Le Liban produit 1,5 million de déchets chaque année ; la plupart sont enterrés dans des décharges sauvages. Faute d’une gestion intégrée des déchets à l’échelle de l’ensemble du territoire, la situation atteint un point de non-retour. Le gouvernement ne semble pas avoir conscience de la catastrophe sanitaire et environnementale que cela représente.
Une promenade dans la montagne de déchets de Saïda, coincée entre la côte et l’ancien cimetière juif de la ville. Quelques heures passées à patauger dans la putréfaction de Jabal Nifayat, à baigner dans des jus innommables, en compagnie des ferrailleurs palestiniens : il n’y a rien de mieux pour inculquer à tout Libanais le sens de la “res publica” et d’un “patrimoine commun” en danger, plus important encore. « Le Liban ignore les conséquences de son incapacité à gérer les déchets, depuis l’individu, qui se débarrasse de sa canette vide en la jetant sur la route, jusqu’aux hommes politiques qui ne s’engagent pas en priorité sur ce dossier », affirme Lama Abdul Samad, consultante indépendante, spécialiste de la gestion des déchets. Car la situation est catastrophique. Pas très loin du point de non-retour faute d’une gestion intégrée des déchets à l’échelle du territoire : la collecte ne se fait que sur 19 % du territoire (source : Banque mondiale, 2004). Ce chiffre révèle les carences de la filière même si 60 % de la population bénéficie des services de traitement de déchets. En 2009, le Liban a produit 1,5 million de tonnes de déchets solides, selon le ministère de l’Environnement, soit quelque 335 kg par habitant et par an. Ce ratio positionne le pays du Cèdre à mi-chemin entre les pays industrialisés, qui génèrent le plus de déchets (les États-Unis : 700 kilos par an et par habitant ; l’Union européenne : 520 kg/an) et les pays pauvres, moins pollueurs (le Soudan se situe par exemple à 220 kg/an). Selon un rapport de la Banque mondiale (2004), ces rejets augmentent de 7 à 8 % par an. En 2024, le Liban devrait ainsi gérer 4,45 millions de tonnes de déchets solides. Sans surprise, c’est la région de Beyrouth et du centre qui est la plus productive : entre 2 500 et 3 000 tonnes y sont traitées quotidiennement (soit 55 à 60 % des déchets produits dans le pays) quand le Sud, par exemple, n’en produit que 500 tonnes par jour.
L’inflation du volume d’ordures ménagères ou industrielles ne serait pas dramatique si les techniques de traitement n’étaient pas rudimentaires, voire inexistantes. Quelque 3 000 kilos par jour sont ainsi traités dans la région de Beyrouth, mais l’usine de traitement, gérée par le groupe Averda (Sukleen) n’a été conçue que pour la moitié de ce volume. « L’usine est sous-dimensionnée, les conditions de tri et de recyclage mal remplies », fait valoir Federico de Nardo, spécialiste du traitement des déchets, qui est intervenu sur différents projets pour le compte de la Coopération italienne au Liban.
En moyenne, 8 à 10 % des ordures seraient recyclées au Liban. Ce qui signifie que 50 % des déchets produits (ordures ménagères, hospitalières ou industrielles confondues) finissent dans les trois décharges contrôlées (Naamé, Baslim et Zahlé) et 40 % dans les dépotoirs illégaux. Les services de l’Omsar ont ainsi répertorié, pour l’heure, quelque 756 décharges sauvages. Une trentaine sont classées dangereuses, voire très dangereuses (voir carte). Les poubelles ménagères, les déchets hospitaliers ou industriels les plus dangereux continuent à y être jetés de manière indifférenciée. Par comparaison, l’Europe recycle en moyenne 40 % de ses déchets ménagers grâce, en particulier, à la mise en place du tri sélectif. Certaines régions parviennent même à récupérer jusqu’à 70 ou 80 % de leurs déchets.
Dans une étude de l’organisation MSC Environnement (2005), le chercheur Raji Maasri écrit ainsi : « Le Liban irrigue certaines de ses plaines agricoles en utilisant des eaux contaminées par le lixiviat (des eaux polluées, NDLR), qui ont traversé les décharges ouvertes. Le bétail, source principale d’approvisionnement en produits laitiers ou en viande, pâture à proximité quand ce n’est pas sur les décharges. (…) Les Libanais boivent ainsi de l’eau et respirent un air contaminés par ces déchets non traités et leurs sous-produits. » Les ordures sont brûlées régulièrement. Les bois peints, les papiers glacés (l’encre contenue dans certains journaux contient en particulier du plomb et d’autres métaux lourds), les plastiques… Quand ces matières brûlent, elles dégagent des substances toxiques (métaux lourds et dioxines) et cancérigènes qui sont disséminées dans l'atmosphère. Les cendres contaminées s’infiltrent ensuite dans la terre et les nappes phréatiques.
