Sites web, applications mobiles et présence sur les réseaux sociaux : les radios libanaises ont engagé leur diversification sur Internet. Une offre digitale dont le principal enjeu est aujourd’hui la monétisation.
Menace ou opportunité, Internet oblige les médias traditionnels à repenser leur stratégie. Ressentant la nécessité d’une présence on-line, les radios libanaises ont sauté le pas dès la fin des années 1990. Souvent sans trop savoir quelle direction donner à cette diversification dont le modèle économique est très incertain. Radio One revendique la plus ancienne page web, créée dès 1997. À leurs débuts, les sites Internet des stations restaient basiques et essentiellement informatifs. « Notre premier site web est né il y a huit ans et il faut reconnaître qu’il était assez pauvre, raconte Karim Mansour, directeur de Light FM. On découvrait ce nouveau média. Il fallait suivre la tendance, même sans trop savoir où aller. »
Depuis, les contenus se sont enrichis. La plupart des sites offrent aujourd’hui une écoute en streaming, des podcasts des émissions diffusées sur les ondes et des web radios spécialisées dans un genre musical comme Nostalgie Chanson Française ou Radio One Slow. Le design des pages web est également en évolution perpétuelle afin de faciliter la navigation et de retenir l’internaute le plus longtemps possible. La présence sur Internet est surtout une question d’image. La radio d’information La Voix du Liban a lancé son nouveau site fin septembre, dont la première version datait de 2009. « Changer notre page web a été l’une de mes premières décisions quand je suis arrivé à La Voix du Liban il y a six mois, affirme Sam Menassa, directeur général de la station. Le site est la vitrine de la radio, notre crédibilité en dépend. » L’occasion également de se doter d’outils statistiques, à l’instar de Light FM et de Mix FM qui ont fait appel au fournisseur canadien Triton Digital (CBN, ESPN…) pour connaître précisément le nombre et la provenance de ses “internauditeurs”.
En termes d’investissement, la diversification digitale des radios représente un coût moindre au regard des dépenses liées aux moyens techniques de diffusion on-air. Les logiciels permettant d’émettre sur les ondes offrent souvent la possibilité de diffuser en ligne. Karim Mansour estime à 2 000 dollars par mois le coût de l’offre digitale de Light FM. Le plus souvent développée en interne, l’activité web des radios nécessite surtout des ressources humaines supplémentaires. Radio One s’est récemment dotée d’un département spécifique consacré aux médias visuels. Du côté de La Voix du Liban, trois journalistes se relaient pour animer les pages Facebook et Twitter. Un webmaster et un responsable des médias sociaux ont été recrutés chez NRJ. Tous comptent sur la nouvelle génération et sa connaissance du web 2.0.
Un marché en mutation
MP3, iPod et autres supports de la musique digitale ont bouleversé le marché de la radio. Les utilisateurs ont désormais la possibilité d’écouter leur propre sélection où qu’ils soient. Dans ce contexte, Internet offre aux radios la possibilité d’atteindre un auditoire mobile en quête de contenus personnalisables. « La radio étant le plus souvent écoutée en voiture, le mobile est une solution pour toucher les jeunes par exemple », explique Tarek Majdalani, responsable de la production et du marketing de NRJ et Nostalgie. Avec un taux de pénétration des smartphones estimé à 30-40 %, la plupart des stations ont développé ces dernières années des applications pour iPhone, Android et Blackberry. « La radio en tant qu’objet devient obsolète, tranche Sam Menassa. Aujourd’hui les télévisions, les téléphones, les ordinateurs deviennent des radios. Il faut être multimédia. » Téléchargeables gratuitement, les applications mobiles, qui permettent une écoute « partout et tout le temps », ont avant tout une fonction marketing. « On ne fait pas de bénéfices avec les applications. C’est surtout un moyen d’être plus proche de nos auditeurs », explique Tarek Majdalani.
