La compensation des opérations de carte de crédit se fera désormais entièrement au Liban. La Banque centrale est en train de finaliser l’installation d’un système local pour connecter les différents réseaux de terminaux de paiement électronique qui étaient jusque-là reliés uniquement à Visa et MasterCard, dont les systèmes de compensation sont à l’étranger.

D’ici à la fin de cette année, la Banque centrale va mettre fin à une aberration du réseau des cartes de crédit au Liban en vertu duquel la compensation des paiements en livres libanaises se fait à New York. La circulaire numéro 109 adoptée en août et dont l’entrée en vigueur a débuté en novembre résout le problème en instaurant un système de compensation local.
Dès 2008, les clients pourront facilement régler leurs achats en livres libanaises par carte bancaire. Jusqu’à présent, la pratique était peu courante, car boutiques, restaurants et autres commerces affirmaient souvent ne pas offrir ce service afin de ne pas avoir à justifier la différence entre le montant débité sur le compte du client et le montant facturé. Celui-ci se retrouvait par exemple à payer plus de 151 000 livres pour un achat de 150 000 livres si sa carte était débitée dans un point de vente équipé d’un terminal de paiement électronique (TPE ou POS en anglais) appartenant à un réseau différent de celui de sa banque. L’opération transitait en effet par Visa ou MasterCard qui, ne reconnaissant pas la livre libanaise, effectuait la compensation de la transaction en dollars, facturant par conséquent l’opération de change. « Les montants étaient d’abord convertis en dollars puis reconvertis en livres libanaises », explique Ronald Zirka, directeur de la monétique à la SGBL.
Le nouveau système de compensation à la Banque centrale met un terme à ces acrobaties : au lieu de se faire dans les comptes des banques libanaises à New York, Visa et MasterCard ont conclu un accord avec la BDL pour mouvementer les comptes des banques libanaises auprès d’elle, que ce soit pour les paiements en livres ou en devises.
Contrairement à la compensation des opérations effectuées aux distributeurs automatiques de billets (DAB ou ATM en anglais) qui se fait à la Banque centrale depuis plus de deux ans, conformément à la circulaire 92 émise en février 2003, ce nouveau système est un peu plus compliqué, car il implique trois parties au lieu de deux : la banque du marchand, celle qui a émis la carte du client et celle qui a équipé le point de vente d’un terminal de paiement (contre deux intervenant lors des retraits aux distributeurs, la banque émettrice de la carte et la banque qui gère le DAB). D’où la longueur de la phase de test du nouveau système, explique Khalil Letayf, directeur des opérations et des systèmes d’information à la Banque libano-française.
Outre les économies réalisées par les consommateurs, cette simplification devrait aussi avoir des vertus économiques en encourageant les paiements par cartes. « Au Liban, ces dernières sont utilisées dans 75 à 80 % des cas pour effectuer des retraits d’argent aux distributeurs de billets, alors que ce taux est de 30 % en Jordanie et seulement de 8 % à Chypre. Dans ces pays, les cartes servent surtout à financer des achats », souligne Zirka. La substitution de paiements monétiques au liquide a un intérêt en soi : elle permet d’accroître la vitesse de circulation de la monnaie, grâce à la disparition des dates de valeur, ce qui, selon la théorie quantitative de la monnaie, est censé créer de la richesse*.
L’installation de la nouvelle infrastructure technique nécessaire au déroulement de la compensation a duré près de dix mois, selon Ali Nahlé, directeur du département informatique et technologie de la BDL. Un groupe d’informaticiens et d’ingénieurs ont installé un réseau STP (Straight Through Processing) qui permet le traitement électronique des opérations sans aucune intervention humaine.
Trop de switchs ?

