Au Liban, une bouteille de vin peut se vendre jusqu’à 10 fois son prix de vente chez le producteur. Bien sûr, les taxes douanières ou le transport sont responsables de cette extraordinaire culbute. Mais pas seulement. Comme pour les vins locaux, distributeurs et restaurateurs se sucrent largement au passage. Au point que ces marges deviennent un frein à la consommation.
Au secours, ils sont devenus fous ! « Si vous connaissez un tant soit peu les prix, vous ne consommez plus de vins dans les restaurants », s’emporte un amateur. Le rosé de Massaya, vendu à 7 dollars au supermarché, se retrouve à près de 40 dollars sur la carte du restaurant d’un grand hôtel beyrouthin, soit six fois son prix initial ! Le même principe s’applique aux vins importés : un banal Château Tour de Pez (Bordeaux), acheté en primeur à 11 euros sur la place de Bordeaux, se retrouve à 200 000 livres libanaises (134 dollars) dans un restaurant couru de Beyrouth. Soit près de dix fois le prix payé au producteur et… six fois le prix de vente d’un caviste au Liban. Le vin se vend au Liban à prix d’or. Une bouteille de vin libanais se monnaie au restaurant entre trois à sept fois le tarif d’un caviste ou du supermarché. Dans les plages privées, les tarifs grimpent jusqu’à dix fois de prix départ de la cave. Quant aux vins de table français, c’est un autre jackpot : un vin négocié à 2 dollars à la propriété peut s’afficher entre 80 et 120 dollars dans un restaurant beyrouthin ! « Il n’y a pas de secret : trop d’intermédiaires prennent leurs commissions au passage », assure Grégory Sola, ancien responsable de la cave du Burgundy (Saïfi). Certes, dans le cas des vins étrangers, il faut leur annexer les frais de transport – 10 % environ du prix de vente – et, surtout, les taxes douanières, soit 35 % pour les vins de table et 56 % pour les vins AOC européens. Mais ces taxes n’expliquent pas tout. « Au restaurant, le vin paraît hors de prix », estime Grégory Sola, qui poursuit : « Il est normal pour un restaurateur de prendre sa marge sur le vin, mais six à sept fois le prix du supermarché ou du caviste c’est excessif. L’usage voudrait qu’il applique un coefficient de 3 maximum pour des entrées de gamme et de 2 – voire moins – pour les vins les plus chers, de façon à maintenir les prix dans une fourchette acceptable. » Au Burgundy d’ailleurs, le différentiel entre le prix payé au restaurant et le prix d’achat caviste est étudié à la loupe. « Nous faisons très attention. C’est parfois un différentiel de 20 à 30 dollars seulement, notamment sur les bouteilles premium. »
Des tarifs structurellement élevés
Côté restaurateurs, on se défend de taper trop fort sur les marges. « On applique des coefficients bien plus élevés sur d’autres produits : pour le café, le narguilé, cela peut aller jusqu’à 100 ou 300 fois le coût initial de revient… », explique Nagi Morkos, du cabinet de conseil Hodema, spécialiste du secteur Horeca. Pour Olivier Goujon, propriétaire et chef de la Villa Clara (Mar Mikhaël), c’est tout l’édifice des prix des restaurants qui est plus élevé au Liban pour des raisons structurelles. « Le marché libanais est très saisonnier : les périodes de bonne rentabilité sont courtes, les marges élevées permettent de compenser des volumes plus faibles le reste de l’année. » Autre différence par rapport au marché français par exemple : « Au Liban, un restaurateur rentabilise son investissement uniquement à travers les opérations, il ne peut pas espérer de plus-value avec la revente du fonds de commerce », explique-t-il. Dans le droit libanais en effet, la notion de “pas-de-porte”, qui permet dans d’autres pays de valoriser son commerce en s’appuyant sur le chiffre d’affaires réalisé ou la clientèle fidélisée au moment de la revente, n’existe pas pour les baux signés après 1992.
Mais les prix du vin sont aussi fixés selon des critères bien plus subjectifs, que ce soit à Beyrouth ou ailleurs. « Sur une carte des vins, le “premier prix” détermine le standing du lieu », explique un restaurateur libanais établi en France. « Le vin doit donc rester accessible, pour que le client se sente dans sa zone de confort, sans paraître non plus trop abordable : autrement, le prix lui laisserait penser que la qualité du vin n’est pas satisfaisante. » En clair, plus le restaurant est “étoilé”, plus la marge augmente. Ce qui est normal, compte tenu de la qualité du service, du cadre, de la cuisine ou des stocks. Le problème, c’est quand un établissement modeste ou “à la mode” pratique le même niveau de marges sans autre raison que le profit.
