Jusqu’au début des années 80, le marché libanais des chips était morcelé en une multitude de petits acteurs. Aujourd’hui, il est en voie de concentration. Trois groupes principaux évoluent dans un secteur dont le chiffre d’affaires tourne autour de 70 millions de dollars. Parmi eux, deux sont libanais. Leur succès, ils le doivent aux épiceries de quartiers qui totalisent 90 % des ventes de snacks salés.
 

 Une baie vitrée où figurent généralement des affiches publicitaires, un store couvrant l’avancée extérieure, quelques bacs à légumes et… repère omniprésent… des présentoirs de chips : bleus pour Master Chips (groupe DIFC, numéro un local), rouges pour Fantasia (Malco, l’autre intervenant libanais), ou jaunes pour Lay’s (groupe PepsiCo, leader régional et mondial). Sur les 22 000 épiceries, qui drainent toujours 60 % du commerce alimentaire sur le territoire libanais, ces trois marques se retrouvent au coude à coude pour présenter leurs produits. Master Chips, qui est en position de leader, revendique une part de marché de 70 % dans un article de la revue Gulf Marketing Review, en 2008. Lay’s affirme cependant, sur la base d’une étude commandée à des professionnels, qu’elle est de 43 %, lui-même se situant à 25 %, et Fantasia à 22 %. Très appréciées des consommateurs libanais, les chips constituent un marché particulièrement bien portant, avec une consommation de deux kilos par an et par habitant, et un chiffre d’affaires estimé à 70 millions de dollars. Surfant sur la tendance mondiale du snacking et de la consommation nomade, elles ont conquis les consommateurs grâce au commerce traditionnel des petites épiceries qui ont particulièrement bien joué le jeu des industriels de ce marché, en leur permettant de promouvoir leurs produits sur des présentoirs à l’entrée de leur magasin. C’est en effet là que se joue l’essentiel de la bataille, même si l’occupation des rayons des grandes surfaces a aussi son importance : avec 90 % des chips vendues dans de petites surfaces, le Liban se singularise par rapport à d’autres marchés dans lesquels la grande distribution rafle la mise. Ainsi, en Occident, les ventes de chips sont-elles assurées à 60 % par les supermarchés contre 40 % pour les petites structures ?
Cette mise en avant avantageuse a permis au Liban de se retrouver parmi les pays les plus friands de snacks salés. Avec un volume global vendu de plus de 6 000 tonnes en 2008 (près de deux kilogrammes par an et par habitant), le segment des snacks salés est l’un des plus développés au Liban. Les Libanais se retrouvent ainsi  juste derrière les Anglo-Saxons qui traditionnellement sont de gros consommateurs sur ce marché et devant les Français qui n’en absorbent en moyenne que 1,2 kg en une année. Cependant, « la consommation de chips est relativement stable au Liban », selon Imad Abichaker, PDG de Manyfood qui importe les snacks Lay’s. Imad Abichaker considère d’ailleurs que le marché est arrivé à maturité, à l’exception de certaines niches.

Concentration

Dans les années 80-90, l’apparente facilité de la fabrication des chips a attiré bon nombre de petits producteurs, qui se sont lancés sur le marché au Liban comme en Syrie. À titre d’exemple, l’on peut citer Dolsi, le fabricant de glace produit désormais des chips ; Solino, qui exploite la marque néerlandaise Van Marcke ; Betaco avec sa marque Frou-Frou, créé en 2001 à Nabatiyé. Mais ces marques distribuent leur gamme dans les points de vente traditionnels de la région dans laquelle ils sont basés, n’ayant ni les installations industrielles nécessaires ni le réseau de vendeurs pour couvrir tout le marché libanais, particulièrement atomisé.
Ce morcellement de la chaîne de distribution est d’ailleurs l’une des raisons de la concentration que connaît le secteur depuis la fin des années 90. Achalander ces quelque 22 000 “dekkanés” du territoire libanais requiert des capacités logistiques que n’avaient pas la plupart des dix-sept producteurs et importateurs de chips que comptait le Liban avant-guerre. Seuls en fait deux grands groupes libanais – sans compter les deux importateurs Manyfood (Lay’s, Doritos) et Transmed (Pringles) – sont en mesure d’assurer la distribution sur l’intégralité du territoire, avec les coûts de transports que cela représente pour un produit à faible valeur faciale : Master Chips (groupe DIFC) et Fantasia (Malco Trading) qui produit et commercialise également la marque Hulla Hoops.
Outre la concentration destinée à réaliser des économies d’échelle, les grands acteurs misent sur la diversification de leur gamme, afin d’accroître leurs marges dans un marché en stagnation. Ce sont les éléments différenciant, qui peuvent encore motiver l’acte d’achat des consommateurs, explique François Mourad, directeur marketing chez Delta Trading, l’entreprise qui commercialise Master : « Les arômes sont le facteur principal de croissance du marché. »
D’autres niches offrent un potentiel : les “baked chips” (chips cuites au four) ou “healthy”, avec peu de matières grasses, devraient aussi dynamiser les ventes. Ces produits “santé” (avec 70 % de matières grasses en moins) qui surfent sur la tendance mondiale nutri-santé n’ont cependant pas encore véritablement rencontré de succès au Liban, précise Darine Beem, responsable des achats de la catégorie chez Spinneys. Ces chips sont certes moins grasses que des chips normales, mais elles sont presque aussi caloriques et affichent un prix de vente plus élevé…

Un marché mondial de 16,4 milliards de dollars

Selon une enquête réalisée par le cabinet d’études Datamonitor, le marché des chips représentait 16,4 milliards de dollars dans le monde en 2005. En progression de presque 3 % d’une année sur l’autre. La société d’études estime que son périmètre financier va atteindre 57,4 milliards de dollars fin 2010. Les chips représentent 35 % des ventes de l’ensemble des snacks salés.