La loi antitabac vient de souffler ses premières bougies, célébrant un an d’air sans nicotine dans les espaces publics libanais. Connue des juristes sous le matricule 174, elle a été votée par le Parlement le 17 août 2011, mais n’est entrée en vigueur qu’un an plus tard. Malgré ce délai, les professionnels ont protesté contre son application immédiate sans phase de transition, contrairement à ce qui s’est fait dans d’autres pays de la région. Les réactions ont été immédiates et véhémentes : manifestations, lettres de protestations, lobbying organisés notamment par le syndicat des restaurateurs ont rendu cette première année d’existence plutôt mouvementée. Le bilan reste difficile à établir, d’autant que l’application de la loi coïncide avec un retournement négatif de conjoncture, mais selon une étude effectuée par la société de conseil en hôtellerie Hodema, les plus touchés sont les cafés situés dans les centres commerciaux.
Un an après la mise en place de la loi antitabac, il est désormais possible d’identifier une première victime : les enseignes n’ayant pas pignon sur rue.
Avec 38 % de fumeurs réguliers au Liban, ce qui représente une consommation de cigarettes près de trois fois supérieure à la moyenne mondiale, cette loi antitabac était appréhendée par l’ensemble des professionnels. Dès sa mise en application, tous les sons de cloches ont été entendus : le syndicat des restaurateurs annonçait en novembre 2012 une chute de 60 % du chiffre d’affaires des cafés, pubs et établissements de nuit. Une dégringolade démentie en mars 2013 par une étude de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), qui affichait une hausse de 3 % des revenus du secteur sur les quatre premiers mois d’application de la législation. Alors qui croire ? Une chose est sûre, tous les acteurs ne sont pas logés à la même enseigne et les cafés installés dans les centres commerciaux sont ceux qui ont le plus “trinqué”. La mode du “mall” à l’américaine, où les clients déambulent de boutiques en cafés et de salles de jeux en cinémas, avait favorisé le boom de ces cafés dans les structures commerciales telles que l’ABC à Achrafié et Dbayé, le CityMall, le Beirut City Centre, Le Mall de Dbayé ou encore les nouveaux complexes de Saïda.
Ce sont des lieux publics au sein d’un autre lieu public, ce qui ne laisse même pas la possibilité aux clients de sortir fumer en plein air sans reprendre leur voiture. Certains comme les Souks de Beyrouth, l’ABC d’Achrafié et de Dbayé, le CityMall et Le Mall de Dbayé ont des structures ouvertes permettant aux cafés d’installer des terrasses. Cette contrainte est renforcée par la pression de l’administration des centres commerciaux qui, contrairement à certains établissements prêts à enfreindre la loi, ne tolèrent aucun écart, en raison des pénalités encourues.
La chute des revenus est le premier signe de cet impact négatif. Pour beaucoup de fumeurs, boire un café est associé à la cigarette. Cette dernière étant désormais interdite, ils sont nombreux à délaisser le café dans les structures fermées. La baisse des ventes de café a atteint 51 % dans certains établissements. Un manque à gagner difficile à compenser : certains n’ont pas un menu de déjeuner suffisamment étoffé tandis que d’autres subissent les horaires de fermeture des centres commerciaux, qui ne permettent pas un service du soir. Les ventes des produits liées au café, telles que les sandwichs ou desserts, ont également chuté.
« La chute des ventes totales a été ressentie du jour au lendemain, avec une baisse de 30 % entre la veille et le jour de l’entrée en vigueur de l’interdiction », note Christine Sfeir, propriétaire de la franchise Dunkin’ Donuts au Liban. Un constat confirmé par les chiffres communiqués par un panel de six enseignes de cafés, locales et internationales : les revenus moyens par place assise ont baissé de moitié, passant de 37 500 à 18 000 livres. Comparativement, les mêmes enseignes situées sur la rue ou possédant une terrasse n’ont marqué un déclin que de 29 000 à 24 000 livres. À noter que les cafés dans les centres commerciaux affichaient une plus forte progression avant le passage de la législation antitabac que leurs confrères sur rue. La chute n’en est donc que plus rude. Cet impact direct de la loi sur les résultats financiers est confirmé par les ventes des cafés situés dans les centres commerciaux bénéficiant de terrasses : à l’inverse ces derniers ont affiché des bénéfices confortables au cours de l’année écoulée.