Le programme d’assistance de la Banque mondiale, spécialement dédié à la gestion des déchets solides dans la région du Moyen-Orient, le Metap (Mediterranean Environmental Technical Assistance Program) évalue le coût de dégradation de l’environnement, du fait de l’absence de politique de gestion, à 0,37 % du PIB par personne. Mais cette dégradation a aussi des conséquences économiques liées à la perte d’attractivité des sites – voire du pays dans son ensemble – et des coûts induits par son éventuelle dépollution.
Chaque ville a sa montagne de déchets
Tristement célèbres, les images des ordures voguant dans la mer tout autour de la “montagne de déchets” de Saïda ne sont pas une exception. « L’opinion publique se concentre sur ce cas, en raison notamment de sa proximité avec la mer, ce qui génère une catastrophe écologique visible. Mais toutes les grandes villes ont leur “montagne”, aussi dangereuse et aussi peu traitée que celle de Saïda », s’exclame la consultante Lama Abdul Samad. Le Liban, à défaut d’une politique de gestion intégrée de ses déchets, a laissé se développer des décharges sur tout son territoire. La majorité des terrains appartient aux municipalités. Le front de mer en particulier, longtemps jugé inexploitable, s’est au fil du temps présenté comme un lieu de stockage “par défaut”.
À Beyrouth, depuis la fermeture de la décharge du Normandy (5,5 millions de mètres cubes de déchets), dépolluée et intégrée à partir de 1994 dans le plan de reconstruction du centre-ville de Beyrouth, et de celle de Bourj Hammoud (400 000 m3 de déchets), toujours en attente de dépollution, la plus importante décharge sauvage, avec un volume estimé d’un million de mètres cubes, se trouve en banlieue sud, à Ouzaï, coincée entre la mer et l’autoroute. Le site accueille en particulier les déchets des constructions bombardées en 2006 et ceux dus à la démolition des immeubles beyrouthins, liés au boom de l’immobilier. Autre exemple alarmant : le vieux dépotoir de Rachidié (Tyr), installé sur un terrain privé, qui concentre les détritus d’une vingtaine de communes, cumule les risques sanitaires et environnementaux : ses eaux polluées, ce qu’on appelle le lixiviat, s’infiltrent dans les sols, contaminent les canaux d’irrigation des immenses bananeraies qui les jouxtent et tuent l’écosystème marin. Sans compter le fait que cette décharge se situe à proximité de la réserve naturelle de Ras el-Aïn...
Le simple bon sens porte à se demander pourquoi ces dépotoirs sauvages n’ont pas été réhabilités puis fermés au profit de terrains contrôlés. Des spécialistes rétorquent qu’il n’existe pas aujourd’hui de solutions alternatives du fait de la résistance de la population, peu encline à accepter la création officielle de décharges. Un habitant de Zgheriyé (Sud) affirme ainsi : « Il est impossible de faire confiance. Si nous autorisons des décharges, qui garantit que des déchets dangereux n’y seront pas entreposés ? Qui assurera les contrôles et limitera l’usage de la décharge à notre village ou notre région ? »
Des histoires sont là pour corroborer ses craintes : dans les années 1987-1988, 15 000 barils et une vingtaine de conteneurs de déchets toxiques, produits par des entreprises pharmaceutiques et chimiques italiennes, ont été entreposés au Liban sur les terres du village de Chnaniir (Kesrouan). Aucune enquête n’a permis de comprendre avec la complicité de qui ces produits ont pu se retrouver au Liban. Aujourd’hui, si 5 000 barils ont été rapatriés vers leur pays d’origine, la majorité reste introuvable : ils auraient été stockés, enfouis, brûlés anarchiquement ou déversés le long de la côte. L’histoire se répète : en juin dernier, à Kfarchima, un dépotoir a été fermé par les Forces de sécurité qui ont interdit l’accès après que des fûts de produits non identifiés ne se mettent soudain à fumer dangereusement… On comprend alors pourquoi le syndrome du “Nimby”, du “Not in my back yard” (pas dans mon jardin) soit si répandu au Liban : « Tout le monde est d’accord sur la nécessité de décharges contrôlées, mais personne n’en veut sur son territoire », explique Federico de Nardo, expert auprès de la Coopération italienne.
