La récente découverte d’un gisement géant au large de l’Égypte a rebattu les cartes pour Chypre qui espère avancer dans l’exploration et l’exploitation de ses ressources en hydrocarbures offshore.
Chypre vient de renouveler coup sur coup deux licences respectivement attribuées au français Total et au consortium italo-coréen Eni-Kogas pour explorer des hydrocarbures dans sa zone économique spéciale en mer Méditerranée ; et d’accepter l’entrée d’un nouvel investisseur – British Gaz Group (BG Group) – dans le consortium détenteur des droits d’exploitation du champ Aphrodite, seul gisement identifié à ce jour au large de l’île.
Ces annonces signalent un intérêt international renouvelé pour le bassin levantin de la Méditerranée – qui inclut le Liban – alors qu’il y a quelques mois la tendance était plutôt au désengagement.
Elles sont d’autant plus importantes qu’elles interviennent dans un contexte particulièrement déprimé pour le secteur, qui conduit les grands groupes à annoncer des réductions d’emplois et d’investissements à tout-va à travers le monde, étant donné le niveau particulièrement bas des cours du brut.
L’exploration et l’exploitation du gaz en eaux profondes sont en effet beaucoup plus coûteuses que l’activité d’extraction de pétrole dans des gisements terrestres. Et la rentabilité de ce segment d’activité est affectée lorsque les cours du brut – auxquels sont encore corrélés ceux du gaz – enfoncent un certain seuil.
Regain d’intérêt
Comment expliquer dans ces conditions le regain d’intérêt pour Chypre ? La première réponse tient en un mot : Zohr. C’est le nom du gisement découvert par Eni au large de l’Égypte en septembre 2015. Il s’agit du plus grand gisement identifié à ce jour dans l’est de la Méditerranée. Il contiendrait 30 TCF (mille milliards de pieds cubes), soit bien plus que la plus grosse découverte précédente de la zone, au large d’Israël, dans le champ Leviathan (22 TCF), identifié en 2010. Zohr est situé tout juste à la frontière du bloc 11 de la zone économique exclusive chypriote et la possibilité que le gisement soit localisé des deux côtés de la frontière maritime n’est pas exclue.
De quoi redonner de l’optimisme à Nicosie qui a absolument besoin de nouvelles découvertes pour satisfaire son ambition de devenir une plate-forme gazière régionale. Le volume de gaz – 4,5 TCF – identifié en 2011 dans le champ Aphrodite par la compagnie américaine Noble dans le bloc 12 n’est en effet pas suffisant pour justifier la construction de l’usine de gaz naturel liquéfié initialement envisagée à Vassiliko, dans le sud de l’île, ou la construction d’un coûteux gazoduc sous-marin.
Demande européenne
La deuxième explication est plus structurelle. Étant donné sa proximité géographique avec l’Europe, le bassin levantin de la Méditerranée – d’Égypte au sud de la Turquie – dont le potentiel a été pour la première fois estimé en 2010 à 122 TCF de gaz et 1,7 milliard de barils de brut par le US Geological Survey – est considéré sérieusement comme une source potentielle d’approvisionnement. La demande y est croissante – la Commission de Bruxelles a annoncé en janvier des investissements de plus de 200 millions d’euros dans des projets d’extension d’infrastructures gazières transeuropéennes – et l’objectif est de réduire sa dépendance envers son principal fournisseur :
la Russie.
Mais si les deux ingrédients principaux, le potentiel de l’offre et l’existence de la demande, sont favorables au développement du secteur à Chypre, les choses sont loin d’être aussi simples. Ce, pour une raison principale : la géopolitique. À Chypre en particulier, et en Méditerranée orientale en général, les rivalités et les conflits entravent la coopération frontalière indispensable pour la faisabilité d’investissements très lourds. Beaucoup d’options sont sur la table et les différents acteurs avancent prudemment.
Nouveau modèle géologique
Le redémarrage du processus chypriote après quelques mois de désillusion s’est effectué fin 2015-début 2016.
C’est d’abord Total qui a obtenu le renouvellement pour deux ans de sa licence d’exploration du bloc 11 (après rétrocession de 25 % au gouvernement chypriote conformément à son contrat), alors qu’il était question en janvier 2015 d’un désengagement total du groupe français de Chypre : la compagnie avait renoncé à ses droits sur le bloc 10 et envisagé d’abandonner totalement sa prospection au large de l’île à défaut d’avoir trouvé de cible importante pour entreprendre des forages d’essai.
