La crise du gaz qui a éclaté en 2008 entre la Russie et l'Ukraine a permis de mettre en lumière la dépendance de l'Union européenne au gaz russe.
La volonté de l'UE de s'émanciper des fournitures russes, ou en tout cas de diversifier ses sources, ne date cependant pas d'aujourd'hui et c'est en partie dans ce cadre qu'il faut comprendre sa volonté de développer le projet de gazoduc Nabucco ou encore de mettre en place le Centre de coopération gazière euro-Machrek arabe.
Créé au début de l'année 2006, le CCGEMA a pour objectif de « développer l’intégration des marchés gaziers de la Syrie, du Liban, de la Jordanie et de l’Égypte afin de créer un marché intérieur propre aux pays de la région et d'intégrer celui-ci avec le marché gazier intérieur européen ».
Basé à Damas, le centre a des antennes à Beyrouth, Amman et au Caire.
« Pour un marché gazier efficace, il faut trois composantes essentielles : l’infrastructure physique, le cadre réglementaire et légal, et le savoir-faire. Ce sont là les trois axes sur lesquels se concentre le travail du CCGEMA », explique Richard Kupisz, chef de projet pour l'assistance technique.
Doté d'un budget de sept millions d'euros, le projet est financé à hauteur de six millions d'euros par l'UE, le reste étant pris en charge par les pays concernés. Le soutien technique a été apporté par un consortium groupant les britanniques d'IPA Energy Consulting, la société Penspen, spécialiste des infrastructures énergétiques, ainsi que l'Université technique nationale d'Athènes.
Son succès mais aussi les nombreuses tâches encore à accomplir ont conduit à la reconduction du programme pour trois autres années jusqu'à la fin 2012.
La nouvelle phase se focalisera sur « l'harmonisation des cadres réglementaires et législatifs des pays partenaires avec ceux de l'UE », précise la Commission européenne, qui fournira cinq des six millions d'euros nécessaires pour financer le rallongement du projet.
En pratique le centre a fourni de la formation et du transfert de savoir-faire, ainsi que des études et des conseils pour la mise en place d'un cadre réglementaire et législatif propice. Ainsi ce sont près de 900 personnes dont 150 femmes qui ont été formées au cours des quatre dernières années, selon Kupisz. Par ailleurs, le CCGEMA a aidé l’Égypte à mettre en place une autorité de régulation du secteur gazier et à développer une “feuille de route” pour améliorer ses réglementations, comme par exemple la réforme des tarifs énergétiques.
Le CCGEMA a aussi conduit de nombreuses études de marché et de faisabilité. La dernière d'entre elles concerne la construction du tronçon du Gazoduc arabe liant le nord de la Syrie à la Turquie (voir par ailleurs). « La mise en place du CCGEMA est difficile à dissocier de la construction du Gazoduc arabe », ajoute Richard Kupisz.
Le tronçon vers la Turquie est essentiel pour faire la jonction avec le projet de gazoduc Nabucco. Encore à l’état de projet, ce dernier doit faire parvenir du gaz des champs de la mer Caspienne vers les marchés européens en passant par la Turquie, la Bulgarie, la Roumanie, la Hongrie et l’Autriche. Nabucco, dont le coût total est estimé à 7,9 milliards d’euros, est un projet stratégique vu de Bruxelles, car il permettra à l’UE d'avoir accès aux vastes ressources gazières du Caucase qui sont à même de fournir une alternative au gaz russe. À terme, Nabucco transportera 31 milliards de mètres cubes de gaz de la mer Caspienne, mais aussi éventuellement du Gazoduc arabe. Les travaux devraient débuter en 2010, même si les hypothèques politiques et financières demeurent.
Cependant, la contribution la plus importante du CCGEMA reste le développement d'un plan directeur pour les marchés de la région, conclu en avril dernier. L'une des principales recommandations du plan est la conduite d'une réforme graduelle du marché énergétique à travers une augmentation par étapes des tarifs gaziers pour arriver à des niveaux de prix rentables au bout de dix ans, la libéralisation des réseaux de transmission ainsi que l'introduction de plus de compétition sur un marché entièrement tenu jusqu'à maintenant par des opérateurs publics.
Il reste cependant difficile d'envisager les marchés gaziers des quatre pays impliqués dans le CCGEMA sans prendre en compte le potentiel global de la région. C'est pourquoi la Turquie et l'Irak ont un rôle d'observateurs.
« L’Irak a un potentiel gazier extrêmement important et sur le long terme il pourra contribuer de manière significative au projet », explique Richard Kupisz.