Dans la plaine de Marjeyoun, les agriculteurs retrouvent l’espoir de produire mieux et plus grâce à la réhabilitation des canaux d’irrigation de la source de Dardara. Un projet mené dans le cadre de la coopération internationale par l’ONG italienne AVSI depuis 2006. Aujourd’hui, les premiers résultats : la valeur des produits agricoles cultivés dans la plaine s’accroît.
De l’eau jaillissante et le vent sifflant léger entre les arbres : le décor est posé. Il semblerait presque normal. Mais cette eau, qui coule de la source de Dardara pour alimenter le réservoir à ciel ouvert de 6 000 m2 en contrebas de la ville de Khiam avant de rejoindre la plaine toute proche de Marjeyoun (Liban-Sud), a des airs de petit miracle.
« C’est la première fois que les agriculteurs de cette région sentent que leurs problèmes, en particulier celui des ressources hydrauliques, sont pris en compte. C’est un vrai projet de développement durable », explique Jihad el-Cheikh Ali, président de la Coopérative des agriculteurs de la plaine de Marjeyoun, fondée en 2008, qui regroupe 80 agriculteurs de Khiam, Klayaa et de Bourj el-Moulouk. Au total, quelque 250 agriculteurs se trouvent concernés.
Ce “petit miracle”, Marjeyoun le doit à l’ONG italienne AVSI, qui travaille entre autres à la réhabilitation des canaux depuis la fin de la guerre de 2006. « La plaine est le principal pôle de développement économique de la région », explique Marco Perini, représentant de l’ONG italienne AVSI, présente au Liban-Sud depuis 1996. Une étude réalisée par le département d’économie agronome de l’université de Milan estime la valeur totale des produits cultivés dans la plaine de Marjeyoun à un million de dollars pour l’année 2007 et à 2,8 millions en 2009. Avec un beau potentiel : en 2012, les cultures pourraient rapporter 4 millions de dollars, si la seconde phase de travaux est finalisée.
Début décembre, AVSI invitait la presse, les élus locaux et les habitants de la région à venir voir fonctionner les nouveaux réseaux de canaux souterrains, installés par ses soins. Ils irriguent 157 hectares, à l’ouest de la plaine. « Nous avons transformé un système hydraulique vétuste, construit sous le mandat français, en un système industriel pérenne qui assure, pour l’heure, la distribution de 152 000 m3 », avance l’ingénieur Alberto Mazzucchelli, qui supervise les travaux pour le compte de l’ONG italienne. « Nous avons réalisé cinq kilomètres de canaux souterrains avec 43 sorties d’eau tous les cents mètres pour assurer à l’ensemble des agricultures un accès équitable à l’eau. Cette transformation réduit la consommation d’eau des paysans de 50 % et augmente la surface irriguée de 40 % », ajoute Marco Perini, le représentant d’AVSI au Liban. Conséquences directes : la plaine de Marjeyoun est en train de se transformer. En l’espace de deux années, les cultures céréalières, majoritaires du fait qu’elles nécessitent peu d’eau, sont progressivement remplacées par des arbres fruitiers et des cultures maraîchères, à plus forte valeur ajoutée.
Lorsqu’il regarde les champs cultivés, Jihad el-Cheikh Ali ne peut pas s’empêcher de rêver. « Retenir les jeunes, les faire revenir est un objectif envisageable si nous maîtrisons nos ressources hydrauliques. » D’autant que deux nouveaux réseaux devraient compléter l’ouvrage actuel. Le premier, initié par la coopérative locale, est financé par le CDR (Conseil du développement et de la reconstruction), via un don de l’Union européenne de 375 000 dollars. Il vise à compléter la nouvelle infrastructure sur sa partie est. Le second, d’un montant d’un million de dollars, est, lui, financé par un don conjoint de la région de Lombardie (Italie), l’AVSI et la FAO. Il doit permettre d’irriguer 525 hectares supplémentaires dans la partie sud de la plaine. Il devrait démarrer en 2011.
AVSI ne s’occupe pas que de la gestion hydraulique dans ce caza. L’ONG soutient également une action de réduction des pesticides – ou d’amélioration de leur emploi – et parraine des activités comme l’apiculture. « Nous montrons qu’un usage approprié des bons pesticides peut permettre d’épargner de l’argent. Les agriculteurs, qui nous suivent, prennent aujourd’hui contact avec des marchés des pays du Golfe pour vendre leur marchandise », explique Marco Perini.
Bien sûr, tout n’est pas rose au royaume de Dardara : des promeneurs indélicats continuent de jeter leurs déchets aux abords du bassin, contaminant l’eau. En mai dernier, la municipalité de Khiam a, par ailleurs, autorisé un restaurant, le “Dardara al-Khiam Paradise”, à ouvrir sur le belvédère, qui surplombe ce plan d’eau. Jusque-là rien de compromettant. Mais ce restaurant utilise le réservoir de Dardara comme une mini-base nautique : les pédalos, qui y circulent, déchiquètent les algues du bassin dont les morceaux bouchent ensuite le départ des canalisations. Plus grave encore, le Dardara Paradise a construit une esplanade de béton à l’intérieur même du bassin pour que ses clients fument leurs chichas les pieds dans l’eau !
Pour en savoir plus sur les actions menées dans la plaine de Marjeyoun par l’ONG italienne AVSI, un film indispensable : “Sur les chemins de la plaine”, réalisé par Michèle Tyan et produit par Djinn House.