Pas même 40 ans et déjà un joli parcours : Omar Abodib est l’un des associés d’Omnivore, une entreprise française spécialiste de la jeune cuisine. Sous sa houlette, Omnivore est passée d’une maison d’édition à un organisateur de salons et de festivals, capable de bouger les foules dans le monde entier.


L’homme est omnivore : il se nourrit d’à peu près tout. Ce qui ne l’empêche pas de défendre l’élitisme dans l’assiette. C’est du moins l’opinion du Franco-Libanais Omar Abodib, l’un des associés d’Omnivore, la marque d’édition et d’événementiel qui monte dans l’univers ultracouru de la gastronomie française. Fondée en 2003 par Luc Dubanchet, la jeune entreprise défend les nouvelles tendances de la cuisine et débusque ses talents méconnus. « Notre credo : promouvoir une cuisine d’auteur, inventive, récréative et ludique », assure Omar Abodib, directeur du développement depuis 2006. Le ton est donné : Omnivore se veut l’agit-prop des fourneaux, le poil à gratter de la cuisine française et depuis peu internationale.
Et ça marche ! D’abord concentrée sur la publication d’un magazine édité à 4 000 exemplaires, la maison s’est attelée à la publication de “Carnets” (5 000 exemplaires par an). « Nous ne croyons pas au système des notes ou des étoiles : nous sélectionnons et défendons ce que nous aimons. Notre sélection est subjective et on l’assume. » Bientôt, une édition anglaise devrait également faire le tour de leurs bonnes adresses à l’international.
Mais c’est surtout du côté de l’événementiel qu’Omnivore s’est fait un nom avec son Omnivore Food Festival (OFF), dont 2012 était la septième édition, un festival itinérant qui désormais fait le tour des grandes villes qui comptent dans le monde de la gastronomie. En mars dernier, pendant trois jours, 12 000 visiteurs sont ainsi venus assister à la cinquantaine de démonstrations parisiennes “en live” de chefs comme Michel Troisgros, Anne-Sophie Pic et Sébastien Bras (fils de Michel). « Notre festival se veut d’abord un spectacle. Nous ne faisons pas de dégustation ou de cours de cuisine ici. À peu près 80 % des visiteurs sont des professionnels de la restauration. » La présence du OFF à Paris a permis à Omnivore de réaliser un chiffre d’affaires de 750 000 euros sur l’année (hors taxe).
Désormais, c’est donc sur l’international qu’Omnivore mise pour son développement avec la création en 2011 d’un World Tour que supervise Omar Abodib. Il y a peu, Omnivore se trouvait à Moscou, Shanghai, Montréal… Bientôt, la fine équipe tournera à San Francisco, Sidney et Istanbul… Pour cette nouvelle phase de développement, Omnivore a reçu le soutien financier de GL Events, leader européen d’organisation de salons, entré à son capital en octobre à hauteur de 50 % (le montant exact de l’apport n’a pas été communiqué).

Une histoire familiale

La petite quarantaine, Omar Abodib n’était pourtant pas parti pour se passionner pour la popote. « Je répétais à qui voulait bien l’entendre : je ne ferai pas le métier de mes parents. » Son père libanais de Zghorta et sa mère normande ont, en effet, passé leur vie entière derrière les fourneaux. « Ils se sont rencontrés en Australie où tous deux avaient émigré. Je suis d’ailleurs né à Sydney où mes parents ont monté le premier restaurant français. » À leur retour en France à la fin des années 1970, le couple achète un vieux manoir anglo-normand, situé sur les falaises d’Etretat, qu’ils transforment en hôtel-restaurant, le Donjon.
Omar Abodib reste longtemps fidèle à ses résolutions. Entre 1996 et 1999, il travaille à l’implantation de sociétés européennes sur les marchés d’exportation. Son “âme libanaise” lui fait cependant faire un premier accro en 1994  : il ouvre un restaurant libanais au Havre, “Le Zghartiote”, qu’il revendra par la suite. Le nom est imprononçable pour un gosier français, mais l’hommage à la gastronomie paternelle est ce qui importe le plus à ses yeux. « On dit qu’être de Zghorta, c’est une nationalité à part entière... En tous les cas, pour la cuisine, l’axiome est vrai. »
Ce n’est qu’au tournant des années 2000 qu’Omar Abodib se résout à rejoindre l’hôtel familial d’Etretat pour aider sa mère à en tenir la direction. Il ouvre également au Havre un lounge-bar, le WAP, dirigé par un autre de ces vikings libanais, Rabih Sayoun. Quelques années plus tard, il ajoute à son palmarès deux sociétés de conseil, l’une pour la gestion d’événementiel qui organise notamment tous les à-côtés de la Route du Rhum – la célèbre course de voiliers –, l’autre dédiée à l’organisation d’événements culinaires.
S’ennuierait-il un peu ? Quand il entend parler de ce festival de la jeune cuisine qu’Omnivore lance au Havre en 2006, Omar Abodib devient un véritable chiot fou. « Je voulais y participer, quitte à balayer derrière en cuisine. » À force d’entêtement, Omar Abodib convainc le fondateur d’Omnivore, Luc Dubanchet, de lui confier l’organisation de deux des principaux dîners de gala. Apparemment, il réussit, puisque le tandem Dubanchet-Abodib est aux manettes désormais d’Omnivore. « Aujourd’hui, nous sommes davantage que des partenaires, une famille. »