Les réactions peuvent même être violentes. En 1997, des manifestations se sont déroulées à Beyrouth pour s’opposer aux transferts à Bourj Hammoud de quantités supplémentaires d’ordures, entraînant finalement la fermeture du site. La même année, l’incinérateur d’Amrousié, près de l’aéroport, a été détruit par une masse populaire en colère, face à l’absence de sécurité sanitaire et environnementale du site.
De toutes les façons, peu de terrains sont aujourd’hui disponibles pour accueillir des décharges : la forte densité de la population, le décou communautaire (impossible a priori d’envisager de déposer les déchets de villages musulmans sur des terres de villages chrétiens, et inversement) et les caractéristiques géographiques du pays ne laissent qu’un choix limité.
Pas de cadre législatif
Le phénomène Nimby est universel : personne ne souhaite voir une montagne de déchets à proximité de sa maison. Mais ailleurs les politiques ont su imposer des décisions et des lois, même impopulaires, pour une gestion d’ensemble de la filière des déchets, en s’assurant de contrôles récurrents. Dans la région MENA, seuls le Liban, l’Égypte et la Jordanie n’ont pas encore organisé la filière. « Il faut en priorité mettre en place une loi claire. Et assurer le respect de cette loi via des contrôles rigoureux », souligne Lama Abdul Samad. À défaut, le Liban se contente d’un plan d’urgence, voté en 1997. Plusieurs projets de loi ont bien été élaborés en 2002 et 2005. Ils visaient, entre autres, à permettre au ministère de l’Environnement, qui pour l’heure ne joue aucun rôle, d’en devenir le référent. Présenté au Conseil des ministres, ces projets traînent depuis dans les tiroirs des différents ministères concernés. De la même façon, un plan d’urbanisme global a répertorié les décharges à fermer en urgence, en particulier celles se situant sur des failles géologiques afin d’éviter l’infiltration massive de polluants dans les sols et les nappes phréatiques. Mais là encore rien ou presque n’a été réalisé sur le terrain. À défaut, le Liban se contente d’anciens textes : une vingtaine de décrets ou de décisions ministérielles traitent de manière disparate de la gestion des déchets solides. Ainsi, un décret de 1974 (n° 8735, renforcé par la loi sur les municipalités de 1977) assigne la responsabilité de la collecte et du traitement des déchets domestiques aux municipalités. « Chaque municipalité a été laissée libre de choisir comment traiter ses propres déchets », explique Lama Abdul Samad. La majorité a naturellement choisi l’option “décharges sauvages”, c’est-à-dire le “zéro investissement” même si d’autres décisions interdisent en théorie d’y avoir recours. Mais les municipalités n’ont que très rarement les moyens financiers d’assumer leurs responsabilités (voir article sur les ressources des municipalités page 56). Un amendement de 1995 permet, par ailleurs, au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR) de court-circuiter les mairies pour financer de “grands projets” de développement sur les fonds de la Caisse autonome des municipalités (CAM) ou pour payer les factures de sociétés de nettoyage privées, à l’instar de Sukleen. 40 % du budget normalement alloué aux municipalités via la CAM est ainsi réservé à ces entreprises privées. Ce qui représente pour l’année 2010 la somme rondelette de 66,5 millions de dollars.
