Un article du Dossier

Private Equity : un marché encore immature

Nicolas Photiades est l’ex-Chief Investment Officer du Blom GEM Opportunities Fund, une joint-venture entre un fonds de Private Equity américain, GEM (Global Emerging Markets) et la BlomInvest. Il explique pourquoi le projet n’a pas réussi.

En quoi consistait le Blom GEM Opportunities Fund ?
Il était le fruit d’une joint-venture entre GEM (Global Emerging Markets), un fonds américain de Private Equity, et la BlomInvest. GEM avait levé 250 millions de dollars auprès d’institutionnels américains et européens, qu’il voulait investir au Levant. Il était à la recherche d’un partenaire local bénéficiant d’un fort réseau dans la région, ainsi que d’un important portefeuille de prêts aux entreprises. Les gérants ont approché à l’hiver 2010 diverses banques libanaises. L’accord a été conclu avec la BlomInvest, branche banque d’affaires de la Blom Bank, en septembre 2010. La durée du fonds était de cinq à sept ans, et les investissements prévus entre 3 et 30 millions de dollars, dans des entreprises d’agroalimentaire, d’industrie légère, de tourisme, de restauration... Le mandat du fonds ne nous autorisait pas à investir dans l’immobilier ou dans le secteur financier. Le fonds a été enregistré au Luxembourg, la holding étant basée aux îles Caïmans.

Pourquoi a-t-il été fermé ?
La chute du gouvernent Hariri ainsi que l’aggravation des hostilités en Syrie et les perturbations politiques dans les pays arabes faisaient craindre à la Blom des risques de réputation. Pourtant cinq transactions étaient prêtes pour l’été 2011 au Liban, en Syrie, et en Arabie Saoudite, et beaucoup de travail en amont avait déjà été effectué. Le retrait de la Blom a créé un précédent sur le marché, les autres banques n’ont pas voulu reprendre l’activité. GEM a tenté de trouver d’autres partenaires dans la région, mais ça ne s’est pas fait.

Est-ce la première fois qu’un fonds géré par une banque ne fonctionne pas ?
La banque Byblos avait déjà tenté de monter un fonds, le Byblos Venture, en 2007, qui n’avait pas marché. La mentalité des banques libanaises est différente de celle des fonds d’investissement. Certaines banques craignent aussi la concurrence du Private Equity. Lorsque j’ai approché les agences pour avoir accès à leur portefeuille de prêts, elles n’ont pas vu la complémentarité de nos deux approches. Pourtant, si j’injecte du capital dans une entreprise, je l’assainis et j’augmente sa capacité d’endettement. Or, les entreprises libanaises sont saturées de dettes, leur cash-flow sert à rembourser leurs intérêts au lieu d’être injecté dans des investissements. Les banques ne peuvent pas continuer à prêter à des entreprises fragilisées, c’est plus risqué, cela leur coûte cher en capital. Dommage que ce projet ait avorté. Le GEM Blom Fund aurait permis de diversifier le secteur bancaire libanais, majoritairement axé sur la banque commerciale.
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