Le Parlement a modifié le code du travail et la loi sur la Sécurité sociale afin de donner aux Palestiniens le droit à des indemnités de fin de service. Considérés comme des étrangers, leur emploi sera soumis à l’obtention de permis de travail aux formalités désormais gratuites. Mais cette évolution ne résout pas le principal obstacle auquel se heurtent les Palestiniens sur le marché du travail libanais caractérisé par un système de “préférence nationale”.
Depuis la mi-juin et les propositions législatives pour améliorer les conditions de vie des réfugiés palestiniens, à l’initiative du PSP (Parti socialiste progressif) et du PSNS (Parti social nationaliste syrien), le landerneau politique bruissait de mille craintes et d’autant d’espoirs. Pour les uns, il s’agissait « d’un premier pas vers l’implantation définitive des Palestiniens » ; pour les autres « d’une amélioration de leurs conditions socio-économiques ».
Votée à la mi-août au Parlement, la nouvelle législation n’est ni l’un ni l’autre. En fait, la seule véritable initiative des parlementaires repose sur la reconnaissance d’un droit aux indemnités de fin de service et celles liées aux accidents du travail pour les salariés palestiniens (amendement à l’article 59 du code du travail). Ce qui concerne au final peu de gens, car les salariés palestiniens sont très peu nombreux. En 2009, seulement 260 d’entre eux ont obtenu un permis de travail.
Jusqu’à présent, et bien que tous les salariés cotisent (lorsqu’ils sont déclarés) de la même façon, les Palestiniens ne pouvaient pas prétendre à une couverture sociale. Le vote parlementaire autorise donc la création d’un compte indépendant, au sein de la CNSS pour accueillir les cotisations sociales des employeurs de salariés palestiniens afin de leur permettre d’assurer le versement des indemnités de fin de service.
En revanche, l’assurance maladie, les congés maternité ou les allocations familiales ne sont pas concernés, l’Unrwa étant censée y suppléer.
Peut-on dire dans ces conditions que l’amendement de la loi est une « étape historique ? » comme l’affirme le ministre du Travail, Boutros Harb. En pratique, les avancées sont en fait très relatives. Car cette nouvelle législation, qui ne concerne que les salariés, ne touche pas aux structures du marché de l’emploi au Liban, au sein desquelles l’emploi salarié est, de toutes les manières, sous-représenté.
On estime ainsi que 50 % des emplois au Liban sont des emplois salariés contre 90 % en France par exemple. L’extrême majorité de ces positions relevant de la Fonction publique (interdite aux étrangers). Le reste de la population active exerce des métiers indépendants, des professions libérales ou fonctionnent comme des entreprises individuelles.
Pour l’emploi salarié dans le secteur privé, les postes les moins qualifiés sont déjà occupés par la main-d’œuvre étrangère, souvent au noir d’ailleurs. Une partie des Palestiniens sont en concurrence avec les Pakistanais, Indiens, Philippins, Égyptiens et autres immigrants pour ce type d’emplois.
Mais en raison de son niveau relatif de qualification, une autre partie des Palestiniens prétendent souvent aux mêmes catégories de postes que les Libanais qui n’ont ni immigré ni été employés dans la Fonction publique.
Cette concurrence frontale explique en partie le taux de chômage élevé dont ils souffrent. « Le vote du Parlement ne modifie pas les structures du marché de l’emploi, caractérisé par une préférence nationale », fait valoir Sari Hanafi, sociologue à l’Université américaine de Beyrouth.
La nouvelle législation n’a en effet pas modifié les restrictions à l’entrée de certaines professions libérales. « Les parlementaires n’ont pas ce pouvoir. Il faudrait entamer des négociations avec l’ensemble des syndicats et des ordres », fait-on remarquer au ministère du Travail.
Ces professions exigent donc toujours la nationalité libanaise pour exercer (avocats, médecins, éditeurs…) ou requièrent le principe de traitement réciproque (pharmaciens, ingénieurs, architectes, journalistes, infirmières, patrons d’hôpitaux, assurance, géomètres…).
Impossible de savoir avec précision combien de professions sont, de fait, interdites ou difficiles d’accès aux étrangers. Le ministère du Travail en répertorie quatorze. Mais ce chiffre pourrait avoisiner la vingtaine, selon d’autres experts.
De la même façon, les Palestiniens ne peuvent pas ouvrir de manière légale de commerces, ni travailler comme artisans. Pour ces catégories, la nouvelle loi ne prévoit rien. Le ministère du Travail a cependant annoncé qu’il espérait pouvoir mettre en place des “statuts d’artisans”, afin de permettre aux Palestiniens d’accéder à ces emplois légalement, sans cependant spécifier de délais.
Surtout, les modifications parlementaires ne sont pas revenues sur les règles qui déterminent le travail des étrangers au Liban. Celui-ci est réglementé par le décret 17561 du 18 septembre 1964.
Son article 9 prévoit que le ministre du Travail publie chaque année une décision pour définir les métiers réservés exclusivement aux Libanais (dernière circulaire en date, celle du 3 février 2010) : environ 70 professions, la plupart liées à l’administration publique sont ainsi réservées. L’article 1 de ce même décret pose le “principe de réciprocité” dans les modalités d’accueil et d’autorisation de travail des étrangers.
Jusqu’en 2005, seuls les étrangers nés de mère libanaise, mariés à une ou un Libanais et/ou ayant résidé depuis leur naissance au Liban étaient exclus de l’application de la circulaire. À partir de 2005, les réfugiés palestiniens, nés sur le sol libanais et enregistrés auprès du ministère de l’Intérieur, ont également été exclus de l’application de cette circulaire.
Toutefois, et comme pour les autres étrangers (à l’exception des Égyptiens dont l’emploi est régi par un accord particulier, lequel n’exige pas de permis de travail), leur éventuel employeur doit donc s’assurer qu’un Libanais ne peut postuler à cet emploi avant de recruter un Palestinien (ou un Français, ou un Américain).
Ainsi, pour qu’un employeur puisse recruter une secrétaire palestinienne, il lui faudrait prouver au préalable qu’une Libanaise ne serait pas en mesure de remplir cet emploi… Ce qui, selon différents experts, s’avère en pratique impossible à prouver.
Le futur employeur doit également faire la demande d’un permis de travail, désormais gratuit, auprès du ministère du Travail. Le sociologue Sari Hanafi ne pense pas que la solution réside dans la gratuité du permis, concédée par le Parlement, mais davantage dans ses conditions d’octroi.
« Les salariés palestiniens continueront d’être employés dans l’illégalité. Nous souhaitions que les Palestiniens n’aient pas besoin de permis de travail, au regard de leur situation particulière d’étrangers résidant au Liban depuis 1948. »
La fin de la réciprocité pour les salariés palestiniens
|
Pas d’avancée sur le droit de propriété
|