Le gouvernement a-t-il réussi en 2014 à inverser la tendance en matière de finances publiques ? Difficile de répondre à cette question tant que l’État dépense sans budget, et que ses comptes se basent sur les simples flux de trésorerie.
Les chiffres publiés par le ministère des Finances font état d’une baisse du déficit public, pour la première fois depuis 2011. Les opérations budgétaires et de trésorerie se sont soldées par un déficit de 3,07 milliards de dollars, en recul de 27,19 % par rapport à 2013, grâce à une forte hausse des revenus de l’État (+15,48 %).
En se penchant de plus près sur les chiffres, il apparaît que cette hausse est essentiellement due au transfert de ce que le ministère appelle les « arriérés » des télécoms pour la période 2010-2013. Pendant des années, le ministère des Télécoms a transféré la totalité de ses recettes au Trésor, occultant le fait qu’une partie d’entre elles doit légalement revenir aux municipalités. En 2010, le ministre de l’époque, Charbel Nahas, a reconstitué sur un compte séparé ce qu’il considère être une dette à l’égard des municipalités. Son successeur Nicolas Sehnaoui n’a lui aussi transféré au Trésor que le solde des revenus du ministère, réservant dans le même compte à la Banque centrale la part revenant aux municipalités. Mais le ministre actuel a rompu avec cette pratique. « Le Conseil des ministres a approuvé le principe selon lequel ces recettes sont une dette envers les municipalités, explique Boutros Harb. Mais le décret qui explicite le mécanisme de redistribution n’ayant pas encore été approuvé, j’ai considéré que l’argent devait être transféré au Trésor. »
En juillet dernier, le ministère des Finances a donc reçu un milliard de livres et 650 millions de dollars du ministère des Télécoms. Ce dernier n’ayant pas précisé ce qui relevait spécifiquement de l’exercice en cours, le ministère des Finances a estimé les recettes pour 2014 à environ 1,16 milliard de dollars et les arriérés des années précédentes à 735 millions. Même s’il constitue une dette envers les municipalités, ce montant a été comptabilisé comme une recette non fiscale, contribuant à gonfler ce poste de 33 %. « Cette hausse est artificielle et devrait être corrigée en 2015 ou en 2016. On ne peut donc pas parler d’une amélioration structurelle », commente l’économiste en chef de la Banque mondiale, Éric Le Borgne.
Si l’on exclut ces entrées exceptionnelles, le déficit public serait en baisse de 6,9 % et non de 27,19 %, et représenterait 28,14 % des dépenses au lieu de 22 %.
Le déficit reste toutefois en baisse grâce aux encaissements du Trésor, qui ont doublé. Les montants transférés par les municipalités notamment ont bondi de 270 %. Interrogé sur la nature exacte de ces évolutions, le ministère des Finances n’a pas souhaité fournir d’explications. Mais la part des encaissements du Trésor dans le total des revenus est passée de 5 % en 2013 à plus de 10 %. En revanche, celle des recettes fiscales est tombée de 71 % en 2013 à 63 %, car ces dernières n’ont que légèrement augmenté en 2014, de 2,69 %, suivant le rythme de croissance de l’économie.
Opacité des dépenses
Parallèlement, les dépenses publiques semblent avoir été relativement maîtrisées avec une hausse de seulement 2,28 % sur un an, mais là encore à défaut d’explications fournies par le ministère, l’évolution est difficile à comprendre.
Les dépenses courantes, le poste le plus important, ont continué de déraper : +18,2 % sur un an. Le service de la dette a augmenté de plus de 10 %, tiré par les intérêts de la dette libellée en livres (+17,75 %), tandis que le service de la dette en devises a bénéficié de la baisse des taux internationaux, affichant une hausse de seulement 0,31 %. Et enfin, les transferts à EDL, troisième poste le plus important, ont augmenté de 3,3 %.
C’est au niveau des opérations du Trésor que des économies ont été réalisées. Les décaissements ont été presque divisés par deux, mais le ministère des Finances ne fournit aucun détail à ce sujet. « En l’absence de budget, les dépenses de l’État sont très opaques, souligne Éric Le Borgne. On ne sait pas par exemple s’il y a des arriérés de paiement. »
Même si le Liban a officiellement dégagé un excédent primaire de plus de 1,3 milliard de dollars en 2014, contre un déficit primaire de 240 millions en 2013, la Banque mondiale considère donc qu’il n’y a pas eu d’amélioration significative des finances publiques l’année dernière. « En l’absence de réformes structurelles, le déficit va de nouveau déraper en 2015 si les transferts aux municipalités se font, ou si l’ajustement de la grille des salaires est approuvé. Le ratio de la dette sur le PIB devrait continuer à augmenter, car l’intérêt de la dette croit toujours plus vite que l’économie », estime Éric Le Borgne. Selon lui, le Liban devrait profiter de la baisse des prix du pétrole pour lancer des réformes. « Il pourrait investir dans l’électricité pour réduire les coûts à terme, ou introduire de nouvelles mesures fiscales, comme les droits d’accises sur l’essence. » Cela rapporterait à l’État l’équivalent de 0,5 % du PIB, mais cette taxe étant dégressive, elle doit être accompagnée d’aides ciblées pour les plus défavorisés, prévient-il.