Le vin toujours vecteur de marge
Le Liban n’est pas le seul à pratiquer des marges élevées sur le vin. En France, il n’est pas rare que les coefficients soient de 8 à 10, voire davantage. On ne compte plus les articles qui dénoncent les marges des restaurateurs français. Ailleurs, en Europe, les prix sont plus cléments : la revue Challenge assure qu’en Angleterre le coefficient pratiqué sur les vins est plutôt de 2 à 2,5. L’article cite même Olivier Poels, rédacteur en chef adjoint de La Revue des vins de France : « Allez en Espagne, les prix vous paraîtront hallucinants. Même dans un restaurant étoilé comme le Can Roca, à Gérone, les coefficients se situent entre 2 et 3. Et en Italie, c’est la même chose : dans le Piémont, vous paierez votre bouteille de Barolo trois ou quatre fois moins cher qu’à Paris. Alors qu’en Bourgogne, à de rares exceptions près, vous vous ferez massacrer. »
En France, les restaurateurs se justifient en invoquant des taxes élevées qui les contraignent à “marger” plus sur des produits “annexes” comme le vin, le café ou le fromage… Sans compter les coûts de stockage, de personnel… Le problème, c’est qu’au Liban, pareille défense ne tient pas longtemps. Le stock ? Beaucoup de restaurateurs imposent aux propriétés (ou aux distributeurs) le système du dépôt-vente : ils ne paient qu’à la vente et achètent au jour le jour, en minimisant leur stock au maximum au point parfois de ne pas avoir trois bouteilles du même vin à proposer. La conservation ? Que celui qui n’a pas vu les bouteilles de vin “cuire” à petit feu dans la vitrine d’un bistrot tendance lève la main. Le personnel ? Peu disposent d’un sommelier ou d’un garçon de salle suffisamment intéressé à la culture du vin, à même de conseiller sa clientèle. « Les restaurateurs au Liban sont comparables à des restos parisiens ultrabranchés : ils ont conscience que leurs clients sont en capacité de dépenser juste pour “l’affiche”, sans réelle connaissance. Ils auraient tort de ne pas en profiter ! » assure ce même restaurateur franco-libanais.
Frein à la consommation
Mais ces grosses marges ont une conséquence : on hésite désormais à consommer du vin au restaurant. « Le prix est un frein évident », affirme Sélim Heleiwa, propriétaire du Hangout, dont la carte est spécialisée dans les vins locaux. « Au Hangout, on marge entre 2,5 et 3,5, ce qui me semble honnête. Tous nos vins sont consommables au verre et chaque mois un vin est mis en avant, avec une ristourne incitative. Ce qui, à chaque fois, fait monter les volumes. » Résultat, le vin représente 30 % de son chiffre d’affaires. « C’est beaucoup par rapport aux normes habituelles qui sont autour de 15 % du chiffre d’affaires d’un restaurant européen. » Une stratégie d’autant plus judicieuse que la “crise” est passée par là. « Entre un mauvais vin, accessible à la carte d’un resto, et un moyen de gamme alléchant, qui va toutefois faire exploser ma note… je préfère souvent faire l’impasse et prendre une eau pétillante. Quitte à me réserver les bons vins pour des soirées à la maison », assure un amateur.
Alexis Couquelet, qui a fondé le bistrot Couqley, partage cet avis : « Cela fait dix ans que je travaille au Liban. Quand je n’étais pas encore à mon compte, je passais mon temps à suggérer à mon patron de baisser ses marges pour vendre davantage. Mais il m’opposait un refus systématique. Couqley a été fondé en réaction : nos marges sont étroites, nous nous rattrapons sur les volumes. » Au bistrot de Gemmayzé, le premier prix est un Côte du Rhône (France) rouge à moins de 20 dollars. « C’est aussi celui qui est le plus vendu, 2 000 bouteilles annuellement environ. » Mais si les ventes de vins se concentrent dans les entrées de gamme, qui représentent souvent 70 à 80 % du chiffre d’affaires “vin” des restaurants, selon différents restaurateurs, c’est parce que les moyens de gamme, voire les hauts de gamme atteignent très vite des sommes atmosphériques. « Avec des prix plus justes, on parvient aussi à intéresser la clientèle à des vins plus chers. Le cœur de nos ventes se fait sur des vins plutôt moyens de gamme », témoigne le patron du Hangout.
