Un article du Dossier

Success stories libano-arméniennes

Les Nazarian figurent parmi les grands noms de la confection textile libanaise : Bycop fabrique du linge de maison pour d’autres marques et réalise un chiffre d’affaires de 15 millions de dollars en moyenne chaque année.

Lamia Maria Abillama

« Nous n’avons pas de marques propres, mais nous produisons des textiles sous franchise pour certaines marques de référence, comme Canon ou Charisma, avec lesquelles nous sommes sous contrat pour les 20 prochaines années, explique Arthur Nazarian, le président de Bycop. Nous produisons également pour des sociétés locales. » L’usine emploie 200 salariés permanents et quasi autant de sous-traitants, qui assurent les finitions. L’entreprise réalise un chiffre d’affaires moyen de 15 millions de dollars par an. « Nous sommes à la fois dans la commercialisation et la fabrication. Le groupe possède quatre bureaux commerciaux : au Liban, au Koweït, à Oman. Nous venons aussi de monter une structure à Erbil pour pénétrer le marché irakien », explique Arthur Nazarian, qui continue : « Outre Sin el-Fil, Bycop possède aussi deux autres centres de production : à Charjah aux Émirats arabes unis et à Riyad en Arabie saoudite. »
L’histoire Bycop est emblématique des transformations de l’industrie textile. Car si Bycop n’a été fondée qu’en 1978, par Garabed Nazarian, le père d’Arthur Nazarian, l’implication de cette famille dans le textile remonte à la fin du XIXe siècle. « Mon grand-père fabriquait des tissus lorsqu’il vivait encore en Turquie avant le génocide de 1915. Après sa fuite à Alep, il s’est associé à un autre Arménien pour importer des tissus en provenance de Manchester (Royaume-Uni) et les vendre. » Quand les Nazarian arrivent à Beyrouth dans les années 1940-1945, la famille choisit de commercialiser des équipements de fabrication, particulièrement de machines à coudre Singer. La famille Nazarian continue également de vendre des textiles. À la même époque, l’un de ses oncles, Nazar, choisit de partir s’installer aux États-Unis. Il se lance dans la fabrication de linge de maison.

Le frein de la guerre

Arthur est alors un jeune homme : il décide de partir se spécialiser à Philadelphie, dans l’une des écoles textiles de référence. « Quand je suis rentré à Beyrouth, j’avais des idées plein la tête… » Mais la guerre de 1975 commence aussitôt. Les locaux brûlent et les Nazarian se rapatrient dans leur immeuble de la rue Bliss, où ils recommencent à zéro. « Nous nous sommes appuyés sur le savoir-faire de mon oncle, installé aux États-Unis, dans la confection de linge de maison. » Arthur Nazarian l’admet : pendant la guerre, les volumes restent ridicules. Son frère et sa sœur quittent le Liban définitivement pour les États-Unis. Lui s’accroche, mais comprend qu’il faut s’émanciper de ce pays trop instable. Il choisit alors de redémarrer à Dubaï. « Nous passions notre temps entre Beyrouh, les autres capitales arabes et les États-Unis, selon les périodes de tensions, les guerres entre factions. Nous avions acheté le terrain de Sin el-Fil pour y installer notre usine au moment de l’élection du président Gemayel… Nous pensions alors que la guerre était terminée. Mais aussitôt, il était assassiné et le conflit redémarrait entre l’armée et Samir Geagea. La ligne de front passant sur les collines de Sin el-Fil… On a attendu longtemps avant d’installer l’usine… »
Le monde, lui, n’attend pas que le Liban se calme. Ailleurs, l’industrie du textile évolue. Quand la guerre du Liban se termine, les ateliers de confection de Beyrouth sont obsolètes et la concurrence asiatique peut déferler. « Le secteur a vécu des années noires. Et beaucoup ont coulé. Ce qui nous a sauvés, nous et quelques autres acteurs, c’est d’investir. Nous avons misé sur l’équipement et, aujourd’hui, nous sommes capables de réaliser à la demande de petites séries, à la fabrication difficile. Les Chinois, les Indiens en sont incapables : ils travaillent, eux, sur le marché de masse. » Déjà, son fils, Gary Nazarian, l’épaule et supervise l’installation de Bycop à Erbil (Irak). Ce qui permet à son père, Arthur, de s’initier à d’autres joies : après avoir été ministre de l’Environnement et du Tourisme entre 1998 et 2000, il a été élu député de Beyrouth. Mais l’expérience semble le laisser sans illusion. « Il y a toujours un chemin pour parvenir à ses fins comme chef d’entreprise… En politique, il semble que je n’ai pas trouvé les chemins de travers… »

Bycop en bref

1978 : fondation de l’entreprise.

1982 : installation à Sin el-Fil.

2012 : inauguration de la branche irakienne du groupe.

Bycop aujourd’hui

Chiffre d’affaires : 15 millions de dollars.

Nombre d’employés : 200.

Fondateur : Garabed Nazarian.

Président : Arthur Nazarian.

Nombre de pièces fabriquées/an : 1,5 million.


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