Youmna Ziadé Karam n’a pas le profil de l’agricultrice bio. Ses études ? Du droit à l’Université Saint-Joseph puis science-po à Paris, pour finalement rejoindre la banque familiale, la Banque BLC où elle continue de gérer des projets. Mais en parallèle, elle dirige Bag Bio, une entreprise bio qui distribue les produits du domaine familial. Sa particularité ? Livrer à domicile des “paniers bio” chaque semaine. « Je ne suis pas une agricultrice. Mais mon expérience en termes de marketing m’a permis de me développer rapidement. »
Son histoire commence à partir d’un domaine de cinq hectares, perdu au fin fond du Kesrouan, à Ghedraiss. Achetée en 1975 par sa famille, cette propriété n’a jamais été cultivée depuis. « Mes parents souhaitaient acheter la belle et vieille bâtisse construite en son centre pour en faire une résidence d’été. Le paysan, lui, voulait tout vendre, maison et terrains. Nous avons tout acheté, sans savoir que faire des terres annexes. » Planté de noyers et d’amandiers, le domaine produit “naturellement” du thym et du sumac.
À cette même époque, Souk el-Tayyeb, ce marché du terroir libanais, démarre. Youmna Ziadé y prend un stand pour écouler les produits du domaine sans toutefois projeter de s’investir dans une certification bio, ni de devenir une pro de la culture maraîchère. « Les gens aimaient, vantaient le goût, la qualité des produits… Et, de semaine en semaine, en redemandaient ! » explique-t-elle.
Youmna Ziadé lance réellement Bag Bio en 2005. Le bio, pour elle, s’impose comme une évidence d’autant que le domaine n’ayant pas été cultivé depuis des dizaines d’années, la certification n’est pas longue à obtenir. « Lors de la certification bio, nous avons reçu un ingénieur agronome français, qui est ensuite resté pour nous aider au démarrage de notre activité et former le personnel de la ferme », reprend-elle. Aujourd’hui, Bag Bio a quatre employés, sans compter les saisonniers auxquels elle a recours. L’entreprise est à l’équilibre. « Les investissements ont été faits d’année en année. Leurs coûts ont été absorbés par les profits réalisés. »
Bien vite, Youmna Ziadé a l’idée de mettre en place un “panier bio”, un service de livraison à domicile des commandes de ses clients, passées au préalable sur Internet.
« On envoie un e-mail en début de semaine, avec les produits disponibles. Et on livre trois jours plus tard. » La commande minimum ? 15 000 livres libanaises, soit dix dollars. Plus de 250 personnes sont ainsi inscrites à sa mailing-list. « Mes clients ont des profils très diversifiés. Ils viennent de toutes les régions. Parmi eux, beaucoup de jeunes couples avec des enfants, qui s’inquiètent de ce qu’ils consomment. » Youmna n’est pas la seule à proposer ce service. L’un des pionniers du bio au Liban, Healthy Basket, qui dépend de l’Université américaine de Beyrouth, le propose également.
Le succès est immédiat. Au point qu’une centaine de personnes sont en liste d’attente. Car Youmna Ziadé fait face désormais à un problème de production : « Mon terrain est saturé. J’ai cherché à en acheter un autre. Mais le prix des terres connaît une envolée du fait de la fièvre immobilière. Et puis, les terres sont réellement très polluées dans certaines régions, rendant leur conversion en bio aléatoire, voire impossible. » À défaut, Youmna Ziadé s’associe avec d’autres producteurs, notamment de fruits, pour diversifier son offre. Elle continue à prospecter, persuadée que l’avenir de l’agriculture libanaise est dans le bio. « Je sens la demande monter. »
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