La seule source de production électrique publique actuellement rentable au Liban, l’hydraulique, est un vestige des années 1950 et 1960. À l’exception de la réhabilitation des groupes électrogènes de l’Office du Litani et de la Kadicha, en 1994, l’État s’est contenté de travaux de maintenance du parc existant, alors que ses voisins méditerranéens, moins dotés en eau que lui, investissent largement sur ce créneau.
La part de l’hydraulique dans la production électrique totale du Liban n’a pas cessé de dégringoler depuis trente ans : de 69 % en 1976, elle a atteint 7,5 % en 2006 avec l’essor des centrales thermiques. Et rien n’annonce un renversement de tendance à court terme. Bien au contraire, la production des centrales du Litani, qui assurent 70 % de l’hydroélectricité du Liban, devrait baisser de 25 % dans les prochaines années : le projet du canal 800 en cours d’exécution vise à acheminer une partie de l’eau du fleuve pour irriguer 14 000 hectares dans le sud du Liban. Le renchérissement des coûts opérationnels des centrales thermiques, qui résulte de la flambée des cours internationaux du brut, plaide pourtant pour l’exploitation de cette énergie renouvelable, affirment tous les spécialistes.
Selon une étude réalisée par l’Université américaine de Beyrouth (AUB) en 2000, la précipitation annuelle moyenne au Liban est de 8 600 Mm3/an, dont seulement 2 000 Mm3/an sont exploités (encore moins selon le Programme des Nations unies pour le développement). Cela signifie que les capacités hydrauliques du Liban peuvent être significativement dopées.
Pour ce faire, nul besoin de recourir à la construction de grands barrages dispendieux qui suscitent d’ailleurs des controverses sur le plan environnemental. Les petits aménagements hydroélectriques sont très adaptés à la nature montagneuse du relief libanais. Dans ces régions accidentées du pays, il est possible de compenser le faible débit des fleuves par des aménagements de chutes d’eau élevées, explique le consultant Georges Kamar (voir Le Commerce du Levant du mois d’avril 2007). Ces installations n’occupent pas beaucoup d’espace, sont peu susceptibles de provoquer une inondation du rivage et elles modifient très peu le cours naturel de la rivière.
Un plan décennal élaboré par l’ancien ministre de l’Énergie et de l’Eau, Bassam Yammine, prévoit d’implanter de nouvelles petites centrales au fil de l’eau. Certaines peuvent atteindre une capacité de production de 20 MW. Les petites centrales auront une capacité totale de 96 MW sur les 206 MW additionnels prévus dans le plan Yammine, et généreront en moyenne 370 GWh de production électrique, soit près de 4 % de la production totale actuelle.
Mais en raison de leur faible capacité de stockage, la production annuelle des centrales au fil de l’eau reste sujette à des aléas climatiques.
D’une part, la production hydroélectrique fluctue en fonction de la variation saisonnière des pluies. Cela s’observe dans l’oscillation de la production d’une année à l’autre. D’autre part, 70 % du montant annuel des pluies tombe dans une période de trois à quatre mois. Ce qui entraîne un déficit important l’été. Les fleuves correspondant dans leur majorité à un régime pluvial accusent des débits faibles entre les mois d’août et de novembre. Une situation d’autant plus critique qu’elle correspond à la période d’irrigation. D’où l’éternel conflit entre les besoins du développement social en eau potable et en irrigation, et la production hydroélectrique, relève Wajdi Najem, doyen de l’École supérieure des ingénieurs de Beyrouth (ESIB). Ces deux raisons expliquent en grande partie la différence entre la capacité hydroélectrique installée qui représente 12 % de la capacité électrique totale du Liban et la production réelle qui varie entre 4 et 12 %.
Selon Georges Kamar, l’investissement reste cependant justifié : le calcul des besoins en énergie électrique d’un pays se fait en fonction des heures de pointe. « Or, aujourd’hui, on est loin du compte, il manquerait entre 400 et 500 MW au total sur les 2 200 installés , dit-il. L’augmentation de la capacité hydroélectrique permet, durant les périodes des crues, d’économiser les carburants dans les centrales thermiques pour les utiliser pendant les périodes sèches. Pendant l’été, dans la mesure où les petites centrales hydroélectriques sont équipées d’un réservoir, il est possible de les activer uniquement durant les heures de pointe. Le réseau pourrait alors bénéficier d’une quantité de production supplémentaire aux heures de pic, vendue au prix fort, pour un coût très abordable. « Chaque mégawatt hydroélectrique supplémentaire est donc bon à prendre », insiste Georges Kamar.
Le coût moyen de construction d’une petite centrale hydraulique est de l’ordre de deux millions de dollars par mégawatt, le double de celui d’une unité de production thermique. Mais le bilan énergétique des centrales hydroélectriques est nettement à son avantage. Pendant leur durée de vie, qui peut dépasser cent ans, les centrales hydrauliques amortissent jusqu’à 150 fois leur coût de construction, selon les services industriels de Genève, l’entreprise publique suisse de fourniture d’énergie. Au Liban, le coût de production d’une centrale hydraulique est en moyenne de 41 LL/kWh contre 270 LL/kWh pour les turbines à gaz (Baalbeck et Tyr), 165 LL/kWh pour le cycle combiné (Zahrani et Beddawi) et 155 LL/kWh pour les centrales à vapeur (Zouk et Jieh), selon Georges Kamar.
Pour peu que l’État ouvre la voie aux producteurs indépendants, les investisseurs ne devraient pas tarder à manifester leur intérêt.
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