Autre concurrence nouvelle pour les radios traditionnelles : celle des pure players, ces chaînes musicales uniquement disponibles en ligne. Mais face aux géants internationaux tels que GrooveShark et Spotify, les stations libanaises comptent sur leur notoriété nationale. « Nous avons une relation intime avec notre auditoire, affirme Rami Malla, coordinateur des médias sociaux de Mix FM. Sur Internet, un système d’abonnement payant ne serait pas efficace dans notre cas. Les gens qui viennent sur le site utilisent surtout l’écoute en streaming qui est gratuite. Nous ne souffrons pas de la concurrence des pure players. » Ces sites musicaux, à l’instar de Deezer, limitent en effet le temps d’écoute gratuit et proposent des abonnements payants pour un accès illimité.
Au Liban, Radio Beirut est la seule station à s’être lancée sur un modèle uniquement on-line. Depuis juillet 2012, la radio diffuse sur son site une sélection musicale en continu et retransmet en direct les concerts organisés dans le bar éponyme de Mar Mikhaël où ses studios sont basés. « Il s’agissait de créer une plate-forme culturelle, détaille Tarek Kandil, consultant en management pour Radio Beirut. Il y a d’autres façons de réaliser des bénéfices que de faire de la radio un support publicitaire de plus. » Ne diffusant aucune annonce commerciale, Radio Beirut entend ainsi conserver la maîtrise de son contenu en s’appuyant sur les revenus du bar, des concerts et des ateliers culturels qu’elle organise. « Nous sommes de toute façon sur un marché de niche », précise Tarek Kandil. Écoutée par 1 000 visiteurs uniques par jour en moyenne, Radio Beirut souhaite rester sur une échelle locale. Du côté des grandes radios FM, la question du modèle économique est plus délicate.
Le défi de la monétisation
Les radios totalisent 12 millions de dollars de recettes publicitaires en 2011, selon les estimations d’Ipsos et d’ArabAd, soit 7 % des dépenses totales en publicité. Selon Ipsos, de janvier à août 2012, Sawt el-Ghad enregistre la plus grosse part de revenus publicitaires (17 %), suivie de Mix FM (10 %), Jaras Scop et Radio Delta (9 %). La radio est le média qui pâtit le moins de la baisse des annonceurs cette année (-28 % à fin août), mais sur Internet la monétisation des services des radios reste un défi. Les performances moyennes du réseau Internet libanais et de la fragile 3G, lancée en novembre 2011, freinent l’expansion du marché numérique. La Voix du Liban compte sur son auditoire expatrié pour monétiser ses services à terme. « Nous recevons beaucoup de témoignages de Libanais aux États-Unis, au Canada ou en Australie, raconte Sam Menassa. Ils ne connaissent pas les problèmes de connexion que nous avons au Liban et, grâce à nos services mobiles, ils peuvent accéder à une information détaillée sur l’actualité de leur pays d’origine. »
La publicité en ligne présente l’avantage de pouvoir être ciblée grâce à la connaissance précise du profil des auditeurs (pays d’origine, contenu consulté, temps passé). Mais l’audience sur Internet reste bien inférieure à celle de la radio traditionnelle. Avec 30 000 visiteurs par mois actuellement, contre 200 000 auditeurs quotidiens sur les ondes, le site de Light FM devrait très prochainement proposer des espaces publicitaires. « Notre but est d’abord d’étendre notre présence, explique Karim Mansour. Lorsque nous aurons atteint une masse critique d’auditeurs, nous nous tournerons vers les annonceurs. » En plus des classiques bannières, le directeur de Light FM pense proposer des partenariats sous forme de concours et de jeux sur Facebook. « L’idée maîtresse est de donner de la visibilité aux marques et Internet permet des campagnes marketing très variées, qui sortent de l’ordinaire », explique-t-il.
Ouvert depuis le lancement de la station en 2006, le site de NRJ a attendu quatre ans avant d’atteindre un trafic de 2 000 visiteurs par jour et de s’ouvrir aux annonceurs, en priorité à ses clients existants auxquels la radio propose des packages on-air/on-line. « Les publicités à la radio et en ligne n’obéissent pas à la même logique, souligne Tarek Majdalani. Pour nous, une bannière sur Internet rapporte deux à trois fois moins qu’un spot à la radio. Mais le point positif est que nos clients sont de plus en plus désireux d’être présents en ligne. »
Du côté de Radio One et de Mix FM, l’année 2013 devrait voir les débuts des annonces sur leurs sites Internet. Le modèle économique des radios en ligne reste incertain, mais, lentement, les stations libanaises tissent leur toile.
