Sous réserve du vote des députés, le budget 2010 devrait être le premier dont se dote le Liban depuis cinq ans. Entretien avec son auteur, la ministre des Finances Raya el-Hassan.

Êtes-vous satisfaite de la mouture finale de la loi de finances pour 2010 ?
Oui, sous réserve de ce qui va se passer au Parlement. Au final, mes deux objectifs principaux sont préservés. Le premier concerne la discipline fiscale dont l’objectif est de contenir le ratio d’endettement rapporté au PIB. Le second concerne l’augmentation des investissements publics nécessaires au soutien de la croissance. Même s’il existe bien sûr des divergences de vues à propos de l’ampleur des investissements que l’État devrait assumer lui-même à travers le budget, je crois que les crédits alloués sont suffisamment importants, sans mettre en péril l’objectif de stabilité fiscale. C’est notamment le cas des investissements dans le secteur de l’énergie qui devraient nous permettre de démarrer le processus de réforme du secteur.

Pourquoi êtes-vous contre un plafonnement de l’endettement par la loi ?
Cette question très sensible ne devrait pas faire l’objet de polémiques. En tant que ministre des Finances, je dois tenir compte de plusieurs paramètres interdépendants. Il faut d’abord savoir que nous n’avons jamais dépassé les limites. Et si le compte du Trésor auprès de la Banque centrale est effectivement excédentaire, il y a une raison à cela. D’une part, ces excédents servent à préfinancer les échéances de la dette des deux à trois prochains mois. Pour cela, il est parfois nécessaire d’assumer un surcoût pour s’assurer que le refinancement se fera dans de bonnes conditions. D’autre part, étant donné l’importance du stock de la dette, j’ai une responsabilité commune avec les autorités monétaires pour assurer la stabilité financière et monétaire. Car s’il est vrai que la gestion des flux de capitaux a un coût, ces  derniers servent à financer la dette. En réduisant les taux d’intérêt, ces flux ont commencé à diminuer, mais trouver l’équilibre optimum en la matière n’est pas facile. Le Fonds monétaire international nous a confortés dans notre souci de prudence.


Quelle était la motivation de la mesure fiscale concernant la taxation à 3 % des plus-values issues des réactualisations exceptionnelles des actifs immobilisés. Pourquoi ce cadeau fiscal ?
Mon intention initiale n’était pas de faire un “cadeau” à quiconque, mais de proposer une incitation fiscale destinée à assainir les bilans des sociétés libanaises qui dépendent trop de l’endettement. Lorsque le débat s’est engagé, j’ai ajouté des restrictions à la mesure initiale, en proposant d’ajouter une taxe de 6 % aux 3 % initiaux, en cas de revente du bien un an après sa réévaluation (de 4 % en cas de revente au bout de deux ans, etc.). Nous aurions pu aménager au mieux la mesure, si la discussion sur ce point s’était poursuivie, ce qui n’a pas été le cas. Je déplore le climat de suspicion dans lequel nous sommes : je crois que la confiance et le dialogue sont cruciaux pour aller de l’avant.

Vous êtes déjà en train de préparer le budget 2011. Quelles sont vos priorités ?
Je dois présenter le projet de budget 2011 au Conseil des ministres fin août et au Parlement en octobre. D’ici là, je vais passer un mois devant les commissions parlementaires pour défendre la loi de finances 2010. Étant donné les délais, je pense qu’il faut avoir des attentes modestes et voir d’abord ce qui est faisable.
D’un côté, je souhaite rationaliser la dépense publique. Pour cela, il faut établir des critères scientifiques de travail, comme le coût unitaire de certaines dépenses récurrentes.
Côté recette, j’ai deux axes de travail : premièrement, affiner la structure actuelle qui, selon un rapport du Fonds monétaire international, est relativement équitable dans le sens où elle n’est globalement pas régressive ; deuxièmement, lutter contre l’évasion fiscale et intégrer les revenus qui échappent pour l’instant à l’impôt.