En théorie, les municipalités ont la charge de la collecte des ordures. Mais faute de maîtriser le financement de leur budget, elles n’ont pas toutes les moyens de tenir cet engagement.
 

La gestion des ordures et le nettoyage des rues (article 49 de la loi du 30 juin 1977) sont les fonctions principales des municipalités. Pour cela, elles disposent en théorie de trois sources financières : les taxes directes, les taxes indirectes collectées par l’État et celles qui sont gérées par la Caisse autonome des municipalités (CAM). Dans les faits toutefois, l’État n’a jamais accepté la décentralisation de ses prérogatives et il maintient les municipalités sous sa coupe en leur refusant leur autonomie fiscale. « Il existe un grand écart entre ce que les municipalités sont autorisées à réaliser de par la loi et ce qu'elles sont effectivement en mesure de faire compte tenu de leurs ressources. La plupart des projets de développement sont ainsi assumés, non pas par la municipalité, mais par le ministère de l'Intérieur (et précédemment par le ministère des Affaires municipales et rurales), ou par le Conseil du développement et de la reconstruction, en utilisant des fonds de la Caisse autonome des municipalités ou d'autres subventions et des prêts qui ont été garantis par des agences gouvernementales ou des ministères », soulignent Mona Harb et Sami Atallah, dans un rapport (2003) sur la décentralisation au Liban, réalisé pour le compte de la Banque mondiale. En théorie donc, les municipalités collectent directement une dizaine de taxes pour alimenter leur budget. Premier bémol toutefois : si elles en maîtrisent la collecte, les municipalités n’ont pas leurs mots à dire sur l’assiette fiscale. Elles ne sont pas non plus en mesure de créer de nouvelles taxes. Et doivent donc se contenter de celles déjà existantes, dont le mode de calcul s’avère souvent obsolète (ainsi d’une taxe sur les entreprises industrielles calculée à partir des chevaux des machines de l’entreprise) et leur recouvrement aléatoire. De fait, différents rapports montrent que les municipalités ne parviennent à récupérer au final que 10 à 20 % des montants qu’elles devraient normalement percevoir directement. Deuxième source de financement : les taxes collectées par les officines étatiques comme celle de 3 % sur les plus-values immobilières, de 10 % sur les abonnements et communications téléphoniques fixes jusqu’en 2002, ou de 10 % sur l’électricité et l’eau consommées. Mais la redistribution n’est encore assurée que très partiellement. Comme le notent Mona Harb et Sami Atallah dans leur rapport : « De nombreuses municipalités ne sont pas non plus en mesure de savoir si ces transferts sont conformes aux engagements. (…) Elles se contentent donc de les intégrer dans leur budget comme des “extras” sur lesquels elles ne comptent pas. »
Enfin, les municipalités peuvent compter sur la Caisse autonome des municipalités (CAM), mise en place par la loi n° 60 de 1988. Treize taxes alimentent la CAM. À titre d’exemple, on peut citer celle de 5 % sur les cigarettes, de 10 % sur la consommation d’électricité, en théorie collectée par Électricité du Liban, ou de 15 % sur les profits des entreprises commerciales, industrielles et non commerciales. En 2010, le ministère des Finances a ainsi distribué quelque 300 milliards de livres libanaises (200 millions de dollars) pour le compte des municipalités. Sur ce montant toutefois, l’État prélève au préalable les salaires ainsi que différentes dépenses, que ses services ont pu réaliser pour le compte des municipalités (le montant de ce prélèvement restant inconnu). Le système de répartition de la CAM est assez complexe. Normalement, une fois déduits les salaires et les coûts de services, l’État réserve 5 % aux services de la Défense civile (en 2010 : 8,8 millions de dollars). Il attribue ensuite un montant maximum de 25 % aux fédérations de municipalités. Ce montant change d’une année à l’autre : en 2010, le ministère de l’Intérieur n’a ainsi alloué aux fédérations municipales que 12 % (23,9 millions de dollars). Son usage est prédéterminé : 75 % doivent aller à des projets de développement (18 millions de dollars) et 25 % à leur budget de fonctionnement (presque 6 millions de dollars). Cependant, en 1995, le gouvernement, estimant que les municipalités étaient dans l’incapacité d’assurer la réalisation de grands projets, a décidé de confier au CDR, au Conseil exécutif des Grands Projets de la ville de Beyrouth ainsi qu’à d’autres institutions similaires ces 75 % dont profitaient auparavant les budgets des fédérations municipales.
Le reste des fonds de la CAM, soit, en 2010, 167,2 millions de dollars, doit servir à alimenter le budget des municipalités. Ce montant, payé deux fois l’an sur le compte de la ville ouvert auprès de la Banque centrale, est également utilisé à des fins précises : 70 % doivent être consacrés aux budgets de fonctionnement et 30 % aux projets de développement. L’allocation de ces 70 % s’effectue comme suit : 60 % sont alloués proportionnellement au nombre d’habitants inscrits dans la municipalité et 40 % proportionnellement aux taxes collectées par chaque municipalité durant les deux précédentes années. Un problème déjà se pose quant au décompte de la population : beaucoup de Libanais ont émigré, d’autres vivent dans les villes sans y être enregistrés… Un article consacré aux municipalités sur le site LocaliBan cite l’exemple de plusieurs localités : « Ghobayré a reçu, en 2004, 666 000 dollars pour 27 000 habitants enregistrés alors que le nombre des habitants résidents est supérieur à 225 000. De même la municipalité de Zouk Mikael a reçu 234 000 dollars pour 8 875 habitants enregistrés alors que le nombre des habitants résidents est supérieur à 30 000. Il est bien clair que les habitants enregistrés déterminés par le ministère de l’Intérieur ne sont pas exacts, les grandes municipalités considèrent cela comme une flagrante iniquité envers elles. » Plus grave encore sont les cas de détournement des fonds de la CAM vers d’autres activités. Ces fonds ont ainsi servi pour des projets d’Électricité du Liban (EDL qui ne rend pas aux municipalités leurs parts des impôts sur l’électricité) ; pour aider les habitants de la municipalité de Biakout dont les habitations s’étaient écroulées. Et même pour des redevances d’enregistrement dans les écoles officielles pour les années 2001-2002 et 2002-2003 (soit 48 millions de dollars). Parmi ces opérations de court-circuitage figure le paiement des services d’Averda ou des entreprises privées de nettoyage imposées aux municipalités. Les factures de ces entreprises privées sont déduites de la part de chaque municipalité des revenus de la CAM. Soit, selon le ministère des Finances, une retenue de 40 % des fonds (66 millions de dollars) qui auraient du leur revenir. Cette enveloppe réservée ne suffit d’ailleurs pas à les rétribuer et le Trésor public doit payer la différence. Au final, notent Mona Harb et Sami Atallah dans leur rapport de 2003, seuls 20 % des fonds de la CAM leur reviennent effectivement. Ce qui rend assez difficile la prise en charge de la collecte et du traitement des ordures.