxes ayant joué un rôle tampon pour éviter les répercussions des hausses internationales sur le prix de vente final. Mais dans un environnement à marge structuré, nos résultats ont souffert de l’augmentation des charges d’exploitation et ont baissé de l’ordre de 16 % entre 2005 et 2007 », confirme le responsable de Total au Liban.
La situation financière des compagnies reste malgré tout confortable, en particulier pour les plus grandes d’entre elles. Si l’APIC veut renégocier la structure des prix imposés par l’État, c’est pour encourager les investissements dans le secteur, qui pourraient notamment améliorer la qualité des services.
« L’exploitation d’un terminal d’importation, le transport de produits, les unités de distribution (stations-service) doivent s’accompagner d’investissements lourds pour assurer la sécurité des biens et des personnes tout en préservant l’environnement », souligne Vincent Maumus. Il évoque notamment le matériel de lutte contre l’incendie, des séparateurs d’hydrocarbures, des cuves double enveloppe (comme les bateaux à double coque) ou enterrées en fosse bétonnée pour éviter la pollution des sols et des nappes phréatiques, des vannes avec clapet de fond dans les camions pour éviter des déversements accidentels, etc.
Si les compagnies multinationales respectent les normes internationales, ce n’est pas le cas de tous les acteurs du marché. Le problème se pose surtout au niveau du parc des stations d’essence. Bien que leurs revenus soient aussi plafonnés par l’État, à 1 600 livres libanaises par bidon d’essence et 400 livres par bidon de mazout, toutes ne sont pas logées à la même enseigne.
Près de la moitié d’entre elles font partie d’un réseau de distribution. Mais le reste du marché est composé de petites stations indépendantes ayant poussé durant la guerre civile, en dehors du cadre légal qui leur impose de signer un contrat avec une compagnie pétrolière. « Aujourd’hui, environ 50 % des stations libanaises n’ont pas de permis d’exploitation », affirme Abou Hamzé.
Tant qu’elles n’y sont pas contraintes, les petites stations ferment les yeux sur les normes de qualité, sachant que la taille réduite de leur clientèle leur permet tout juste de vivoter.
L’APIC entend donc sensibiliser les stations d’essence à ce sujet, et surtout le consommateur libanais.
Faute de pouvoir imposer le respect strict de certaines normes – notamment pour des considérations sociales –, APIC travaille notamment à l’élaboration d’un système d’accréditation afin que le consommateur puisse identifier clairement les stations conformes aux standards de sécurité et de qualité internationaux.
C’est une manière aussi pour les importateurs de réhabiliter leur image auprès de l’opinion publique qui est entachée par la confusion entretenue entre les activités de livraison à l’État et celles destinées au privé. « Il n’y a pas de place pour la corruption dans notre segment du marché où la concurrence est féroce », affirme Vincent Maumus.
À cet égard, l’Association ne manque pas de souligner que l’importateur le plus pollueur aujourd’hui est l’État libanais qui continue de se procurer du mazout rouge, dont l’importation avait pourtant été légalement interdite pour son impact écologique.
Globalement, l’APIC veut d’ailleurs collaborer avec les pouvoirs publics pour mettre en place une politique pétrolière cohérente à l’échelle nationale. Mais pour cela, il faudrait déjà commencer par nommer un directeur général à la direction du pétrole, au sein du miQuatorze importateurs
Le Liban compte quatorze importateurs de
produits pétroliers qui disposent de dépôts à
partir desquels ils distribuent de l’essence, du
mazout et du gaz. Certains ont aussi un
réseau de stations, d’autres approvisionnent
le marché de celles qui n’ont pas de marque.
Importateur Principaux actionnaires
Wardieh La saoudienne Traco Corporation
(ex-Mobil Oil) (70 %), la libanaise Béryte
immobilière (15 %) et
l’américaine ExxonMobil (15 %)
Total Groupe Total
Hypco Famille Bassatny
Coral Oil La saoudienne Moroncha Holding
Medco Groupe Chammas
Uniterminals Le groupe koweïtien
Independent-Petroleum
et Joseph Khoury
Cogico/ Bahij Abou Hamzé, Walid Joumblatt
Levant Oil et Nehmé Tohmé
IPT Famille Issa
United Petroleum Joseph Tayeh
Falcon Abdallah Ghandour
Gaz Orient Moustapha Dernayka
(ex-Nata Gaz)
Gefco Kabalan Yammine
Sidaco Nabih Sibani
Alarabiya Abdel Razzak el-Hajjinistère de l’Énergie et de l’Eau.