Selim Mouzannar est un joaillier qui se distingue par son style et par son approche. De tous les professionnels interrogés pour ce dossier, il est le seul à annoncer son chiffre d’affaires : sept millions de dollars en 2014. « Je suis peut-être petit par rapport à d’autres joailliers libanais, mais je fais partie de ceux qui ont réussi à imposer leur marque à l’étranger », se félicite-t-il. Ses créations sont vendues en France, au Royaume-Uni, aux États-Unis, en Suisse, aux Émirats arabes unis et en Turquie avec 13 points de vente dans des enseignes prestigieuses comme le Bon marché, Harrods ou Bloomingdale’s. Selim Mouzannar se distingue aussi par son parcours. Né dans une famille de joailliers damascènes qui s’installe à Beyrouth en 1860, il grandit dans le souk des bijoutiers de la capitale en aidant son père, Jacques Mouzannar, à la boutique. Lorsque la guerre éclate, Selim s’envole pour Paris où il poursuit des études de minéralogie. Au lieu de rentrer ensuite au bercail, il fait son premier stage en Belgique puis rejoint le groupe Mouawad en Arabie saoudite. Il y apprend les rouages du métier avant de s’envoler pour la Thaïlande, où il travaille notamment dans une mine de rubis. « J’ai cherché à développer différentes compétences, que ce soit au niveau des matériaux, de la production ou de la gestion financière », dit-il. En 1994, il installe son atelier à Beyrouth et ne fait que des pièces sur commande. Le succès le pousse à ouvrir sa première boutique cinq ans plus tard et à agrandir son atelier, grâce à un apport personnel de 400 000 dollars. Il se différencie avec un style inspiré de la période ottomane et développe une identité propre qui permet à ses bijoux d’être reconnaissables. Son credo : le luxe discret. Avec des pièces allant de 1 000 à 500 000 dollars, « j’ai essayé de démocratiser la joaillerie en proposant un bon rapport qualité/prix, souligne-t-il. Pour moi, le bijou n’est pas un investissement, c’est un objet qu’on achète pour se faire plaisir ». Contrairement à beaucoup de joailliers libanais, il ne cible pas les ressortissants arabes en particulier, et développe une clientèle essentiellement libanaise, locale et expatriée. Après la guerre de 2006, il reconsidère sa stratégie et participe à des expositions à Paris et en Europe, où il se fait remarquer par les professionnels et les médias. « Il y a dix ans, les ventes à l’international représentaient un pour cent de mon chiffre d’affaires. Aujourd’hui, leur part frôle les 50 %. » Cette diversification lui a permis de croître ces quatre dernières années malgré la stagnation du marché libanais. « Le marché européen est plus sécurisant », admet-il. À quand une boutique Selim Mouzannar à l’étranger ? « Il y a de l’intérêt de la part d’investisseurs pour ce type de projets, mais je préfère prendre mon temps », répond-il.
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