Il n’y a pas de dictateur au Liban. La raison semble suffisante pour ne pas l’inclure dans la liste des pays concernés par l’effet domino de la révolte tunisienne. Au mieux, on nous dit que le Liban a déjà eu son 14 Mars. Certains affirment que la manifestation historique de 2005 a même  indirectement inspiré les foules arabes. Le Liban aurait donc passé son tour. Certes, le vent de la démocratie a déjà soufflé par ici, même s’il a souvent tourbillonné sans grands effets. Mais ce n’est pas seulement l’aspiration démocratique qui anime les peuples. La pauvreté, le chômage,  l’injustice sociale… sont des moteurs tout aussi efficaces si ce n’est davantage. De ce point de vue, les Libanais ne sont pas si bien logés que les chiffres de la croissance du PIB national le laissent croire. Pénurie d’eau et d’électricité, flambée des cours de l’essence, chute du pouvoir d’achat, absence de couverture médicale, crise du logement, inefficacité policière et judiciaire, les motifs de la grogne sociale sont de plus en plus alarmants. L’émigration reste la principale soupape de cette cocotte-minute. Suffira-t-elle toujours ? Fatalistes, anesthésiés par le confessionnalisme et le clientélisme,  les Libanais n’ont pas l’habitude de la mobilisation et de la revendication populaire. L’exemple tunisien montre pourtant à quel point ce qui paraissait impossible devient subitement une évidence. Le nouveau premier ministre Nagib Mikati  – s’il parvient à former son gouvernement – réussira-t-il, là où ses prédécesseurs ont échoué, à désamorcer cette bombe à retardement en s’attaquant enfin au chantier de la restauration de l’État ? Il faut l’espérer.