Pendant longtemps, seul Adyar, qui regroupe les huit monastères de l’Ordre maronite, proposait des vins libanais “bio”, certifiés par l’institut européen IMC. Depuis peu, Musar a également obtenu la certification et deux autres domaines sur la trentaine que compte le Liban sont dans leur dernière année du processus d’obtention du label : Château Khoury et Domaine de Baal, tous deux à proximité de Zahlé. Château Sanctus, un domaine de la région du Batroun, devrait, lui, obtenir la certification bio finale en 2013.
« L’appellation bio ne signifie pas que le vin est meilleur. C’est la qualité du terroir, associée à un cépage et au travail du producteur, qui fait la différence en la matière. La certification bio concerne seulement les conditions de culture de la vigne avec en particulier l’interdiction d’utiliser des engrais chimiques et des pesticides », explique Frédéric Cacchia. L’œnologue d’Adyar le reconnaît lui-même, au Liban, le bio n’est pas difficile à obtenir tant le climat méditerranéen est propice à une culture “naturelle” de la vigne. Certains domaines d’ailleurs travaillent de façon bio, sans toutefois chercher à obtenir la certification officielle.
Car si la culture de la vigne peut être labellisée bio, en revanche, l’expression de “vin bio” est délicate à manier. La “qualité biologique” du vin n’a pas d’existence dans l’Union européenne, dont les normes servent de référence au Liban, à défaut d’une législation propre. Seule est autorisée la mention “Vin produit à partir de raisins issus d’une agriculture biologique”. Ce qui signifie que la qualité “biologique” du vin ne concerne que la viticulture, soit jusqu’à la vendange des raisins. Ensuite, les vignerons, même bio, sont libres de faire ce qu’ils entendent et d’ajouter ce que bon leur semble dans leurs cuves ou leurs fûts. En clair, le label “bio” n’est pas le gage d’un vin de qualité… Ni même d’un vin naturel !
En pratique cependant, la majorité de ceux qui ont choisi le bio ont une conception artisanale et presque aristocratique de leurs métiers. Ils refusent d’utiliser des produits de synthèse. Et recourent à des levures naturelles (indigènes) présentes sur la pellicule du raisin, qui permettent sa fermentation. C’est entres autres le cas du Domaine de Baal, dont les vendanges 2011 seront certifiées bio, et qui revendique de produire un vin “expressif” et “naturel” : « Mes vins ne sont ni filtrés ni collés. Les doses de soufre ne dépassent pas les 80 mg/l et j’utilise des bentonites naturelles pour la stabilisation de mes vins blancs. Les gens doivent comprendre qu’un vin présentant des dépôts dans la bouteille n’est pas un vin “sale”, mais au contraire un vin moins traité et plus naturel. »
Pour qu’une certification bio voie le jour en ce qui concerne la vinification, il faudrait réglementer l’utilisation des adjuvants, qui entrent dans le processus de fabrication du vin. Tout particulièrement, le soufre (S02), indispensable à sa stabilisation et sa conservation. Cet antioxydant et antiseptique existe à l’état naturel dans le sol ou dans les levures naturelles, mais certains vignerons ont la “main lourde”, y recourant à tous les stades de la vinification pour protéger une vendange abîmée, au pressurage, pendant la fermentation, lors de l’élevage, voire au moment de la mise en bouteilles pour définitivement stabiliser leur production. À dose importante, le soufre entraîne une dilatation des vaisseaux cérébraux, provoquant ces fameux maux de crâne qui font croire à beaucoup qu’ils ne supportent pas les vins blancs ou rosés dans lesquels le soufre est le plus utilisé.
La solution dans ce cas ? L’abaissement des seuils. Certains labels privés, comme le français Biodyvin ou celui des vins Demeter, ont choisi d’imposer des plafonds de soufre de deux à trois fois plus bas que les normes légales. Château Khoury, lui aussi en reconversion bio, partage également cette philosophie. En plus de la certification bio à venir de son vignoble, ce domaine devrait recevoir un label IMC garantissant que ses vins sont sans adjuvants chimiques et sans OGM (organismes génétiquement modifiés). Dans ce cas, il ne s’agit pas d’une certification bio, mais d’une assurance qualitative pour le consommateur. « Cette certification “privée” garantit que le processus de fabrication suit la méthode de traçabilité HACCP (Hazard Analysis Critical Control Point), un système qui identifie, évalue et maîtrise les dangers significatifs au regard de la sécurité des aliments. »
De la vigne à la cave, ces vignerons, qui participent aujourd’hui à la renaissance des vins libanais, ont choisi d’être exemplaires. Ce n’est pas seulement une affaire de marketing, même si la demande en vin bio dépasse aujourd’hui la production. La France, par exemple, importe l’équivalent de 30 % de sa production bio, pour répondre à la demande en hausse constante des consommateurs. C’est surtout une forme d’engagement : « Dans l’absolu, le label bio n’est rien. Ce qui compte, c’est produire dans le respect de la terre un vin de grande qualité », estime Frédéric Cacchia.
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