Manque d’expérience
Aux yeux de Sélim Heleiwa, le vin est un argument crucial. Quand un restaurant mise sur sa carte des vins, il en fait un atout majeur pour attirer les clients et les inciter à revenir. Certains vont même jusqu’à préconiser les vins “à prix coûtant” pour inciter leur clientèle à consommer plus et plus souvent. Comme le restaurant L’Occa Matta qui mène des opérations “à prix coûtant”. Résultat : un impact réel sur la fréquentation du restaurant en hausse et une augmentation des ventes de plats à la carte. L’Occa Matta va d’ailleurs réitérer l’initiative en offrant l’ensemble de sa carte des vins “à prix coûtant” un soir par semaine. Ne reste plus qu’à en profiter.
Des tarifs structurellement élevés
Côté restaurateurs, on se défend de taper trop fort sur les marges. « On applique des coefficients bien plus élevés sur d’autres produits : pour le café, le narguilé, cela peut aller jusqu’à 100 ou 300 fois le coût initial de revient… », explique Nagi Morkos, du cabinet de conseil Hodema, spécialiste du secteur Horeca. Pour Olivier Goujon, propriétaire et chef de la Villa Clara (Mar Mikhaël), c’est tout l’édifice des prix des restaurants qui est plus élevé au Liban pour des raisons structurelles. « Le marché libanais est très saisonnier : les périodes de bonne rentabilité sont courtes, les marges élevées permettent de compenser des volumes plus faibles le reste de l’année. » Autre différence par rapport au marché français par exemple : « Au Liban, un restaurateur rentabilise son investissement uniquement à travers les opérations, il ne peut pas espérer de plus-value avec la revente du fonds de commerce », explique-t-il. Dans le droit libanais en effet, la notion de “pas-de-porte”, qui permet dans d’autres pays de valoriser son commerce en s’appuyant sur le chiffre d’affaires réalisé ou la clientèle fidélisée au moment de la revente, n’existe pas pour les baux signés après 1992.
Mais les prix du vin sont aussi fixés selon des critères bien plus subjectifs, que ce soit à Beyrouth ou ailleurs. « Sur une carte des vins, le “premier prix” détermine le standing du lieu », explique un restaurateur libanais établi en France. « Le vin doit donc rester accessible, pour que le client se sente dans sa zone de confort, sans paraître non plus trop abordable : autrement, le prix lui laisserait penser que la qualité du vin n’est pas satisfaisante. » En clair, plus le restaurant est “étoilé”, plus la marge augmente. Ce qui est normal, compte tenu de la qualité du service, du cadre, de la cuisine ou des stocks. Le problème, c’est quand un établissement modeste ou “à la mode” pratique le même niveau de marges sans autre raison que le profit.
Le vin toujours vecteur de marge
Le Liban n’est pas le seul à pratiquer des marges élevées sur le vin. En France, il n’est pas rare que les coefficients soient de 8 à 10, voire davantage. On ne compte plus les articles qui dénoncent les marges des restaurateurs français. Ailleurs, en Europe, les prix sont plus cléments : la revue Challenge assure qu’en Angleterre le coefficient pratiqué sur les vins est plutôt de 2 à 2,5. L’article cite même Olivier Poels, rédacteur en chef adjoint de La Revue des vins de France : « Allez en Espagne, les prix vous paraîtront hallucinants. Même dans un restaurant étoilé comme le Can Roca, à Gérone, les coefficients se situent entre 2 et 3. Et en Italie, c’est la même chose : dans le Piémont, vous paierez votre bouteille de Barolo trois ou quatre fois moins cher qu’à Paris. Alors qu’en Bourgogne, à de rares exceptions près, vous vous ferez massacrer. »
En France, les restaurateurs se justifient en invoquant des taxes élevées qui les contraignent à “marger” plus sur des produits “annexes” comme le vin, le café ou le fromage… Sans compter les coûts de stockage, de personnel… Le problème, c’est qu’au Liban, pareille défense ne tient pas longtemps. Le stock ? Beaucoup de restaurateurs imposent aux propriétés (ou aux distributeurs) le système du dépôt-vente : ils ne paient qu’à la vente et achètent au jour le jour, en minimisant leur stock au maximum au point parfois de ne pas avoir trois bouteilles du même vin à proposer. La conservation ? Que celui qui n’a pas vu les bouteilles de vin “cuire” à petit feu dans la vitrine d’un bistrot tendance lève la main. Le personnel ? Peu disposent d’un sommelier ou d’un garçon de salle suffisamment intéressé à la culture du vin, à même de conseiller sa clientèle. « Les restaurateurs au Liban sont comparables à des restos parisiens ultrabranchés : ils ont conscience que leurs clients sont en capacité de dépenser juste pour “l’affiche”, sans réelle connaissance. Ils auraient tort de ne pas en profiter ! » assure ce même restaurateur franco-libanais.
