De tous les pays de la rive Sud impliqués dans le processus de Barcelone, la Syrie reste le seul à n’avoir toujours pas signé d’accord d’association avec l’Union européenne. Paraphé une première fois fin 2004, l’accord bute alors sur la forte hostilité de plusieurs pays européens, à leur tête la France, au lendemain de l’assassinat de l’ancien Premier ministre libanais Rafic Hariri. La détente dans les relations politiques consécutives aux accords de Doha entraîne le paraphe de l’accord une seconde fois à la fin de l’année 2008. On attend une signature finale avant la fin de l’année 2009. Les relations bilatérales syro-européennes restent ainsi fortement marquées par le sceau politique. La signature de l’accord d’association est vue, par ailleurs, par Damas comme un moyen de s’arrimer au bateau européen, de bénéficier d’un volume d’aides et d’un soutien économique nettement plus importants et d’une carte politique non négligeable alors que les défis régionaux restent très importants. Les relations entre les deux parties restent gouvernées aujourd’hui par un accord de coopération signé en 1977. Jusqu’en 1995, le partenariat se concentre surtout autour de programmes de développement traditionnels comme la gestion de l’eau et les projets d’irrigation. Depuis le lancement du processus de Barcelone, la coopération s’est surtout focalisée sur le soutien aux réformes économiques : réforme du secteur bancaire, développement de l’environnement des affaires, amélioration de la gestion des services publics, démographie, environnement, etc. D’après la Commission européenne, c’est plus de 500 millions d’euros qui ont été versés au profit de la Syrie depuis 1979. En pratique, cette coopération est aujourd’hui définie par deux documents cadre, le Document de stratégie pays (DSP) et le Programme indicatif national (PIN), qui détaillent à la fois la stratégie globale de coopération et les axes d’action. Le DSP pour la période 2007-2013 comprend parmi ses trois axes d’action le soutien à la réforme économique, y compris le soutien à la candidature syrienne à l’OMC, le soutien aux réformes sociales, ainsi que le soutien aux réformes politiques, notamment pour encourager l’état de droit et le respect des droits de l’homme. Quant au PIN couvrant la période 2007-2010, il alloue 130 millions d’euros pour les différents programmes d’aide. L’implication de l’Union européenne est complétée par les financements de la Banque européenne d’investissement dont l’intérêt a surtout porté sur les grands projets d’infrastructure. La BEI a ainsi financé à des taux bonifiés pour plus d’un milliard d’euros de projets. Ceux-ci incluent la construction de deux centrales électriques, la modernisation du port de Tartous, ou encore le développement du réseau de téléphonie fixe. Depuis 2005, la BEI fournit également des prêts aux petites et moyennes entreprises syriennes dans le cadre du Fonds PME, son premier projet dédié au secteur privé syrien. La SEBC aide le secteur privé à se moderniser SEBC : le nom change, le statut aussi, mais, rançon de son succès, le sigle reste le même. Treize ans après sa fondation, le SEBC ou, selon son acronyme anglais, Syrian Enterprise Business Center, reste l’un des projets européens les plus performants dans la région méditerranéenne. Établi en 1996, ce qui s’appelait alors le Syrian European Business Center a pour objectif le développement du secteur privé syrien, et en particulier de ses petites et moyennes entreprises. Au sortir de trente années de dirigisme socialiste et de planification centrale, les entreprises syriennes sont exsangues : une connaissance très limitée des marchés mondiaux ; une main-d’œuvre peu formée ; un accès quasi inexistant au capital autre que familial. Une loi facilitant l’investissement privé est bien approuvée en 1991, mais le cadre juridique et réglementaire reste obsolète. La déclaration de Barcelone en 1995 offre le cadre pour le développement de projets européens dans la zone méditerranéenne et permet le lancement du programme. SEBC devait durer quatre ans. Son succès l’oblige à une première prolongation jusqu’en 2006. À cette date le statut et le nom changent et au lieu d’un programme le SEBC devient une institution autonome soutenue par l’Union européenne. Le sigle ayant acquis une très grande notoriété reste le même. « De tous les projets similaires lancés dans le pourtour méditerranéen, SEBC est le seul à s’être transformé en institution nationale totalement autonome et indépendante, selon Poul