Les chiffres publiés par le ministère des Finances font état d’une baisse du déficit public, pour la première fois depuis 2011. Les opérations budgétaires et de trésorerie se sont soldées par un déficit de 3,07 milliards de dollars, en recul de 27,19 % par rapport à 2013, grâce à une forte hausse des revenus de l’État (+15,48 %).
En se penchant de plus près sur les chiffres, il apparaît que cette hausse est essentiellement due au transfert de ce que le ministère appelle les « arriérés » des télécoms pour la période 2010-2013. Pendant des années, le ministère des Télécoms a transféré la totalité de ses recettes au Trésor, occultant le fait qu’une partie d’entre elles doit légalement revenir aux municipalités. En 2010, le ministre de l’époque, Charbel Nahas, a reconstitué sur un compte séparé ce qu’il considère être une dette à l’égard des municipalités. Son successeur Nicolas Sehnaoui n’a lui aussi transféré au Trésor que le solde des revenus du ministère, réservant dans le même compte à la Banque centrale la part revenant aux municipalités. Mais le ministre actuel a rompu avec cette pratique. « Le Conseil des ministres a approuvé le principe selon lequel ces recettes sont une dette envers les municipalités, explique Boutros Harb. Mais le décret qui explicite le mécanisme de redistribution n’ayant pas encore été approuvé, j’ai considéré que l’argent devait être transféré au Trésor. »
En juillet dernier, le ministère des Finances a donc reçu un milliard de livres et 650 millions de dollars du ministère des Télécoms. Ce dernier n’ayant pas précisé ce qui relevait spécifiquement de l’exercice en cours, le ministère des Finances a estimé les recettes pour 2014 à environ 1,16 milliard de dollars et les arriérés des années précédentes à 735 millions. Même s’il constitue une dette envers les municipalités, ce montant a été comptabilisé comme une recette non fiscale, contribuant à gonfler ce poste de 33 %. « Cette hausse est artificielle et devrait être corrigée en 2015 ou en 2016. On ne peut donc pas parler d’une amélioration structurelle », commente l’économiste en chef de la Banque mondiale, Éric Le Borgne.
Si l’on exclut ces entrées exceptionnelles, le déficit public serait en baisse de 6,9 % et non de 27,19 %, et représenterait 28,14 % des dépenses au lieu de 22 %.
Le déficit reste toutefois en baisse grâce aux encaissements du Trésor, qui ont doublé. Les montants transférés par les municipalités notamment ont bondi de 270 %. Interrogé sur la nature exacte de ces évolutions, le ministère des Finances n’a pas souhaité fournir d’explications. Mais la part des encaissements du Trésor dans le total des revenus est passée de 5 % en 2013 à plus de 10 %. En revanche, celle des recettes fiscales est tombée de 71 % en 2013 à 63 %, car ces dernières n’ont que légèrement augmenté en 2014, de 2,69 %, suivant le rythme de croissance de l’économie.
Opacité des dépenses
Parallèlement, les dépenses publiques semblent avoir été relativement maîtrisées avec une hausse de seulement 2,28 % sur un an, mais là encore à défaut d’explications fournies par le ministère, l’évolution est difficile à comprendre.
Les dépenses courantes, le poste le plus important, ont continué de déraper : +18,2 % sur un an. Le service de la dette a augmenté de plus de 10 %, tiré par les intérêts de la dette libellée en livres (+17,75 %), tandis que le service de la dette en devises a bénéficié de la baisse des taux internationaux, affichant une hausse de seulement 0,31 %. Et enfin, les transferts à EDL, troisième poste le plus important, ont augmenté de 3,3 %.
C’est au niveau des opérations du Trésor que des économies ont été réalisées. Les décaissements ont été presque divisés par deux, mais le ministère des Finances ne fournit aucun détail à ce sujet. « En l’absence de budget, les dépenses de l’État sont très opaques, souligne Éric Le Borgne. On ne sait pas par exemple s’il y a des arriérés de paiement. »
Même si le Liban a officiellement dégagé un excédent primaire de plus de 1,3 milliard de dollars en 2014, contre un déficit primaire de 240 millions en 2013, la Banque mondiale considère donc qu’il n’y a pas eu d’amélioration significative des finances publiques l’année dernière. « En l’absence de réformes structurelles, le déficit va de nouveau déraper en 2015 si les transferts aux municipalités se font, ou si l’ajustement de la grille des salaires est approuvé. Le ratio de la dette sur le PIB devrait continuer à augmenter, car l’intérêt de la dette croit toujours plus vite que l’économie », estime Éric Le Borgne. Selon lui, le Liban devrait profiter de la baisse des prix du pétrole pour lancer des réformes. « Il pourrait investir dans l’électricité pour réduire les coûts à terme, ou introduire de nouvelles mesures fiscales, comme les droits d’accises sur l’essence. » Cela rapporterait à l’État l’équivalent de 0,5 % du PIB, mais cette taxe étant dégressive, elle doit être accompagnée d’aides ciblées pour les plus défavorisés, prévient-il.