Camille adore la chasse. À chaque retour au Liban, il file avec les copains en expédition, fusil en bandoulière. Mais de chasseur à chassé, il y a un pas que Camille n’avait jamais envisagé. « Le matin, je supervisais un chantier. Je n’avais aucune raison de me méfier. L’après-midi, j’étais licencié. » À Dubaï, les employeurs ne s’accommodent guère de détails. « En une heure, tout était plié. Je suis rentré chez moi abasourdi. Ma femme ne comprenait pas. » Camille a juste réussi à conserver son visa de travail. Son ancienne entreprise acceptant de le maintenir sur ses listes d’employés quelques mois encore afin qu’il puisse rebondir. « Nous avions tous des raisons de nous inquiéter. Mais, le pire, c’est que je ne crois pas que mon licenciement soit d’ordre économique. Mon ex-entreprise continue de recruter. La rumeur dit qu’il s’agissait de recruter des Anglo-Saxons, touchés par la crise, à notre place… » La crise à Dubaï est d’abord, pour lui, l’affaire de rumeurs délirantes. « C’est le fantasme plus que le concret qui nous touche. Peu d’informations circulent. Du coup, c’est le règne du “on-dit”. » Quand il songe à son avenir, Camille a souvent l’impression d’être pris au piège. Sa femme et leurs deux enfants l’ont rejoint cet été à Dubaï où elle y avait enfin trouvé un emploi. « Je touchais un très bon salaire pour vivre en célibataire. Mais faire venir ma famille nécessitait une rentrée supplémentaire. Autrement, nous n’aurions pas pu économiser. » S’il affirme avoir six mois devant lui, la scolarité de ses enfants étant de toutes les façons engagée, Camille sait cependant que les siens ne pourront guère tenir plus. « On a acheté une voiture, loué un appartement plus grand, fait différentes acquisitions. Ce n’était vraiment pas le moment. » Ses vacances de Noël, passées à Beyrouth, sont d’ailleurs l’occasion d’aller sonder les cabinets de chasseurs de têtes. « Je préférerais rester à Dubaï. Mais je connais l’Arabie saoudite : si une offre se présente, je n’hésiterai pas. Car le royaume est encore la place la plus sûre professionnellement. Un endroit où, en plus, un étranger peut économiser. À Dubaï, cela devenait difficile. » Quant à revenir au Liban ? L’option n’est pas (encore) d’actualité pour lui. « Je ne suis parti qu’en 2000 à l’étranger. J’ai longtemps hésité avant de m’expatrier : mais pour faire vivre ma famille, il n’y avait guère d’autre solution. Alors revenir aujourd’hui ? Ce serait un échec et un retour à une vie difficile. »