Beaucoup de restaurants libanais choisissent la franchise comme la modalité de leur développement local et régional. À cela une raison : le secteur se prête
à la standardisation de son savoir-faire. Nagi Morkos, PDG du cabinet de conseil en tourisme et hôtellerie Hodema, explique.
Quand l’idée de franchiser des restaurants libanais a-t-elle commencé à s’imposer ?
Le mouvement a réellement pris de l’ampleur à la fin des années 90. Auparavant, seuls quelques précurseurs s’y étaient essayé comme le restaurant al-Ajami, qui a ouvert sa première franchise à Riyad en 1977 puis à Paris en 1985, ou Bourj el-Hamam qui s’est installé en Jordanie en 2001, avant d’ouvrir deux autres franchises dans le Golfe. Aujourd’hui, le secteur de la restauration reste le moteur de la franchise au Liban. Beaucoup d’entreprises ont compris que leur savoir-faire pouvait être normé, standardisé afin de se prêter à un développement en réseau.
Le Liban a donc un savoir-faire qui peut s’exporter ?
Pour s’internationaliser, les réseaux français s’appuient sur la réputation de “l’art de vivre à la française”, qu’il s’agisse de gastronomie ou de luxe. Le Liban bénéficie également de la reconnaissance de son excellence : en arabe, on parle de la “nakha”, de la “saveur” libanaise. Cela concerne d’abord la gastronomie libanaise, qui a une carte à jouer pour exporter ses recettes, en particulier dans les pays arabes. Mais aussi les concepts de restauration créés par des Libanais.
Quels sont les clés du succès ?
Compter sur la création d’une ambiance, d’un décor ne suffit pas, l’essentiel repose sur la systématisation du savoir-faire. Ce qu’il faut dupliquer, c’est le produit. Et pour cela, le franchiseur doit devenir le fournisseur de ses franchisés. Quand McDonald’s s’est implanté au Liban, le gouvernement espérait imposer l’achat de pommes de terre libanaises. McDo a refusé, arguant qu’il ne pouvait pas mettre en péril l’identité de la marque par le recours à un fournisseur extérieur. Cette leçon vaut pour tous : si un restaurant de mezzés veut se franchiser, il doit pouvoir servir un houmous identique à Beyrouth, Djeddah ou Londres. Dans la restauration, la possibilité d’envoyer les produits congelés facilite la tâche et explique pourquoi ce secteur reste l’un des plus porteurs en matière de franchise.
Quels sont les risques ?
Il y a autant de “success-stories” que de désastres en matière de franchise. Ouvrir à l’identique reste un précepte insuffisant : Léon de Bruxelles s’est implanté à Beyrouth, il y a quelques années, mais il a dû fermer, la formule unique “moule-frite” étant trop restreinte pour le marché libanais. Ensuite, les rapports entre le franchiseur et les franchisés ne sont pas toujours aisés. Certaines enseignes ont dû rompre leurs contrats de franchise faute de parvenir à imposer le respect de leur cahier des charges. Une autre difficulté tient à l’absence de protection de la propriété intellectuelle dans la région. Certaines marques hésitent désormais à se franchiser. Mandaloun par exemple, qui a déjà ouvert plusieurs enseignes, s’y refuse, préférant maîtriser son image de marque plutôt que de risquer de l’écorner.