Zahlé, un exemple de bonne pratique
Seules trois villes ont plus ou moins mis en commun leurs ressources pour assurer une gestion “régionale” des déchets : Tripoli, Zahlé et la région du Grand Beyrouth (à l’exclusion du caza de Jbeil). À Tripoli, la gestion des déchets reste primitive : une décharge plus ou moins contrôlées concentre les déchets des agglomérations environnantes. Quant à l’usine de traitement, l’Union européenne vient à peine d’en poser la première pierre. Le coût représente 1,2 million d’euros et l’usine devrait être inaugurée en juillet 2011. « Seules Zahlé et Beyrouth ont une gestion intégrée depuis la collecte jusqu’au retraitement, même si ces initiatives restent encore en deçà des normes internationales », explique Federico de Nardo. Dans le cas de Zahlé, grâce à un don de l’Agence américaine de développement international (USAid) de 2,4 millions de dollars (pour le centre de traitement) et de 1,4 million pour l’acquisition du terrain de la décharge, l’ancien chef de la municipalité a réussi à convaincre quelque 23 agglomérations environnantes ainsi que cinq entreprises de la région (dont le groupe Pepsi) de se regrouper pour mieux assurer la collecte et le traitement des déchets. Un premier pas insuffisant : l’usine ne couvre que 50 % des déchets de l’ensemble de la Békaa, mais un premier pas tout de même. « On peut aider, apporter une technologie manquante, former des techniciens… Bref, mettre en place les “conditions idéales”. Mais s’il manque une volonté politique ou gouvernementale pour prendre le relais, notre implication ne sert à rien », fait valoir Jacopo Monzini, responsable des programmes Environnement de la coopération italienne. Une manière de dire que si Zahlé figure parmi les rares bonnes pratiques, c’est grâce à l’implication de ses élus. Depuis 2004, l’usine, gérée aujourd’hui par Globex (un consultant américano-libanais) et el-Kaï (l’entreprise d’ingénierie locale), assure l’ensemble des prestations – traitement, classement, recyclage, enfouissement – pour les quelque 180 tonnes par jour produites. La technique est rudimentaire mais, en moyenne, l’usine recycle 15 % des déchets réceptionnés. Les 85 % restants sont enfouis dans la décharge municipale contrôlée qui jouxte l’usine. L’aluminium, les bouteilles en plastique et les verres blancs (une usine de recyclage des verres colorés existait jusqu’à la guerre de 2006. Bombardée par l’aviation israélienne, elle n’a jamais repris son activité) sont les matières que l’usine recycle principalement. Une partie des résidus hospitaliers sont, quant à eux, traités à part, par l’intermédiaire de l’association Arcenciel, qui possède sur le site son propre atelier. Quant aux déchets organiques, l’usine ne parvient pas à les transformer en compost utilisable, du fait de la présence de métaux lourds dans l’humus fabriqué. La ville de Zahlé paie aujourd’hui 28 dollars la tonne pour que l’entreprise assure la prise en charge et le traitement de ses déchets. Les autres communes sont taxées entre 10 et 13 dollars la tonne. « Les autres villes associées sont plus pauvres que Zahlé. Le prix facturé à la ville tient compte de cette réalité », précise l’ingénieur Élie Khondissa, chargé du dossier à la municipalité de Zahlé.
Dans les autres régions, la coopération internationale a tenté d’initier un cercle vertueux. Le Sud a été le terrain de leur première expérimentation. Durant les années 2003-2005, c’est grâce à des financements de l’USAid que plusieurs centres de traitement municipaux ont été initiés. À partir de 2004, l’Union européenne a également développé, en partenariat avec le bureau du ministère d’État pour la réforme administrative (Omsar), 17 projets liés aux déchets solides, dont 11 centres de tri et de compostage (cinq sont d’ores et déjà opérationnels à Khiam, Chouf Swaijani, Tyr, Ansar et Abbassié). L’Union a investi quelque 14,2 millions d’euros (17 millions de dollars). Après la guerre de 2006, la coopération italienne a aussi été chargée de réhabiliter certains des sites, à l’origine financés par l’USAid, qui ne répondaient pas aux normes, ou dont le matériel n’était pas approprié. Le problème ? C’est que l’échelle choisie – l’échelon municipal – semble peu pertinente. « L’une des erreurs est d’avoir investi dans des petites structures, d’une à cinq tonnes par jour, la plupart à l’échelle d’une ou de quelques municipalités regroupées. Traiter des ordures représente d’abord un coût financier lourd pour une seule municipalité qui ne parvient pas, la plupart du temps, à collecter les taxes locales directes, ni à percevoir l’intégralité des taxes collectées par l’État en son nom. Ensuite, est-ce qu’un village aura les moyens d’investir dans une technologie plus moderne ? Pourra—t-il faire intervenir des techniciens experts, payer des formations ? Non, dans la majorité des cas », remarque Lama Abdul Samad, qui poursuit : « Il faudrait a minima penser régionalement. » L’Union européenne finance cependant quelques structures plus importantes, comme celle de Tyr qui regroupe une trentaine de villes et traite 150 tonnes par jour de déchets. À ce problème d’échelle s’ajoute un autre, lié cette fois à l’absence de prise en compte de l’ensemble des besoins : cette même usine de Tyr, par exemple, bien qu’ultramoderne, continue d’utiliser le dépotoir non contrôlé de la réserve de Ras el-Aïn… « Si l’on ne règle pas le problème de la destination finale des déchets, c’est-à-dire de la mise en place d’une décharge contrôlée, cela ne sert à rien », explique Lama Abdul Samad. Pour elle, pas de doute : « Le choix opéré par la coopération internationale est contre-productif en termes économiques. » L’Union européenne ne conteste pas cette conclusion : « Les conditions pour la pérennité ne sont pas intégralement garanties en effet : absence d’inclusion dans une stratégie globale, problématique des budgets d’entretien qui ne sont pas disponibles pour les autorités locales... Mais ces projets ont localement contribué à la réduction des déchets entreposés dans les décharges sauvages. L’Union européenne ne peut qu’espérer que dans les années à venir, ces projets seront inclus dans une stratégie nationale libanaise de gestion des déchets comme des “stations de transfert” locales afin d’assurer la pérennité de ces infrastuctures », rappelle Peter Christiaens, chargé des programmes de développement local au sein de la Délégation européenne à Beyrouth.