Le ministre chypriote de l’Énergie George Lakkotrypis a ensuite annoncé le renouvellement pour deux ans de la licence d’Eni-Kogas, arrivée à échéance le 23 janvier 2016. Les forages effectués jusque-là par le consortium à qui ont été attribués les blocs 2, 3 et 9 n’avaient rien donné. L’opérateur Eni n’a pas précisé son calendrier pour de prochains forages, mais veut se donner le temps de réexaminer sa stratégie d’exploration dans les eaux chypriotes.
Si les deux groupes ont été conduits à revoir leur stratégie de prospection au large de Chypre, c’est pour recalibrer les modèles géologiques utilisés dans leurs blocs respectifs à la lumière de la découverte réalisée par Eni en Égypte. Le modèle géologique qui a abouti à la découverte de Zohr était en effet une première dans la région : il a identifié des gisements dans des carbonate build up, alors que les découvertes précédentes en Méditerranée se trouvaient dans les sand stones.
Aphrodite mise sur l’Égypte
Parallèlement, Nicosie a approuvé l’entrée de British Gas Group (BG Group) au capital du consortium exploitant le champ Aphrodite. Un contrat en ce sens avait été conclu en novembre par l’américain Noble Energy qui a vendu la moitié de sa part de 70 % tout en conservant le rôle d’opérateur. Les autres partenaires israéliens qui détiennent la licence du bloc 12, Delek Group et Avner Oil, ont chacun une part de 15 %.
Le champ Aphrodite est le seul gisement prouvé à ce jour dans la zone économique de Chypre. Sa découverte en 2011 avait enflammé l’île, mais l’estimation de son potentiel à 4,5 TCF seulement, soit en dessous du seuil rendant son exploitation commerciale viable, avait ensuite fait l’effet d’une douche froide. « On a besoin au moins du double pour construire deux trains de liquéfaction du gaz pour exporter du GNL », explique Evi Neophytou, du ministère des Affaires étrangères.
L’une des solutions pour l’exploitation d’Aphrodite – Noble a absolument besoin d’un retour sur son investissement – est de fournir du gaz à l’Égypte. « Pour nous la priorité est d’aller de l’avant avec les autorités égyptiennes et elles ont réitéré leur intérêt », confirme George Zodiatis, directeur de la division de la politique énergétique et marine au ministère des Affaires étrangères. En février dernier, les autorités chypriotes et égyptiennes ont pavé la voie à une telle option en concluant un accord autorisant la holding gouvernementale égyptienne Egas et la Compagnie nationale d’hydrocarbures chypriote à étudier la faisabilité d’un gazoduc offshore reliant directement le champ Aphrodite à l’Égypte.
Un plan en ce sens a été présenté cet été, mais il n’a toujours pas été approuvé. « Noble mise sur le fait qu’il y a encore un marché égyptien pour le gaz chypriote, malgré la découverte de Zohr, mais la fenêtre est étroite tant en matière de prix qu’en matière de calendrier », souligne l’expert en énergie Charles Ellinas. Il faut d’une part que le prix satisfasse les parties, en tenant compte du coût de l’infrastructure et de la concurrence du GNL livrable en Égypte. Et, d’autre part, qu’Aphrodite puisse entrer en production avant Zohr.
Mais il n’est pas exclu que, même après le démarrage de Zohr, la demande du Caire puisse aussi absorber du gaz chypriote, l’Égypte étant dotée de deux structures d’exportations de GNL à Idku et Damiette aujourd’hui non employées, en raison de la forte chute de production du gaz égyptien. Ces dernières sont respectivement opérées par BG Group et Eni (avec Union Fenosa) ce n’est pas un hasard si ces mêmes compagnies sont investies aussi à Chypre.
« Nous travaillons sur deux scénarios, pour approvisionner le marché interne égyptien et/ou les facilités d’exportations », confirme George Zodiatis.
Concurrence israélienne
Si Chypre n’a d’autre choix pour l’instant que de chercher à vendre son gaz au Caire, les options de l’Égypte sont en revanche plus ouvertes : outre l’importation de GNL, elle peut aussi se tourner vers Israël. Le gouvernement israélien a officiellement donné son feu vert en décembre 2015 à l’exportation de la production du gisement Tamar vers l’Égypte ; mais cette décision ne signifie pas pour autant que le contrat de livraison de cinq millions de bcm (milliards de pieds cubes) sur sept ans pourra être honoré.