Frein à la consommation
Mais ces grosses marges ont une conséquence : on hésite désormais à consommer du vin au restaurant. « Le prix est un frein évident », affirme Sélim Heleiwa, propriétaire du Hangout, dont la carte est spécialisée dans les vins locaux. « Au Hangout, on marge entre 2,5 et 3,5, ce qui me semble honnête. Tous nos vins sont consommables au verre et chaque mois un vin est mis en avant, avec une ristourne incitative. Ce qui, à chaque fois, fait monter les volumes. » Résultat, le vin représente 30 % de son chiffre d’affaires. « C’est beaucoup par rapport aux normes habituelles qui sont autour de 15 % du chiffre d’affaires d’un restaurant européen. » Une stratégie d’autant plus judicieuse que la “crise” est passée par là. « Entre un mauvais vin, accessible à la carte d’un resto, et un moyen de gamme alléchant, qui va toutefois faire exploser ma note… je préfère souvent faire l’impasse et prendre une eau pétillante. Quitte à me réserver les bons vins pour des soirées à la maison », assure un amateur.
Alexis Couquelet, qui a fondé le bistrot Couqley, partage cet avis : « Cela fait dix ans que je travaille au Liban. Quand je n’étais pas encore à mon compte, je passais mon temps à suggérer à mon patron de baisser ses marges pour vendre davantage. Mais il m’opposait un refus systématique. Couqley a été fondé en réaction : nos marges sont étroites, nous nous rattrapons sur les volumes. » Au bistrot de Gemmayzé, le premier prix est un Côte du Rhône (France) rouge à moins de 20 dollars. « C’est aussi celui qui est le plus vendu, 2 000 bouteilles annuellement environ. » Mais si les ventes de vins se concentrent dans les entrées de gamme, qui représentent souvent 70 à 80 % du chiffre d’affaires “vin” des restaurants, selon différents restaurateurs, c’est parce que les moyens de gamme, voire les hauts de gamme atteignent très vite des sommes atmosphériques. « Avec des prix plus justes, on parvient aussi à intéresser la clientèle à des vins plus chers. Le cœur de nos ventes se fait sur des vins plutôt moyens de gamme », témoigne le patron du Hangout.
Manque d’expérience
Aux yeux de Sélim Heleiwa, le vin est un argument crucial. Quand un restaurant mise sur sa carte des vins, il en fait un atout majeur pour attirer les clients et les inciter à revenir. Certains vont même jusqu’à préconiser les vins “à prix coûtant” pour inciter leur clientèle à consommer plus et plus souvent. Comme le restaurant L’Occa Matta qui mène des opérations “à prix coûtant”. Résultat : un impact réel sur la fréquentation du restaurant en hausse et une augmentation des ventes de plats à la carte. L’Occa Matta va d’ailleurs réitérer l’initiative en offrant l’ensemble de sa carte des vins “à prix coûtant” un soir par semaine. Ne reste plus qu’à en profiter.
