Tout le monde sait qu’il y a quelque chose de pourri au royaume du Liban. On n’en est plus à établir un diagnostic. Le problème est de savoir pourquoi les Libanais s’en accommodent. « Ont-ils trouvé une solution aux poubelles ? » ; « vont-ils élire un président ? » ; « les élections auront-elles lieu ? »… La façon dont les questions émergent dans les conversations amicales ou sociales, voire dans les médias, témoigne à elle seule de la nature du problème : la distanciation. Des élites aux classes sociales les plus défavorisées, c’est le même renoncement. Au point que les rares activistes, blogueurs, personnages publics, humanitaires ou autres… qui continuent de se sentir impliqués dans l’avenir de la collectivité baptisée “Liban” sont considérés, au mieux, comme de doux rêveurs qu’il est de bon ton d’encourager de loin pour se donner bonne conscience et, au pire, comme des hurluberlus. Pourquoi ce renoncement est-il si profondément ancré en nous ? Peut-être est-il possible d’agréger les réponses individuelles reflétant autant de cas particuliers en un constat collectif : peu de Libanais considèrent le Liban comme leur patrie définitive. Ou, pour être plus explicite, peu de Libanais imaginent leurs enfants “faire leur vie” au Liban. Quelles que soient les motivations des uns et des autres, l’explication principale tient en un mot : emploi. Il n’y a tout simplement plus de travail pour eux, comme le montre de façon flagrante l’étude réalisée par Toufic Gaspard dont nous rendons compte dans nos pages.
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