Il a été conclu en mars 2015 entre les partenaires de Tamar et la holding privée égyptienne Dolphinus, mais il est dénoncé par l’opérateur du gazoduc East Mediterranean Gas (EMG) qui a été créé initialement pour livrer Israël en gaz égyptien. Il n’a pas non plus le feu vert officiel du Caire. Condamné par un tribunal arbitral à compenser Israël à hauteur de deux milliards de dollars pour avoir stoppé ses livraisons de gaz à Israël – le gazoduc ayant été saboté par une série d’attentats –, l’Égypte a répliqué en gelant ses discussions concernant l’importation de gaz israélien.
Avantage géographique
Le jeu de position entre Chypre et Israël ne se limite pas à la livraison de l’Égypte. À plus long terme, Nicosie espère servir de carrefour pour l’exportation du gaz régional directement vers l’Europe, voire à travers la Turquie. « Peut-être que sa position géographique est l’atout le plus grand de Chypre, davantage que ses réserves », souligne l’expert Gary Lakes.
Outre le projet de terminal GNL, plusieurs options de gazoduc sont à l’état d’ébauche. Notamment un projet très ambitieux de gazoduc sous-marin de 1 700 km connectant le principal gisement israélien, Leviathan, via Chypre à la Crête et l’Italie. Il s’agirait de l’un des gazoducs sous-marins les plus longs du monde et sa faisabilité est loin d’être prouvée. La possibilité de cibler les marchés européens à travers une interconnexion terrestre turque et un gazoduc vers la Turquie est également évoquée. Elle suppose toutefois de régler enfin le conflit avec Ankara concernant la République turque du nord de Chypre.
« Les intérêts gaziers sont l’un des catalyseurs du processus de négociations en cours pour trouver le moyen de réunifier Chypre (divisée depuis 1974) », confirme Nikos Christodoulides, porte-parole du gouvernement. Des progrès importants ont été réalisés depuis la reprise des pourparlers l’année dernière, mais beaucoup de points restent en suspens.
L’issue de ces pourparlers est décisive pour Chypre et l’ensemble du bassin méditerranéen : la Turquie s’oppose à l’exploitation de gisements gaziers ou pétroliers par le gouvernement chypriote-grec avant tout accord de paix. Et Ankara n’avait pas hésité à montrer ses muscles en envoyant des navires militaires croiser à proximité du gisement Aphrodite, ou des bateaux d’exploration sismique dans la zone économique exclusive définie par Chypre, mais non reconnue par la Turquie.
Ces annonces signalent un intérêt international renouvelé pour le bassin levantin de la Méditerranée – qui inclut le Liban – alors qu’il y a quelques mois la tendance était plutôt au désengagement.
Elles sont d’autant plus importantes qu’elles interviennent dans un contexte particulièrement déprimé pour le secteur, qui conduit les grands groupes à annoncer des réductions d’emplois et d’investissements à tout-va à travers le monde, étant donné le niveau particulièrement bas des cours du brut.
L’exploration et l’exploitation du gaz en eaux profondes sont en effet beaucoup plus coûteuses que l’activité d’extraction de pétrole dans des gisements terrestres. Et la rentabilité de ce segment d’activité est affectée lorsque les cours du brut – auxquels sont encore corrélés ceux du gaz – enfoncent un certain seuil.
Regain d’intérêt
Comment expliquer dans ces conditions le regain d’intérêt pour Chypre ? La première réponse tient en un mot : Zohr. C’est le nom du gisement découvert par Eni au large de l’Égypte en septembre 2015. Il s’agit du plus grand gisement identifié à ce jour dans l’est de la Méditerranée. Il contiendrait 30 TCF (mille milliards de pieds cubes), soit bien plus que la plus grosse découverte précédente de la zone, au large d’Israël, dans le champ Leviathan (22 TCF), identifié en 2010. Zohr est situé tout juste à la frontière du bloc 11 de la zone économique exclusive chypriote et la possibilité que le gisement soit localisé des deux côtés de la frontière maritime n’est pas exclue.
De quoi redonner de l’optimisme à Nicosie qui a absolument besoin de nouvelles découvertes pour satisfaire son ambition de devenir une plate-forme gazière régionale. Le volume de gaz – 4,5 TCF – identifié en 2011 dans le champ Aphrodite par la compagnie américaine Noble dans le bloc 12 n’est en effet pas suffisant pour justifier la construction de l’usine de gaz naturel liquéfié initialement envisagée à Vassiliko, dans le sud de l’île, ou la construction d’un coûteux gazoduc sous-marin.
