Faut-il comptabiliser les recettes des Télécoms comme des revenus publics même s’ils n’ont pas été transférés au ministère des Finances ?  Le débat fait rage entre la ministre des Finances Raya el Hassan et celui des Télécoms Charbel Nahas.

A l’origine du problème, une somme de près de 950 millions de dollars due par le ministère des Télécoms aux municipalités. Ces sommes correspondent à des taxes collectées depuis 1995 par le ministère des Télécoms pour le compte des municipalités sur les factures de téléphonie mobile, mais qui n’ont jamais été transférées à leurs destinataires en raison d’un vide juridique sur la méthode d’affectation. Elles ont donc fini dans les caisses du Trésor.  
 
Le ministère des Télécoms dispose d’un budget annexe par rapport au budget général de l’État dont l’affectation des excédents est réglementée : ils alimentent d’abord les comptes de provision du ministère ; ensuite ils servent à régler ses dettes et enfin le solde est viré au Trésor.
Considérant que le ministère doit régler ses dettes envers les municipalités avant de transférer le solde au Trésor, Nahas a suspendu les transferts depuis février pour provisionner le montant de la dette sur un compte à la BDL.
 
« Mais cela ne veut pas dire que le secteur ne génère pas de revenus pour l’Etat, contrairement à ce que laissent penser les chiffres publiés par le ministère des Finances », souligne Nahas dans un entretien au Commerce du Levant.
 
Les derniers chiffres publiés par le ministère des Finances font état d’une baisse des revenus publics de 2,8% fin octobre, en raison d’une baisse des recettes des télécoms de 80% sur un an. « Ce n’est pas parce que des recettes sont affectées au remboursement d’une dette, qu’elles ne doivent pas être comptabilisées » poursuit Nahas.
« On ne peut pas changer les méthodes de calcul du déficit d’une année sur l’autre sans fausser les résultats », ajoute-t-il.
 
Globalement, « je ne comprends pas  pourquoi il n’y a pas d’uniformité de traitement des créanciers de l’Etat, que ce soit les banques ou les municipalités », poursuit-il. En effet, la dette des municipalités n’est comptabilisée nulle part. Pour régulariser la situation, il faudrait ajouter aux déficits publics enregistrés depuis 1995 un montant équivalent aux sommes dues chaque année aux municipalités, pour que le montant de la dette publique aujourd’hui inclue aussi celle des municipalités, estime Nahas.
 
Pour la ministre des Finances, la méthode de calcul du déficit public est très simple : c’est la différence entre les sommes encaissées et les sommes payées à travers le compte du Trésor à la Banque centrale numéro 36. « La comptabilité du Trésor repose sur un principe monétaire », a-t-elle expliqué vendredi à une délégation des organismes économiques.  Les recettes des télécoms ne figurent pas comme des recettes parce qu’elles ne sont pas déposées sur le compte numéro 36 » a-t-elle ajouté.
 
Cela explique aussi pourquoi les dépenses publiques ont baissé sur les dix premiers mois de l’année. Le ministère des Finances fait état d’un recul des transferts à l’EDL de 21,53% sur un an, sans mentionner la raison.
En réalité, les dépenses ont baissé sur les dix premiers mois car le ministère n’avait toujours pas réglé la facture du gaz égyptien qui alimente la centrale de Beddawi.
 
En lisant les chiffres publiés par le ministère des Finances, le citoyen doit donc comprendre qu’ils ne reflètent pas vraiment l’état des finances publiques mais simplement les mouvements des comptes du Trésor. Et pas tous les comptes publics puisque « le projet de loi sur le compte unifié du Trésor qui incluerait tous les comptes annexes du budget, à l’exception de celui des Télécoms et des municipalités, est toujours bloqué au Parlement », comme l’a souligné Raya El Hassan vendredi.