Il s’agit d’un pas en avant pour le consommateur libanais, même s’il souffre encore du niveau élevé de la tarification des services de cartes de crédit liée à la multitude de switchs bancaires : il s’agit de l’appellation anglaise des gestionnaires sécurisés d’opérations monétiques reliées aux grands opérateurs internationaux que sont Visa et MasterCard.
Les commissions imposées aux utilisateurs sont par exemple en moyenne deux fois plus élevées au Liban qu’à Chypre, selon Ronald Zirka. L’explication est simple : au lieu d’être géré par un seul réseau central comme son voisin insulaire, le Liban est équipé de quatre switchs, c’est-à-dire les installations assurant la connexion entre les réseaux de cartes de crédit.
Concrètement, le détenteur d’une carte de débit émise par un réseau A doit payer une commission allant jusqu’à cinq dollars lorsqu’il effectue un retrait au distributeur d’un réseau B (la commission va d’un à trois dollars pour une banque du même réseau A) et la commission peut aller jusqu’à 2 % du montant quand le retrait se fait au moyen d’une carte de crédit. Ces surcoûts existent aussi lorsqu’un client effectue un paiement dans un point de vente équipé d’un terminal appartenant à un réseau C, alors que sa carte a été émise par une banque d’un réseau D.
L’explication tient à la politique de “laisser-faire” qui a prévalu au moment du développement des différents réseaux du pays. Au début des années 1990, deux switchs se partageaient le marché, l’un, le CSC, alors géré par la Lebanon and Gulf Bank, l’autre, l’IPN par le Crédit libanais. Lorsque l’introduction des cartes Electron (cartes locales de débit immédiat) combinée au développement du réseau de distributeurs de billets a favorisé l’expansion du marché, d’autres banques ont souhaité lancer leur propre réseau. La Banque libano-française et la SGBL ont créé le leur, sous le nom de CTM, suivies par la Banque Audi. Quatre autres banques ont quant à elles choisi de s’équiper d’un switch interne. Il s’agit de la BLOM, la Fransabank, BankMed et la Banque Byblos. « Ce système moderne de gestion des cartes et des distributeurs automatiques de billets va permettre à la Banque Byblos de mieux gérer son parc local et international de 125 DAB et par conséquent d’améliorer son service », explique Ramzi Salem, directeur des systèmes de distribution.
Les banques dont la clientèle assure un volume important de transactions par cartes estiment qu’elles n’ont pas intérêt à payer des commissions au réseau auquel elles sont affiliées et sont incitées à développer leur propre réseau. L’avantage est aussi d’ordre commercial, comme l’explique Élias Aractingi, conseiller du PDG de la BLOM. « L’existence de plusieurs réseaux permet d’instaurer des relations personnalisées avec la clientèle », dit-il.
Un argument qui ne suffit pas à contrebalancer les désavantages du suréquipement, selon Habib Lahoud, responsable de la banque de détail à la Intercontinental Bank. « La présence d’un seul réseau aurait réduit les coûts encourus par le consommateur, mais aussi dégagé une plus grande marge de profit pour les gérants du réseau grâce aux économies d’échelle réalisées. »
Khalil Letayf, qui insiste lui aussi sur l’importance de la différenciation des services, parie de son côté sur la concurrence pour que les tarifs des commissions diminuent. « La tendance à la baisse a déjà commencé », dit-il. Par exemple, les commissions facturées par les banques “acquéreurs” aux points de vente équipées de terminaux électroniques sont passées de 2,5 à 1,5 % lorsque la Banque Audi a cassé les prix pour prendre une part de marché.


(*) L’équation est la suivante : M x V = P x Q, avec M = quantité de monnaie en circulation ; V = vitesse de circulation ; P = niveau général des prix ; et Q = production d’une économie.


Le Liban s’éloigne progressivement
de la culture du cash

Le monde du paiement électronique est en pleine expansion au Liban. Avec près de 1,38 million de cartes en circulation, plus de 1 000 distributeurs
automatiques de billets (DAB ou ATM en anglais) et environ 38 000 terminaux de paiement électroniques (TPE ou POS en anglais) sur tout le territoire fin juin, le pays du Cèdre s’éloigne de plus en plus de la culture du “cash” pour rentrer de plain-pied dans l’ère des échanges monétaires électromagnétiques.
Les opérations aux DAB ont augmenté de 45 % entre 2003 et 2006 et les opérations sur les TPE ont bondi de 102,5 % sur la même période pour atteindre 559,2 millions de dollars fin 2006.

Les principaux réseaux
de cartes de crédit
Réseau Date de Banques
fondation fondatrices
CSC 1992 Lebanon and Gulf Bank
BankMed
IPN 1996 BLOM
Audi
Fransabank
Crédit libanais
BBAC
CTM 2001 BLF
SGBL
C