Demande européenne
La deuxième explication est plus structurelle. Étant donné sa proximité géographique avec l’Europe, le bassin levantin de la Méditerranée – d’Égypte au sud de la Turquie – dont le potentiel a été pour la première fois estimé en 2010 à 122 TCF de gaz et 1,7 milliard de barils de brut par le US Geological Survey – est considéré sérieusement comme une source potentielle d’approvisionnement. La demande y est croissante – la Commission de Bruxelles a annoncé en janvier des investissements de plus de 200 millions d’euros dans des projets d’extension d’infrastructures gazières transeuropéennes – et l’objectif est de réduire sa dépendance envers son principal fournisseur :
la Russie.
Mais si les deux ingrédients principaux, le potentiel de l’offre et l’existence de la demande, sont favorables au développement du secteur à Chypre, les choses sont loin d’être aussi simples. Ce, pour une raison principale : la géopolitique. À Chypre en particulier, et en Méditerranée orientale en général, les rivalités et les conflits entravent la coopération frontalière indispensable pour la faisabilité d’investissements très lourds. Beaucoup d’options sont sur la table et les différents acteurs avancent prudemment.
Nouveau modèle géologique
Le redémarrage du processus chypriote après quelques mois de désillusion s’est effectué fin 2015-début 2016.
C’est d’abord Total qui a obtenu le renouvellement pour deux ans de sa licence d’exploration du bloc 11 (après rétrocession de 25 % au gouvernement chypriote conformément à son contrat), alors qu’il était question en janvier 2015 d’un désengagement total du groupe français de Chypre : la compagnie avait renoncé à ses droits sur le bloc 10 et envisagé d’abandonner totalement sa prospection au large de l’île à défaut d’avoir trouvé de cible importante pour entreprendre des forages d’essai.
Le ministre chypriote de l’Énergie George Lakkotrypis a ensuite annoncé le renouvellement pour deux ans de la licence d’Eni-Kogas, arrivée à échéance le 23 janvier 2016. Les forages effectués jusque-là par le consortium à qui ont été attribués les blocs 2, 3 et 9 n’avaient rien donné. L’opérateur Eni n’a pas précisé son calendrier pour de prochains forages, mais veut se donner le temps de réexaminer sa stratégie d’exploration dans les eaux chypriotes.
Si les deux groupes ont été conduits à revoir leur stratégie de prospection au large de Chypre, c’est pour recalibrer les modèles géologiques utilisés dans leurs blocs respectifs à la lumière de la découverte réalisée par Eni en Égypte. Le modèle géologique qui a abouti à la découverte de Zohr était en effet une première dans la région : il a identifié des gisements dans des carbonate build up, alors que les découvertes précédentes en Méditerranée se trouvaient dans les sand stones.
Aphrodite mise sur l’Égypte
Parallèlement, Nicosie a approuvé l’entrée de British Gas Group (BG Group) au capital du consortium exploitant le champ Aphrodite. Un contrat en ce sens avait été conclu en novembre par l’américain Noble Energy qui a vendu la moitié de sa part de 70 % tout en conservant le rôle d’opérateur. Les autres partenaires israéliens qui détiennent la licence du bloc 12, Delek Group et Avner Oil, ont chacun une part de 15 %.
Le champ Aphrodite est le seul gisement prouvé à ce jour dans la zone économique de Chypre. Sa découverte en 2011 avait enflammé l’île, mais l’estimation de son potentiel à 4,5 TCF seulement, soit en dessous du seuil rendant son exploitation commerciale viable, avait ensuite fait l’effet d’une douche froide. « On a besoin au moins du double pour construire deux trains de liquéfaction du gaz pour exporter du GNL », explique Evi Neophytou, du ministère des Affaires étrangères.
L’une des solutions pour l’exploitation d’Aphrodite – Noble a absolument besoin d’un retour sur son investissement – est de fournir du gaz à l’Égypte. « Pour nous la priorité est d’aller de l’avant avec les autorités égyptiennes et elles ont réitéré leur intérêt », confirme George Zodiatis, directeur de la division de la politique énergétique et marine au ministère des Affaires étrangères. En février dernier, les autorités chypriotes et égyptiennes ont pavé la voie à une telle option en concluant un accord autorisant la holding gouvernementale égyptienne Egas et la Compagnie nationale d’hydrocarbures chypriote à étudier la faisabilité d’un gazoduc offshore reliant directement le champ Aphrodite à l’Égypte.