Trois questions à… Louis Tannoury, Terroirs y Seleccion, importateur de vins étrangers Est-ce que le prix des vins libanais est un frein à leur consommation ? Oui, d’une manière générale, le prix des vins est trop élevé au Liban. L’ensemble des acteurs en sont responsables, en premier lieu, les producteurs. Quand je dis à un propriétaire : « Ton vin est bon, mais par rapport à des vins européens, il est trop cher. » On me rétorque : « Oui, mais… Le prix du foncier est exorbitant ici… » Pourtant, le foncier est bien plus cher en Bourgogne où les vignerons peuvent proposer des tarifs plus abordables. On me dit aussi : « Oui, mais… On importe tout d’Europe… » L’excuse ne tient pas commercialement : si les coûts sont trop élevés, il faut les réduire ! Une entrée de gamme à 10 dollars, cela ne fonctionne pas quand des vins européens peuvent se vendre à 2 dollars, au départ de la propriété ! Les caves devraient, par exemple, songer à la création d’une centrale d’achat pour obtenir de meilleures conditions d’achat sur les produits importés. Spécialement les “petites” caves. Elles devraient aussi cesser d’acheter des produits “dernier cri” : je pense aux barriques neuves, renouvelées chaque année. La mode en est passée. Pourtant, la plupart ici continuent de “forcer les doses”. Il faut aussi trouver la bonne adéquation produit/prix. S’il achète à la cave, le consommateur paie-t-il le même prix qu’un professionnel ? En France, les caves appliquent un tarif professionnel, réservé aux importateurs ou aux acheteurs grands comptes (cavistes, supermarchés…). Elles appliquent un autre tarif pour la restauration et enfin un prix pour le consommateur. En général, entre le tarif professionnel et celui du consommateur, la différence est de 40 %. Bien sûr, ce dégressif s’explique par les volumes que les professionnels achètent, mais il représente aussi l’effort consenti par le domaine afin de parvenir à un “juste prix” pour le consommateur final au restaurant ou au supermarché. Au Liban, rien de tout cela n’existe : le prix est officiellement le même pour tout le monde. La ristourne se fait plutôt par bouteilles : pour une caisse achetée, le restaurateur reçoit une ou deux bouteilles gratuites, selon le volume de sa commande. Mais la plupart du temps, le restaurateur n’intègre pas ce discount en nature dans le prix client ! Il la garde comme bénéfice net pour lui. Résultat, comment voulez-vous qu’un client, qui a acheté ce même vin à 10 dollars au supermarché, accepte de le payer 50 dollars au restaurant ? Il a l’impression d’être le dindon de la farce. Et il a raison ! Les domaines seraient-ils les seuls responsables ? Pas du tout. Tout doit changer : le domaine doit proposer des prix plus attractifs, les intermédiaires doivent arrêter d’appliquer des marges surréalistes, le restaurateur doit faire un effort commercial… D’autant que le secteur repose en partie sur les ventes en consignation. Peut-être 20 % des ventes de vins repose sur ce principe de “dépôt-vente”, surtout dans le moyen et le haut de gamme : le restaurateur prend en dépôt les vins et ne les règle au fournisseur qu’après les avoir écoulés. Pour lui, c’est tout un bénéfice : il n’a quasiment pas de stock et donc pas d’immobilisation. Mais ce système est contreproductif : le domaine vinicole supporte le risque et, du coup, fait payer “plein pot”. Même pour le restaurateur, cette pratique a ses limites : le vin entreposé n’a pas de valeur pour lui et ses équipes n’ont pas d’incitation à le vendre. |
Le vin se démocratise Certains tentent de trouver des parades aux vins trop chers des cartes de restaurant et proposent des vins “au pichet”, des vins aux verres, voire un droit de bouchon. Initié dans les pays anglo-saxons dans les années 1970, sous le nom de “Bring your own bottle”, le “droit de bouchon” a un principe simple : au restaurant, le client apporte sa propre bouteille de vin. Il doit seulement s’acquitter d’un “droit de bouchon” au titre du service. Pour Jean Massoud, propriétaire d’Atibaïa (Batroun), c’est une solution pour diversifier et augmenter la consommation de vins dans les restaurants. « Celui qui s’intéresse au vin connaît les prix et ne veut pas payer au restaurant quatre fois le tarif du caviste ou du supermarché. » En général, le prix du “droit de bouchon” varie de 5 à 30 dollars, selon la politique de la maison. Un forfait qui permet au restaurateur de se concentrer sur son métier : celui-ci n’a plus à immobiliser de capital pour sa cave tandis que le client, lui, n’est plus obligé de choisir entre des références trop limitées ou des prix trop élevés. En France, aux États-Unis ou au Canada, de plus en plus de restaurateurs proposent cette solution. Certains le font même gratuitement, persuadés que leurs clients consommeront ensuite plus à la carte. D’autres s’appuient sur des modèles assez proches : ils proposent à leurs clients de s’inscrire à leur club pour y avoir droit ou le proposent certains jours précis (ou sur réservation). Au Liban, le principe reste encore très embryonnaire, même si les restaurants n’ont pas le droit de le refuser à un client, qui souhaiterait consommer son propre vin au restaurant. |