La baisse des ventes se traduit par une hausse relative des coûts fixes, tels que le loyer, par rapport au chiffre d’affaires, ce qui met en péril la rentabilité de l’établissement. Alors que le loyer devrait représenter au maximum 20 % des ventes, « dans certains établissements situés dans les centres commerciaux il atteint les 55 %, ce qui transforme une activité lucrative en une activité déficitaire », remarque Sami Hochar, propriétaire de Lina’s.
L’impact de la loi se fait aussi sentir sur le coût du café lui-même. Les établissements l’achètent désormais en plus petite quantité, ce qui leur fait perdre le bénéfice des tarifs d’achat en gros. Autre impact : les cafetiers font traditionnellement leur meilleure marge avec la tasse d’arabica. Avec le ralentissement des ventes, ils doivent se rabattre sur la nourriture, plus chère et qui dégage une marge moins importante. Ils sont toutefois nombreux, comme La Brioche Dorée, à choisir cette option en allongeant la liste de leurs menus de snacks et déjeuners pour tenter d’enrayer le déclin. Certains établissements vont même jusqu’à changer leur concept pour attirer la clientèle. Une autre stratégie, adoptée notamment par Paul, est de miser sur la vente à emporter, qui résiste au déclin de la consommation sur place.
L’ensemble des enseignes de cafés se pose en tout cas la même question : faut-il continuer à s’implanter dans les centres commerciaux ? « Nous pourrions envisager de louer de plus petites surfaces consacrées à la vente à emporter », confie Massaad Farès, à la tête de La Maison du Café. Sami Hochar a tranché, il ne regarde plus que les centres commerciaux disposant d’un espace extérieur. Dans les complexes fermés, il se contentera de petits kiosques sans zone assise. Dans le cas des enseignes internationales franchisées, ces nouvelles contraintes imposées par la loi antitabac provoquent parfois des tensions entre maison mère et franchisé local, qui ont chacun des impératifs et des stratégies différents.
L’ensemble de ces difficultés pousse les professionnels à remettre en question la viabilité du modèle des cafés dans les centres commerciaux libanais. À plus ou moins court terme, un certain nombre de ces établissements devrait fermer, ce qui, par effet domino, pourrait affecter l’activité générale des centres commerciaux eux-mêmes.
Avec 38 % de fumeurs réguliers au Liban, ce qui représente une consommation de cigarettes près de trois fois supérieure à la moyenne mondiale, cette loi antitabac était appréhendée par l’ensemble des professionnels. Dès sa mise en application, tous les sons de cloches ont été entendus : le syndicat des restaurateurs annonçait en novembre 2012 une chute de 60 % du chiffre d’affaires des cafés, pubs et établissements de nuit. Une dégringolade démentie en mars 2013 par une étude de l’Université américaine de Beyrouth (AUB), qui affichait une hausse de 3 % des revenus du secteur sur les quatre premiers mois d’application de la législation. Alors qui croire ? Une chose est sûre, tous les acteurs ne sont pas logés à la même enseigne et les cafés installés dans les centres commerciaux sont ceux qui ont le plus “trinqué”. La mode du “mall” à l’américaine, où les clients déambulent de boutiques en cafés et de salles de jeux en cinémas, avait favorisé le boom de ces cafés dans les structures commerciales telles que l’ABC à Achrafié et Dbayé, le CityMall, le Beirut City Centre, Le Mall de Dbayé ou encore les nouveaux complexes de Saïda.
Ce sont des lieux publics au sein d’un autre lieu public, ce qui ne laisse même pas la possibilité aux clients de sortir fumer en plein air sans reprendre leur voiture. Certains comme les Souks de Beyrouth, l’ABC d’Achrafié et de Dbayé, le CityMall et Le Mall de Dbayé ont des structures ouvertes permettant aux cafés d’installer des terrasses. Cette contrainte est renforcée par la pression de l’administration des centres commerciaux qui, contrairement à certains établissements prêts à enfreindre la loi, ne tolèrent aucun écart, en raison des pénalités encourues.
La chute des revenus est le premier signe de cet impact négatif. Pour beaucoup de fumeurs, boire un café est associé à la cigarette. Cette dernière étant désormais interdite, ils sont nombreux à délaisser le café dans les structures fermées. La baisse des ventes de café a atteint 51 % dans certains établissements. Un manque à gagner difficile à compenser : certains n’ont pas un menu de déjeuner suffisamment étoffé tandis que d’autres subissent les horaires de fermeture des centres commerciaux, qui ne permettent pas un service du soir. Les ventes des produits liées au café, telles que les sandwichs ou desserts, ont également chuté.