Un plan en ce sens a été présenté cet été, mais il n’a toujours pas été approuvé. « Noble mise sur le fait qu’il y a encore un marché égyptien pour le gaz chypriote, malgré la découverte de Zohr, mais la fenêtre est étroite tant en matière de prix qu’en matière de calendrier », souligne l’expert en énergie Charles Ellinas. Il faut d’une part que le prix satisfasse les parties, en tenant compte du coût de l’infrastructure et de la concurrence du GNL livrable en Égypte. Et, d’autre part, qu’Aphrodite puisse entrer en production avant Zohr.
Mais il n’est pas exclu que, même après le démarrage de Zohr, la demande du Caire puisse aussi absorber du gaz chypriote, l’Égypte étant dotée de deux structures d’exportations de GNL à Idku et Damiette aujourd’hui non employées, en raison de la forte chute de production du gaz égyptien. Ces dernières sont respectivement opérées par BG Group et Eni (avec Union Fenosa) ce n’est pas un hasard si ces mêmes compagnies sont investies aussi à Chypre.
« Nous travaillons sur deux scénarios, pour approvisionner le marché interne égyptien et/ou les facilités d’exportations », confirme George Zodiatis.
Concurrence israélienne
Si Chypre n’a d’autre choix pour l’instant que de chercher à vendre son gaz au Caire, les options de l’Égypte sont en revanche plus ouvertes : outre l’importation de GNL, elle peut aussi se tourner vers Israël. Le gouvernement israélien a officiellement donné son feu vert en décembre 2015 à l’exportation de la production du gisement Tamar vers l’Égypte ; mais cette décision ne signifie pas pour autant que le contrat de livraison de cinq millions de bcm (milliards de pieds cubes) sur sept ans pourra être honoré.
Il a été conclu en mars 2015 entre les partenaires de Tamar et la holding privée égyptienne Dolphinus, mais il est dénoncé par l’opérateur du gazoduc East Mediterranean Gas (EMG) qui a été créé initialement pour livrer Israël en gaz égyptien. Il n’a pas non plus le feu vert officiel du Caire. Condamné par un tribunal arbitral à compenser Israël à hauteur de deux milliards de dollars pour avoir stoppé ses livraisons de gaz à Israël – le gazoduc ayant été saboté par une série d’attentats –, l’Égypte a répliqué en gelant ses discussions concernant l’importation de gaz israélien.
Avantage géographique
Le jeu de position entre Chypre et Israël ne se limite pas à la livraison de l’Égypte. À plus long terme, Nicosie espère servir de carrefour pour l’exportation du gaz régional directement vers l’Europe, voire à travers la Turquie. « Peut-être que sa position géographique est l’atout le plus grand de Chypre, davantage que ses réserves », souligne l’expert Gary Lakes.
Outre le projet de terminal GNL, plusieurs options de gazoduc sont à l’état d’ébauche. Notamment un projet très ambitieux de gazoduc sous-marin de 1 700 km connectant le principal gisement israélien, Leviathan, via Chypre à la Crête et l’Italie. Il s’agirait de l’un des gazoducs sous-marins les plus longs du monde et sa faisabilité est loin d’être prouvée. La possibilité de cibler les marchés européens à travers une interconnexion terrestre turque et un gazoduc vers la Turquie est également évoquée. Elle suppose toutefois de régler enfin le conflit avec Ankara concernant la République turque du nord de Chypre.
« Les intérêts gaziers sont l’un des catalyseurs du processus de négociations en cours pour trouver le moyen de réunifier Chypre (divisée depuis 1974) », confirme Nikos Christodoulides, porte-parole du gouvernement. Des progrès importants ont été réalisés depuis la reprise des pourparlers l’année dernière, mais beaucoup de points restent en suspens.
L’issue de ces pourparlers est décisive pour Chypre et l’ensemble du bassin méditerranéen : la Turquie s’oppose à l’exploitation de gisements gaziers ou pétroliers par le gouvernement chypriote-grec avant tout accord de paix. Et Ankara n’avait pas hésité à montrer ses muscles en envoyant des navires militaires croiser à proximité du gisement Aphrodite, ou des bateaux d’exploration sismique dans la zone économique exclusive définie par Chypre, mais non reconnue par la Turquie.