Les représentants du patronat libanais ont épluché le projet de budget 2011 et formulé des  critiques à l’égard des mesures fiscales proposées, rassemblées dans un document dont Le Commerce du Levant a obtenu une copie.

« Les organismes économiques ont la conviction que le régime économique et fiscal du Liban est en train de prendre un tournant inquiétant », affirme le document, élaboré par un comité composé de  Nicolas Chammas, Nicolas Nahas et Chadi Karam. « Le plus inquiétant est que les réformes fiscales proposées ne se basent sur aucune vision économique et sociale cohérente et n’ont fait l’objet d’aucun débat ».
 
Le projet de loi de finances prévoit une hausse de certains taux d’imposition, « alors que la part des recettes publiques (budget et trésor) dans le PIB est passée en cinq ans de 18% à 25%, soit un niveau dans la moyenne des pays en développement et émergents », poursuit le texte, en estimant que les nouvelles charges fiscales vont freiner les investissements productifs et les créations d’emploi sans avoir un impact important sur les finances publiques.
 
Les organismes économiques, représentants du patronat, évoquent également l’importance d’assurer la continuité et la stabilité fiscale pour ne pas affecter la confiance des investisseurs et la crédibilité du Liban.
 
Pour eux, si une hausse des taxes est incontournable, elle doit être accompagnée d’une réforme globale pour réduire les gaspillages, pour mettre fin aux violations de la propriété publique, que ce soit au niveau de l’électricité ou des propriétés maritimes, et pour assainir la CNSS.  Ce qui est loin d’être le cas du projet de budget de la ministre Raya El Hassan.
 
Le patronat critique huit amendements fiscaux en particulier.
Le premier, prévu dans l’article 21 du budget, annule l’article 59 de la loi sur la TVA en vertu duquel certains secteurs non assujettis à la TVA pouvaient réclamer le remboursement de la taxe dont ils s’acquittent au titre de frais généraux ou de frais d’investissement.
« Cet amendement contredit la politique sociale affichée en augmentant les charges sur les citoyens dans deux secteurs essentiels que sont la santé et l’éducation, affirme le document. Il contredit aussi le principe de redistribution entre importateurs et producteurs locaux ».
A cet égard, le patronat dénoncé l’absence d’exemption des recettes des exportations des industriels libanais de l’impôt sur le revenu, malgré les promesses de  la ministre des Finances et du chef du gouvernement.   
 
Une autre objection concerne l’article 23 qui prévoit la possibilité de réaliser une réactualisation exceptionnelle de l’actif immobilisé des sociétés et de réduire à 5 % l’impôt sur la plus-value réalisée qui s’ensuit, au lieu du taux de 10 % actuellement en cas de cession.
Le patronat propose d’appliquer cet amendement uniquement sur l’actif immobilisé et non sur les actifs circulants comme les actions, les obligations et les participations, d’imposer la plus value réalisée à 1,5% au lieu de 5%, de l’imposer à 10% en cas de cession, et de l’exonérer si elle est utilisée pour couvrir des pertes.
 
Pour ce qui est de l’article 24 qui prévoit de réduire à 5 % le taux de l’impôt sur la plus-value en cas de transformation d’une société de personnes ou d’une SARL ou d’une société en commandite par action en SAL si il n’y a pas de changement dans la personne des associés et dans leurs participations, et à 7,5% dans le cas contraire, le patronat plaide en faveur d’un taux unifié de 1,5%.
Les organismes économiques insistent également pour annuler l’article 25 selon lequel les recettes de la cession par une personne physique de tout actif non lié à ses activités professionnelles sont soumises à un impôt sur le revenu de 1 %. Ces actifs comprennent les actifs matériels et financiers, les actions des sociétés de capitaux, les machines et les véhicules.
 
Le patronat estime qu’il s’agit d’un impôt sur le capital personnel et déplore le fait qu’il s’applique sur la valeur de la cession indépendamment des bénéfices ou des pertes réalisées, et des coûts subis. Les prélèvements sur les cessions d’actions vont peser sur les activités de gestion d’actifs et de portefeuille et entraînera leur  délocalisation, ajoute-t-il.  
 
Le document dénonce ensuite l’amendement du régime des sociétés holdings.
Le projet de budget prévoit en effet un relèvement de l’impôt forfaitaire acquitté par les holdings et l’imposition des prêts entre une holding et ses filiales libanaises à 10 %, de même que la plus-value réalisée sur la cession de titres de participation de sociétés locales, et les “management fees” facturées par les holdings à leurs filiales libanaises.
 
Pour le patronat, ces mesures vont entraîner une réduction voire une disparition des holdings au Liban au bénéfice des pays voisins dont les régimes fiscaux sont plus favorables.  
 
Le même raisonnement s’applique aux sociétés offshores dont l’impôt forfaitaire a été relevé de 1 à 15 millions de livres (10 000 dollars), « un niveau qui n’existe dans aucun pays autorisant ce type de compagnies. Même Chypre, qui a pourtant rejoint l’Union européenne, ne pratique aucun prélèvements sur les sociétés offshores », ajoute le document.
 
Le patronat s’oppose également à l’article 32 du projet de budget qui prévoit de régulariser les infractions aux lois de l’urbanisme survenues entre 1994 et 2009 sur la base d’un décret du Conseil des ministres. « Il n’est pas permis d’encourager les contrevenants et de pénaliser ceux qui respectent la loi ».
 
Enfin, le patronat se dit prêt à accepter une hausse du timbre fiscal 3 à 4 ‰ à condition « que tous le système des timbres fiscaux soit révisé ».