Depuis, les contenus se sont enrichis. La plupart des sites offrent aujourd’hui une écoute en streaming, des podcasts des émissions diffusées sur les ondes et des web radios spécialisées dans un genre musical comme Nostalgie Chanson Française ou Radio One Slow. Le design des pages web est également en évolution perpétuelle afin de faciliter la navigation et de retenir l’internaute le plus longtemps possible. La présence sur Internet est surtout une question d’image. La radio d’information La Voix du Liban a lancé son nouveau site fin septembre, dont la première version datait de 2009. « Changer notre page web a été l’une de mes premières décisions quand je suis arrivé à La Voix du Liban il y a six mois, affirme Sam Menassa, directeur général de la station. Le site est la vitrine de la radio, notre crédibilité en dépend. » L’occasion également de se doter d’outils statistiques, à l’instar de Light FM et de Mix FM qui ont fait appel au fournisseur canadien Triton Digital (CBN, ESPN…) pour connaître précisément le nombre et la provenance de ses “internauditeurs”.
En termes d’investissement, la diversification digitale des radios représente un coût moindre au regard des dépenses liées aux moyens techniques de diffusion on-air. Les logiciels permettant d’émettre sur les ondes offrent souvent la possibilité de diffuser en ligne. Karim Mansour estime à 2 000 dollars par mois le coût de l’offre digitale de Light FM. Le plus souvent développée en interne, l’activité web des radios nécessite surtout des ressources humaines supplémentaires. Radio One s’est récemment dotée d’un département spécifique consacré aux médias visuels. Du côté de La Voix du Liban, trois journalistes se relaient pour animer les pages Facebook et Twitter. Un webmaster et un responsable des médias sociaux ont été recrutés chez NRJ. Tous comptent sur la nouvelle génération et sa connaissance du web 2.0.
Un marché en mutation
MP3, iPod et autres supports de la musique digitale ont bouleversé le marché de la radio. Les utilisateurs ont désormais la possibilité d’écouter leur propre sélection où qu’ils soient. Dans ce contexte, Internet offre aux radios la possibilité d’atteindre un auditoire mobile en quête de contenus personnalisables. « La radio étant le plus souvent écoutée en voiture, le mobile est une solution pour toucher les jeunes par exemple », explique Tarek Majdalani, responsable de la production et du marketing de NRJ et Nostalgie. Avec un taux de pénétration des smartphones estimé à 30-40 %, la plupart des stations ont développé ces dernières années des applications pour iPhone, Android et Blackberry. « La radio en tant qu’objet devient obsolète, tranche Sam Menassa. Aujourd’hui les télévisions, les téléphones, les ordinateurs deviennent des radios. Il faut être multimédia. » Téléchargeables gratuitement, les applications mobiles, qui permettent une écoute « partout et tout le temps », ont avant tout une fonction marketing. « On ne fait pas de bénéfices avec les applications. C’est surtout un moyen d’être plus proche de nos auditeurs », explique Tarek Majdalani.
Autre concurrence nouvelle pour les radios traditionnelles : celle des pure players, ces chaînes musicales uniquement disponibles en ligne. Mais face aux géants internationaux tels que GrooveShark et Spotify, les stations libanaises comptent sur leur notoriété nationale. « Nous avons une relation intime avec notre auditoire, affirme Rami Malla, coordinateur des médias sociaux de Mix FM. Sur Internet, un système d’abonnement payant ne serait pas efficace dans notre cas. Les gens qui viennent sur le site utilisent surtout l’écoute en streaming qui est gratuite. Nous ne souffrons pas de la concurrence des pure players. » Ces sites musicaux, à l’instar de Deezer, limitent en effet le temps d’écoute gratuit et proposent des abonnements payants pour un accès illimité.
