En publiant pour la première fois les comptes nationaux du Liban, l’Administration centrale de la statistique (ACS) ne s’est pas contentée de livrer la première estimation officielle du PIB de l’année 2011, mais elle a aussi révisé le PIB des années 2004-2010 à partir de la nouvelle méthodologie employée. Elle fournit aussi une première estimation préliminaire du PIB pour l’année 2012 à partir des méthodes d’extrapolation adoptées pour les années précédentes.
Le PIB nominal de l’année 2011 est estimé à environ 40,1 milliards de dollars, soit une croissance réelle de 2 % par rapport à 2010. Ce taux de croissance équivaut à celui estimé en son temps par le Fonds monétaire international et contraste avec les taux exceptionnels connus pendant les quatre années précédentes, au cours desquelles ils oscillaient entre 8 % (2010) et 10,3 % (2009). Au-delà de l’effet cyclique, cette décélération importante est due, selon les auteurs, principalement aux retombées du ralentissement de l’économie mondiale et surtout des premiers effets de la crise régionale sur l’économie libanaise.
Cette faible croissance se serait poursuivie en 2012 : en attendant de disposer de l’ensemble des données relatives à cette année-là, les statisticiens de l’ACS estiment la croissance réelle à 2,5 % pour un PIB nominal de 42,9 milliards de dollars. Sur l’ensemble des huit années étudiées – hors 2012 –, le PIB du Liban aura ainsi augmenté de 91 % en termes nominaux, mais seulement de 51 % en termes constants (sur la base des prix de l’année 2010).
Cet écart est dû à l’importance de l’inflation. Pour l’année 2011, elle est à 3,4 % telle qu’établie par le déflateur du PIB qui mesure le rapport du PIB nominal au PIB réel. Cette mesure diffère des relevés directs établis pour l’indice des prix à la consommation (3,1 % en 2011) en ce qu’elle tient exclusivement compte du prix des biens et services produits sur le territoire national et utilise des pondérations évolutives.
Une analyse des comptes nationaux du point de vue de la demande confirme la très forte dépendance de l’activité libanaise envers la consommation des ménages : celle-ci grimpe à 89 % du PIB en 2011, un pic sur les six années étudiées (son niveau minimal étant de 83 % en 2005). Si l’on ajoute les dépenses de consommation finale de l’administration – 13 % en 2011 pour une fourchette se situant entre 12 et 15 % entre 2004 et 2010 –, la part totale de la consommation finale des agents économiques s’élève à 101 % du PIB pour l’année 2011. Comme pour la plupart des autres années étudiées – à l’exception des années 2004, 2005 et 2009 où cette consommation finale se situe à 98-99 % du PIB –, l’économie libanaise continue donc de consommer plus qu’elle ne produit. De fait, le déficit de la balance commerciale s’est creusé, sur l’ensemble de la période comme en 2011. Les importations pèsent ainsi 64 % du PIB en 2011 (contre 62 % en 2010) et dépassent largement les exportations qui représentent 36 % du PIB, la même part que l’année précédente. Dernière composante de la demande, l’investissement : sa part dans le PIB a crû légèrement, de 25 % à 27 % du PIB, entre 2010 et 2011.
Du côté de l’offre, les performances en berne des différents secteurs productifs semblent confirmer le caractère transitoire de l’année 2011, avant que les retombées de la crise syrienne n’impactent beaucoup plus fortement l’activité. Sur le plan conjoncturel, aucun des secteurs d’activité n’a connu une augmentation de sa valeur ajoutée à des rythmes similaires à ceux de l’année précédente. Plusieurs industries ont ainsi dégagé une valeur ajoutée inférieure à la précédente. Pour la plupart, telles que les industries du bois et de l’imprimerie (-7 %), l’hôtellerie-restauration (-4 %) et les transports (-1 %), ce recul doit néanmoins être appréhendé à l’aune de leurs importants taux de croissance précédents : ils s’élevaient respectivement à : +11 %, +8 % et +6 % en 2010. De fait, seule l’industrie textile et de maroquinerie enchaîne deux années consécutives de déclin (-4 % en 2011, -5 % en 2010). Quant aux secteurs qui continuent de créer davantage de richesse, ils le font à un rythme nettement moins élevé en 2011. C’est le cas de l’industrie agroalimentaire (6 % contre 11 % en 2010), de l’industrie pétrochimique (de 9 % en 2010 à 3 % en 2011), des commerces de gros et de détail (1 % contre 13 % en 2010) et finalement de la promotion immobilière qui voit son taux de croissance passer de 10 % à 6 % en 2011. Seule exception notable, le secteur agricole garde, lui, son rythme de croissance antérieur à 10 %.
Pour autant, sur un plan structurel, l’évolution de ces secteurs sur les huit années étudiées, ne laisse pas apparaître de mutations radicales du point de vue de leur hiérarchie. Sur les dix secteurs économiques répertoriés par la comptabilité nationale, huit connaissent une variation de un à deux points de pourcentage de leur contribution à la richesse nationale et un, toujours l’agriculture, reste remarquablement stable à 4 % du PIB, ce qui en fait le secteur le moins important avec la construction. Seule exception à ce constat d’ensemble, la progression de cinq points de pourcentage, à 16 % du PIB en 2011, du poids relatif du secteur “commerce et réparation de véhicules motorisés” permet ainsi à ce secteur de détrôner l’immobilier (15 %, soit un point de plus qu’en 2010) comme principal créateur de richesse nationale. Les services financiers gagnent quant à eux un point de pourcentage sur la période, à 7 % du PIB.
Si le poids relatif de la plupart des secteurs a peu varié, il n’en va pas de même pour leur poids global qui a augmenté dans les mêmes proportions que le secteur commercial. Cela se traduit de facto par un déclin de 5 points de pourcentage, à 8 % en 2011, de l’autre composante du PIB que sont les taxes – c’est-à-dire de l’ensemble des prélèvements directs opérés sur la vente de produits auxquels ont été ajoutés les revenus des Télécoms et dont ont été retranchées les subventions accordées pour couvrir les pertes d’EDL.