Le ministre de l’Énergie défend le bilan des prestataires de services de distribution et entend poursuivre l’expérience pour les quatre ans à venir, même si elle n’a pas tenu toutes ses promesses.
« Gebran Bassil avait parlé d’une solution à zéro coût. L’expérience s’est finalement révélée profitable pour l’État », déclare le ministre César Abi Khalil, au sujet du partenariat public-privé (PPP) conclu en 2012 par son prédécesseur dans le domaine de la distribution électrique. Ce projet était l’une des mesures phares du plan stratégique de 2010. Il consiste à confier à des entreprises privées, appelées Distribution Service Provider (DSP), l’entretien et le développement du réseau de distribution (composé des lignes basse et moyenne tension), et les relations avec le client final (installation des compteurs, collecte des factures, gestion du centre d’appel…).
Trois prestataires ont été sélectionnés en 2012 : National Electricity Utility Company (NEUC, groupe Debbas) pour la région du Mont-Liban et du Sud, Bus (groupe Butec) pour le nord du Mont-Liban et le Nord, et KVA (une joint-venture entre Arabian Construction Company et Khatib & Alami) pour Beyrouth et la Békaa. Ces entreprises financent et mènent les travaux nécessaires sur le réseau et collectent les factures pour le compte d’Électricité du Liban (EDL). Elles sont ensuite remboursées et rémunérées par EDL en fonction de 12 critères de performance.
Le recours au secteur privé a évidemment un coût, mais ce dernier devait être compensé par une amélioration des performances, difficile à atteindre par une institution aussi gangrénée qu’EDL par les effets du système politique en vigueur au Liban. La compagnie nationale est en effet minée par le clientélisme. Difficile dans ce contexte de mener des travaux de manière efficace et objective, et encore moins de lutter contre la fraude. Les entreprises privées, elles, sont censées être motivées par les critères de performance qui leur ont été imposées, parmi lesquels figure par exemple le taux de recouvrement des factures.
« En quatre ans, la société Bus a été payée 13 millions de dollars, alors qu’elle a augmenté la collecte de 16,9 millions de dollars et installé des actifs fixes d’une valeur de 147 millions de dollars qui restent la propriété de l’État», souligne le ministre. L’exemple choisi est sans doute le plus positif. Selon nos informations, les performances des différents prestataires sont inégales.
Et le ministre des Finances ne semble pas partager la position de son homologue à l’Énergie. À l’heure de passer sous presse, Ali Hassan Khalil n’avait toujours pas validé le renouvellement des contrats pour quatre années supplémentaires, voulu et négocié par le ministère de l’Énergie.
Le problème des journaliers
Le ministre des Finances n’est pas le seul à contester le partenariat. Les quelque 1 900 journaliers et contractuels d’EDL ont fortement combattu le projet. Pour compenser le gel des embauches dans le secteur public, ces employés, dont la plupart sont non qualifiés, ont été recrutés au fil des ans, le plus souvent sur des bases clientélistes.
En 2012, le ministère de l’Énergie a obtenu l’intégration d’une grande partie d’entre eux au sein des DSP, durant toute la durée du partenariat. Les conditions qui leur ont été proposées sont plus favorables que celles dont ils bénéficiaient en tant que journaliers ou contractuels, mais moins avantageuses que celles de la fonction publique, que leur fait miroiter la classe politique depuis des années. Ils ont donc multiplié les mouvements sociaux en 2014 et 2015, interrompant la collecte pendant plusieurs mois et enrayant le circuit de financement des trois prestataires.
À la suite de tractations politiques, près de 900 d’entre eux ont obtenu leur intégration à EDL par concours. Pour les autres, dont certains ont plus de vingt ans de service, des négociations doivent être menées pour garantir leurs droits, notamment en termes d’indemnités de fin de service. Au-delà de la dimension sociale de ce conflit, une source proche du dossier dénonce la récupération politique dont ils font l’objet « dans l’objectif de bloquer les réformes et maintenir le statu quo dans le secteur ».
Les compteurs intelligents
Autre source de critique à l’encontre des prestataires de service : les compteurs électriques intelligents qu’ils sont censés installer chez 1,4 million de foyers. Alors que les compteurs traditionnels nécessitent l’intervention d’un technicien pour relever la consommation d’énergie, les compteurs “intelligents” − ou “communicants” − permettent de le faire à distance et en direct. Dans un pays comme le Liban, où l’État peine à imposer son autorité, ces compteurs sont présentés comme le moyen le plus efficace pour réduire le vol et améliorer la collecte. Ils permettraient d’éviter les erreurs de relevés, volontaires ou pas, d’identifier exactement où se situe le vol et de sanctionner les fraudeurs en coupant le courant. Ils permettraient également une allocation en temps réel de la distribution électrique.
Leur installation était prévue dans le premier contrat, mais, à l’échéance, EDL n’avait toujours pas approuvé le projet, officiellement pour des raisons techniques liées aux spécifications des compteurs proposées par les DSP.
Selon un responsable de l’une des entreprises concernées, ces compteurs suscitent chez certaines parties des craintes sécuritaires. Les données collectées sur la consommation électrique, même si elles ne sont pas très spécifiques, pouvant être utilisées à des fins de surveillance. En France par exemple, ce débat a été tranché par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) qui a validé l’installation de ce type de compteurs en interdisant toutefois la transmission des données à des tiers.
D’autres sources estiment que le blocage reflète essentiellement un manque de volonté politique en matière de lutte contre le vol de courant. Ce phénomène, contrairement aux idées reçues, ne concerne pas seulement une communauté ou une région spécifique. La fraude et le non-paiement existent dans toutes les régions libanaises, et touchent tous les milieux sociaux, y compris des hommes politiques, comme en témoigne la convocation de certains d’entre eux par le parquet financier en 2015, puis à nouveau l’année dernière.