Au Liban, Radio Beirut est la seule station à s’être lancée sur un modèle uniquement on-line. Depuis juillet 2012, la radio diffuse sur son site une sélection musicale en continu et retransmet en direct les concerts organisés dans le bar éponyme de Mar Mikhaël où ses studios sont basés. « Il s’agissait de créer une plate-forme culturelle, détaille Tarek Kandil, consultant en management pour Radio Beirut. Il y a d’autres façons de réaliser des bénéfices que de faire de la radio un support publicitaire de plus. » Ne diffusant aucune annonce commerciale, Radio Beirut entend ainsi conserver la maîtrise de son contenu en s’appuyant sur les revenus du bar, des concerts et des ateliers culturels qu’elle organise. « Nous sommes de toute façon sur un marché de niche », précise Tarek Kandil. Écoutée par 1 000 visiteurs uniques par jour en moyenne, Radio Beirut souhaite rester sur une échelle locale. Du côté des grandes radios FM, la question du modèle économique est plus délicate.
Le défi de la monétisation
Les radios totalisent 12 millions de dollars de recettes publicitaires en 2011, selon les estimations d’Ipsos et d’ArabAd, soit 7 % des dépenses totales en publicité. Selon Ipsos, de janvier à août 2012, Sawt el-Ghad enregistre la plus grosse part de revenus publicitaires (17 %), suivie de Mix FM (10 %), Jaras Scop et Radio Delta (9 %). La radio est le média qui pâtit le moins de la baisse des annonceurs cette année (-28 % à fin août), mais sur Internet la monétisation des services des radios reste un défi. Les performances moyennes du réseau Internet libanais et de la fragile 3G, lancée en novembre 2011, freinent l’expansion du marché numérique. La Voix du Liban compte sur son auditoire expatrié pour monétiser ses services à terme. « Nous recevons beaucoup de témoignages de Libanais aux États-Unis, au Canada ou en Australie, raconte Sam Menassa. Ils ne connaissent pas les problèmes de connexion que nous avons au Liban et, grâce à nos services mobiles, ils peuvent accéder à une information détaillée sur l’actualité de leur pays d’origine. »
La publicité en ligne présente l’avantage de pouvoir être ciblée grâce à la connaissance précise du profil des auditeurs (pays d’origine, contenu consulté, temps passé). Mais l’audience sur Internet reste bien inférieure à celle de la radio traditionnelle. Avec 30 000 visiteurs par mois actuellement, contre 200 000 auditeurs quotidiens sur les ondes, le site de Light FM devrait très prochainement proposer des espaces publicitaires. « Notre but est d’abord d’étendre notre présence, explique Karim Mansour. Lorsque nous aurons atteint une masse critique d’auditeurs, nous nous tournerons vers les annonceurs. » En plus des classiques bannières, le directeur de Light FM pense proposer des partenariats sous forme de concours et de jeux sur Facebook. « L’idée maîtresse est de donner de la visibilité aux marques et Internet permet des campagnes marketing très variées, qui sortent de l’ordinaire », explique-t-il.
Ouvert depuis le lancement de la station en 2006, le site de NRJ a attendu quatre ans avant d’atteindre un trafic de 2 000 visiteurs par jour et de s’ouvrir aux annonceurs, en priorité à ses clients existants auxquels la radio propose des packages on-air/on-line. « Les publicités à la radio et en ligne n’obéissent pas à la même logique, souligne Tarek Majdalani. Pour nous, une bannière sur Internet rapporte deux à trois fois moins qu’un spot à la radio. Mais le point positif est que nos clients sont de plus en plus désireux d’être présents en ligne. »
Du côté de Radio One et de Mix FM, l’année 2013 devrait voir les débuts des annonces sur leurs sites Internet. Le modèle économique des radios en ligne reste incertain, mais, lentement, les stations libanaises tissent leur toile.
Définitions Streaming : de l’anglais “stream” (courant, flux), le streaming désigne la diffusion de son ou de vidéo en continu sur Internet, à l’inverse du téléchargement qui nécessite de récupérer les données avant de pouvoir les écouter ou les voir. Pure player : signifiant littéralement “acteur pur”, l’expression pure player désigne une entreprise œuvrant uniquement sur Internet. Cela s’applique aux boutiques virtuelles telles que Amazon ou aux sites d’information ne possédant pas d’édition papier. Podcast : fichiers correspondant à des émissions audio ou vidéo que l’utilisateur peut télécharger sur son ordinateur ou son MP3 afin de les réécouter ou de les revoir. |