À cette description déjà catastrophique, s’ajoute un autre problème : le Liban figure parmi les pays où le traitement des déchets est le plus onéreux. En 2000, la Banque mondiale estimait le coût à une moyenne de 50 dollars la tonne contre 9 à 11 dollars en Syrie et 17 à 21 dollars en Jordanie. Mais ce coût varie d’une région ou d’une agglomération à une autre en fonction des outils mis en place. Dans les régions libanaises où l’on brûle les déchets et on a recours aux décharges illégales, les coûts sont de facto moins importants, de l’ordre de 15 à 25 dollars la tonne. Par comparaison, à Beyrouth, Sukleen facture entre 160 et 173 dollars la tonne…
Le problème sous-jacent est celui du financement du traitement des déchets. De manière générale, les services urbains (eau, égout, électricité, déchets…) se trouvent à la charge des municipalités. Celles-ci toutefois n’en ont pas les moyens financiers (voir article sur le budget des municipalités, page 56). Si l’on impose des normes plus rigoureuses en matière de retraitement et de recyclage, la facture augmentera sans que le gouvernement ne semble vouloir envisager en parallèle de donner aux municipalités l’autonomie financière dont elles sont aujourd’hui privées.
Aucune solution miracle
Quelle solution dans ce cas ? Au ministère de l’Environnement, Bassam Sabbagh, qui suit le dossier des déchets solides, ne croit pas aux décharges sanitaires. « Au Liban, c’est un échec. Trop de déchets, pas assez de place, des qualités de compostage médiocre. » Et parie sur la construction d’incinérateurs et de la technologie dite de “Waste to Energy”, visant à récupérer de l’énergie à partir de déchets incinérés. « En Europe, la nouvelle génération d’incinérateurs est considérée comme une solution écologique, si les normes sont respectées en particulier dans le choix des filtres », poursuit-il. Dans un entretien accordé à L’Orient-Le Jour, le ministre de l’Environnement, Mohammad Rahhal, affirme vouloir développer quatre incinérateurs dans chaque grande région.
Selon Mohammad Rahhal, 4 500 tonnes de déchets peuvent produire 170 mégawatts d’énergie. Le kilowatt “déchets” reviendra entre 8 et 10 cents alors que l’État le produit pour 17 à 19 cents à l’heure actuelle. « Il faudra bien sûr définir les termes des contrats liant l’État aux entreprises privées. Certaines, par exemple, pourraient proposer de traiter la tonne de déchets pour 70 dollars et de vendre l’énergie produite à 12 cents quand d’autres pourraient proposer 120 dollars la tonne de déchets mais l’énergie vendue pour 7 cents », explique Bassam Sabbagh, du ministère de l’Environnement. Mais L'incinération des déchets présente de gros inconvénients : les ONG dénoncent des conséquences mal évaluées sur la santé avec des risques de pollution atmosphérique (poussières, gaz acides, dioxines, métaux lourds...). Les résidus d'épuration des fumées de toutes façons sont aussi des déchets toxiques.
Du côté de la coopération internationale, plusieurs experts affirment qu’une solution mixte alliant les trois techniques (tri à la source, incinérateurs et décharges contrôlées) serait une solution réalisable au Liban. «En matière de traitement des déchets ménagers, il n'y a pas de solution miracle. Toutes les méthodes envisageables ont leurs faiblesses. Mais au Liban, davantage qu’un problème de technique, c’est une affaire de gestion », dit ainsi Jacopo Monzini, de la Coopération italienne. Et le Liban en matière de gestion n’est pas un exemple des plus vertueux.
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