« La chute des ventes totales a été ressentie du jour au lendemain, avec une baisse de 30 % entre la veille et le jour de l’entrée en vigueur de l’interdiction », note Christine Sfeir, propriétaire de la franchise Dunkin’ Donuts au Liban. Un constat confirmé par les chiffres communiqués par un panel de six enseignes de cafés, locales et internationales : les revenus moyens par place assise ont baissé de moitié, passant de 37 500 à 18 000 livres. Comparativement, les mêmes enseignes situées sur la rue ou possédant une terrasse n’ont marqué un déclin que de 29 000 à 24 000 livres. À noter que les cafés dans les centres commerciaux affichaient une plus forte progression avant le passage de la législation antitabac que leurs confrères sur rue. La chute n’en est donc que plus rude. Cet impact direct de la loi sur les résultats financiers est confirmé par les ventes des cafés situés dans les centres commerciaux bénéficiant de terrasses : à l’inverse ces derniers ont affiché des bénéfices confortables au cours de l’année écoulée.
La baisse des ventes se traduit par une hausse relative des coûts fixes, tels que le loyer, par rapport au chiffre d’affaires, ce qui met en péril la rentabilité de l’établissement. Alors que le loyer devrait représenter au maximum 20 % des ventes, « dans certains établissements situés dans les centres commerciaux il atteint les 55 %, ce qui transforme une activité lucrative en une activité déficitaire », remarque Sami Hochar, propriétaire de Lina’s.
L’impact de la loi se fait aussi sentir sur le coût du café lui-même. Les établissements l’achètent désormais en plus petite quantité, ce qui leur fait perdre le bénéfice des tarifs d’achat en gros. Autre impact : les cafetiers font traditionnellement leur meilleure marge avec la tasse d’arabica. Avec le ralentissement des ventes, ils doivent se rabattre sur la nourriture, plus chère et qui dégage une marge moins importante. Ils sont toutefois nombreux, comme La Brioche Dorée, à choisir cette option en allongeant la liste de leurs menus de snacks et déjeuners pour tenter d’enrayer le déclin. Certains établissements vont même jusqu’à changer leur concept pour attirer la clientèle. Une autre stratégie, adoptée notamment par Paul, est de miser sur la vente à emporter, qui résiste au déclin de la consommation sur place.
L’ensemble des enseignes de cafés se pose en tout cas la même question : faut-il continuer à s’implanter dans les centres commerciaux ? « Nous pourrions envisager de louer de plus petites surfaces consacrées à la vente à emporter », confie Massaad Farès, à la tête de La Maison du Café. Sami Hochar a tranché, il ne regarde plus que les centres commerciaux disposant d’un espace extérieur. Dans les complexes fermés, il se contentera de petits kiosques sans zone assise. Dans le cas des enseignes internationales franchisées, ces nouvelles contraintes imposées par la loi antitabac provoquent parfois des tensions entre maison mère et franchisé local, qui ont chacun des impératifs et des stratégies différents.
L’ensemble de ces difficultés pousse les professionnels à remettre en question la viabilité du modèle des cafés dans les centres commerciaux libanais. À plus ou moins court terme, un certain nombre de ces établissements devrait fermer, ce qui, par effet domino, pourrait affecter l’activité générale des centres commerciaux eux-mêmes.
Les grandes lignes de la loi 174 Pour les enseignes de restauration, la directive est claire : elles peuvent disposer d’une zone pour fumeurs à l’extérieur, à au moins cinq mètres de l’entrée. Deux des façades de cette zone doivent être ouvertes. En cas de non-respect de ces critères, le gérant et le propriétaire peuvent écoper de lourdes amendes allant de 1 350 000 LL à 4 050 000 LL (soit de 900 à 2 700 dollars). Les clients pris la main sur le briquet hors de la zone fumeuse sont également pénalisés à hauteur de 135 000 LL (90 dollars). Si la plupart des restaurateurs ont modifié leurs locaux, notamment les chaînes présentes dans tout le pays, l’application de ces nouvelles mesures est parfois partielle chez les indépendants ou tout simplement techniquement impossible. Certains établissements se contentent d’une porte ou d’une façade ouverte lorsqu’ils ne disposent pas de terrasse. D’autres délimitent une zone fumeur au sein de leur salle, et enfin certains permettent carrément à leurs clients d’ignorer l’interdiction. Le grand nombre d’établissements à travers le pays et le faible effectif des autorités habilitées à verbaliser pérennisent cette situation bancale. |