Gadegaard, chef du Programme de soutien aux PME, le principal projet géré par le SEBC. Partout ailleurs, ces centres se sont retrouvés sous la coupe d’un ministère ou d’une autre institution étatique. » Que fait donc le SEBC ? D’abord, apporter, sous une multitude de formes, un soutien aux PME syriennes afin de renforcer leur compétitivité. Des formations à la vente, à la gestion des ressources humaines, à la gestion de manière plus générale sont ainsi organisées de façon régulière ; des études de marché et des guides sectoriels sont produits, permettant aux entreprises syriennes de mieux connaître les marchés sur lesquels elles opèrent ; des bases de données d’entreprises européennes sont mises à la disposition des entreprises locales ; les centres d’information européens (Euro Info Center) sont accueillis et gérés dans les locaux de SEBC ; des rencontres B2B sont organisées chaque année ; la promotion de produits syriens sur les marchés extérieurs se fait sous de nombreuses formes : publication de catalogues, organisation de stands aux grandes foires internationales, dans les secteurs agroalimentaires et textiles en particulier, deux des secteurs aux plus forts potentiels de l’économie nationale ; etc. SEBC travaille sur quatre grands projets : le Programme de soutien aux PME, doté d’un budget de 15 millions d’euros, court jusqu’à la mi-2010 ; le Programme de développement des échanges commerciaux, également doté de 15 millions d’euros ; le Programme de simplification de l’environnement des affaires, doté d’un budget de 5 millions d’euros ; et le Programme de qualité, doté de 12 millions d’euros et qui vise à améliorer la qualité des produits syriens. Le SEBC agit cependant aussi comme un véritable centre de proposition pour de nouvelles politiques de soutien aux entreprises et d’une manière générale de développement de l’économie nationale. Ainsi, la mise en place d’une institution de garantie des prêts aux entreprises est-elle parrainée par le centre ? Comment expliquer son succès ? D’abord, par les besoins immenses des entreprises syriennes qui ont permis un soutien à la fois des institutions et des privés syriens. Ce soutien se matérialise par la présence dans le conseil de direction des présidents des principales Chambres de commerce et d’industrie du pays. Puis, une stabilité des cadres qui le dirigent. Ainsi Noha Chuck, la directrice générale de SEBC, y travaille depuis sa création alors que Poul Gadegaard, consultant danois, y est depuis 2001. C’est cette stabilité qui a permis en 2006 le transfert sans heurt du statut du SEBC de projet européen à celui d’institution indépendante nationale. Le groupe Sabouni s’exporte désormais à 80 % Les Sabouni ne travaillent pas dans le savon, comme l’origine de leur nom, Saboun, pourrait le faire croire, mais dans les céréales. Cette familiale originaire de Hama dans le centre de la Syrie a créé il y a près de 20 ans ce qui s’avère être l’une des plus jolies success story à la syrienne. À l’origine une petite entreprise fournissant le marché local en épices et céréales produites autour de la fertile vallée de l’Oronte, le groupe Sabouni s’est mu, grâce en grande partie au SEBC, en entreprise qui produit, emballe et exporte des grains, céréales et épices syriens vers plus de 50 pays à travers le monde. L’entreprise exporte aujourd’hui vers le monde arabe, l’Europe et l’Amérique latine près de 80 % de sa production, soit des lentilles, des petits pois, du cumin, de l’anis, des amandes, des pistaches, des noix, etc. « Le soutien apporté par le SEBC a été inestimable, dit Hatem Sabouni, directeur général et frère aîné de la famille. De la formation à la promotion sur les marchés étrangers, ils ont été présents à tous les stages de notre développement. » En 1998 est créée une filiale destinée à commercialiser la production sur les marchés export. En 2003 est établie une filiale en Turquie, en 2006 une autre en Égypte qui commercialise du riz. En 2005 l’entreprise obtient les certifications ISO et HACCP, puis commence à développer une marque et un label. Le développement ne va cependant pas sans difficulté. La sécheresse des deux dernières années et la pénurie qui s’en est suivie sur le marché local a poussé le gouvernement syrien à interdire temporairement l’exportation de nombreux produits agricoles. « Nous avons dû réduire le nombre de nos employés de près de moitié », dit Sabouni. L’année 2009 a été un peu meilleure et le gouvernement a commencé à lever certaines restrictions à l’export.