Le ministère de l’Énergie, lui, est déterminé à défendre le renouvellement des contrats avec les prestataires de services et l’installation des fameux compteurs. Si un accord n’est pas trouvé avec le ministre des Finances, l’affaire devrait être débattue en Conseil des ministres.
Trois prestataires ont été sélectionnés en 2012 : National Electricity Utility Company (NEUC, groupe Debbas) pour la région du Mont-Liban et du Sud, Bus (groupe Butec) pour le nord du Mont-Liban et le Nord, et KVA (une joint-venture entre Arabian Construction Company et Khatib & Alami) pour Beyrouth et la Békaa. Ces entreprises financent et mènent les travaux nécessaires sur le réseau et collectent les factures pour le compte d’Électricité du Liban (EDL). Elles sont ensuite remboursées et rémunérées par EDL en fonction de 12 critères de performance.
Le recours au secteur privé a évidemment un coût, mais ce dernier devait être compensé par une amélioration des performances, difficile à atteindre par une institution aussi gangrénée qu’EDL par les effets du système politique en vigueur au Liban. La compagnie nationale est en effet minée par le clientélisme. Difficile dans ce contexte de mener des travaux de manière efficace et objective, et encore moins de lutter contre la fraude. Les entreprises privées, elles, sont censées être motivées par les critères de performance qui leur ont été imposées, parmi lesquels figure par exemple le taux de recouvrement des factures.
« En quatre ans, la société Bus a été payée 13 millions de dollars, alors qu’elle a augmenté la collecte de 16,9 millions de dollars et installé des actifs fixes d’une valeur de 147 millions de dollars qui restent la propriété de l’État», souligne le ministre. L’exemple choisi est sans doute le plus positif. Selon nos informations, les performances des différents prestataires sont inégales.
Et le ministre des Finances ne semble pas partager la position de son homologue à l’Énergie. À l’heure de passer sous presse, Ali Hassan Khalil n’avait toujours pas validé le renouvellement des contrats pour quatre années supplémentaires, voulu et négocié par le ministère de l’Énergie.
Le problème des journaliers
Le ministre des Finances n’est pas le seul à contester le partenariat. Les quelque 1 900 journaliers et contractuels d’EDL ont fortement combattu le projet. Pour compenser le gel des embauches dans le secteur public, ces employés, dont la plupart sont non qualifiés, ont été recrutés au fil des ans, le plus souvent sur des bases clientélistes.
En 2012, le ministère de l’Énergie a obtenu l’intégration d’une grande partie d’entre eux au sein des DSP, durant toute la durée du partenariat. Les conditions qui leur ont été proposées sont plus favorables que celles dont ils bénéficiaient en tant que journaliers ou contractuels, mais moins avantageuses que celles de la fonction publique, que leur fait miroiter la classe politique depuis des années. Ils ont donc multiplié les mouvements sociaux en 2014 et 2015, interrompant la collecte pendant plusieurs mois et enrayant le circuit de financement des trois prestataires.
À la suite de tractations politiques, près de 900 d’entre eux ont obtenu leur intégration à EDL par concours. Pour les autres, dont certains ont plus de vingt ans de service, des négociations doivent être menées pour garantir leurs droits, notamment en termes d’indemnités de fin de service. Au-delà de la dimension sociale de ce conflit, une source proche du dossier dénonce la récupération politique dont ils font l’objet « dans l’objectif de bloquer les réformes et maintenir le statu quo dans le secteur ».
Les compteurs intelligents
Autre source de critique à l’encontre des prestataires de service : les compteurs électriques intelligents qu’ils sont censés installer chez 1,4 million de foyers. Alors que les compteurs traditionnels nécessitent l’intervention d’un technicien pour relever la consommation d’énergie, les compteurs “intelligents” − ou “communicants” − permettent de le faire à distance et en direct. Dans un pays comme le Liban, où l’État peine à imposer son autorité, ces compteurs sont présentés comme le moyen le plus efficace pour réduire le vol et améliorer la collecte. Ils permettraient d’éviter les erreurs de relevés, volontaires ou pas, d’identifier exactement où se situe le vol et de sanctionner les fraudeurs en coupant le courant. Ils permettraient également une allocation en temps réel de la distribution électrique.
Leur installation était prévue dans le premier contrat, mais, à l’échéance, EDL n’avait toujours pas approuvé le projet, officiellement pour des raisons techniques liées aux spécifications des compteurs proposées par les DSP.
Selon un responsable de l’une des entreprises concernées, ces compteurs suscitent chez certaines parties des craintes sécuritaires. Les données collectées sur la consommation électrique, même si elles ne sont pas très spécifiques, pouvant être utilisées à des fins de surveillance. En France par exemple, ce débat a été tranché par la Commission nationale informatique et libertés (CNIL) qui a validé l’installation de ce type de compteurs en interdisant toutefois la transmission des données à des tiers.
D’autres sources estiment que le blocage reflète essentiellement un manque de volonté politique en matière de lutte contre le vol de courant. Ce phénomène, contrairement aux idées reçues, ne concerne pas seulement une communauté ou une région spécifique. La fraude et le non-paiement existent dans toutes les régions libanaises, et touchent tous les milieux sociaux, y compris des hommes politiques, comme en témoigne la convocation de certains d’entre eux par le parquet financier en 2015, puis à nouveau l’année dernière.
Le ministère de l’Énergie, lui, est déterminé à défendre le renouvellement des contrats avec les prestataires de services et l’installation des fameux compteurs. Si un accord n’est pas trouvé avec le ministre des Finances, l’affaire devrait être débattue en Conseil des ministres.