Domaine : personnaliser l’usage du réseau
Financement : aucun
Fondé : en 2010
Fondateur : Abdallah Absi

Une étude menée en 2008 par l’Université américaine du Caire montrait que 78 % des internautes arabes n’avaient jamais eu recours à leur langue maternelle sur le web. Ils lui préféraient l’anglais ou l’arabizi (contraction de “arabe easy”), ce langage SMS où l’on mélange chiffres et caractères romains (comme dans “3rabi” ou “2oktob”). Les raisons ? Le web n’avait tout simplement pas pensé aux quelque 300 millions d’utilisateurs potentiels du monde arabe (même si, à l’heure actuelle, seuls 4 à 5 % d’entre eux sont connectés, selon Google). En outre, la majorité des ordinateurs vendus ne possédaient que des claviers azerty tandis que moins de 1 % du contenu mondial était en arabe… Mais avec l’arrivée de Yamli, le web arabe a démarré sa mutation. « Yamli a sauvé le web arabe », titrait ainsi le quotidien de Dubaï The National en 2009. Lancé en 2007 par Habib Haddad et Imad Jureidini, tous deux d’origine libanaise même s’ils vivent à Boston, Yamli transcrit en caractères arabes les mots tapés phonétiquement en caractères romains. Cet outil n’est toutefois pas juste un clavier virtuel. C’est aussi le premier moteur de recherche dans la langue du Prophète : une fois les termes tapés, les résultats sont fournis par Google. Aujourd’hui, Yamli est un succès : les deux créateurs révélaient ainsi que 76 645 541 mots avaient été tapés grâce à leur outil depuis sa création. De son côté, Alexa, le site de statistiques d’audience, classe Yamli au 37 981e rang parmi les 100 000 sites les plus visités au monde. Avec des utilisateurs en provenance de toute la région : 10 % au Maroc, 9,4 % en Algérie et en Tunisie, voire dans le monde entier : 6,4 % en Allemagne et 5,7 % aux États-Unis. Démarré avec 10 000 dollars d’investissement (voir Le Commerce du Levant n° 5588 de janvier 2009), Habib Haddad et Imad Jureidini ont construit seuls leur outil et ont parié sur le bouche-à-oreille pour le faire connaître. Les fonds initiaux ont été apportés par deux business angels, Georges Harik (d’origine libanaise) et Aydin Senkit, ex-Google passés dans le conseil aux start-up. Continuant son développement, Yamli a été intégré parmi les applications Facebook puis indexé parmi les “gadgets” iGoogle avant de rejoindre Twitter. Yamli a ensuite signé des partenariats avec As7ab, Clipat, Maktoob, ou Ikbis pour être utilisé depuis ses sites directement. En mai dernier, Firefox l’a même intégré dans ses modules. Habib Haddad et Imad Jureidini ont également créé différentes applications comme Yamli Messenger 1.0, qui fonctionne avec MSM Messenger ou WP Yamli destiné au média Internet qui permet d’utiliser la langue arabe en particulier dans les commentaires des internautes et Easy Arabic : une application de bureau qui transcrit des textes écrits en arabe et les envoie ensuite vers toute une série d’applications. Mais les monstres sacrés du web, qui commencent à s’intéresser à la région, ont vite compris l’intérêt de posséder des programmes identiques : Google a lancé ta3reeb et Microsoft Maren. Si Ta3reeb est un simple clone de Yamli, Maren, développé au Caire au sein du centre de recherche CMIC (Cairo Microsoft Innovation Center), possède des atouts dont celui de fonctionner sous Windows et non plus seulement sur le Net. Pour l’heure, Yamli est encore en tête des sites de traductions les plus utilisés, car sa base de données reste la plus riche. Fair-play Habib Haddad s’est félicité de l’émergence d’outil de translitteration : « Je suppose que les grandes entreprises savent reconnaître une bonne idée quand elles en voient une. Comme start-up arabe, nous sommes flattés de l’émergence de ce phénomène. Notre but a toujours été de favoriser les utilisateurs du web arabe », a-t-il spécifié lors d’un court entretien avec le blog techno Startup Arabia. Le danger est pourtant là. « User friendly users », Yamli n’a pas encore prouvé la pertinence de son modèle économique. Yamli s’appuie en effet exclusivement sur les recettes publicitaires générées par les liens Google. Un risque si d’autres outils de traduction viennent à le concurrencer.