César Abi Khalil est un ministre particulièrement occupé en ce moment. En charge du portefeuille de l’Énergie, il gère deux dossiers jugés prioritaires pour le “nouveau règne” : celui du gaz et celui de l’électricité. Après l’adoption des décrets relatifs à l’appel d’offres pour le gaz offshore, il est désormais attendu sur le volet de l’électricité, l’un “des problèmes chroniques”, pour reprendre les termes de la déclaration ministérielle, que le gouvernement s’est engagé à traiter “immédiatement”. Mi-février, après plusieurs reports, Le Commerce du Levant a réussi à l’interroger, entre deux réunions, sur sa feuille de route.
L’enjeu de cette réforme est considérable pour le pays. Plus de 20 ans après la fin de la guerre civile, le Liban a été classé 135e sur 139 pays en termes de qualité de l’électricité dans le dernier rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité. La Banque mondiale rappelle régulièrement aux autorités libanaises qu’un approvisionnement médiocre tend à ralentir la croissance économique, voire à la contracter. Dans un sondage réalisé par l’institution en 2009, les trois quarts des entreprises libanaises citaient en effet l’électricité comme le principal obstacle à leur compétitivité. Plus de 90 % d’entre elles sont contraintes de posséder ou de partager un générateur privé qui leur coûte en moyenne l’équivalent de 6 % de leurs ventes. Les ménages sont tout aussi affectés. Le recours aux générateurs a fait grimper leur facture électrique moyenne à 1 290 dollars en 2014, dont les deux tiers vont aux propriétaires de générateurs. Ces derniers prospèrent dans l’illégalité, générant près de 1,7 milliard de dollars par an, soit 3,7 % du PIB de 2014.
Pour ne rien arranger, le poids des solutions palliatives est réparti de façon injuste. Les habitants des régions défavorisées sont soumis à un rationnement plus sévère que ceux des régions développées (Beyrouth par exemple bénéficie de 21 heures de courant par jour, contre 13 heures dans le Sud), ils subissent donc un coût plus élevé.
La subvention des tarifs est une autre source d’iniquité sociale, le prix facturé par Électricité du Liban (EDL) étant inférieur à son coût de revient. Cette subvention a un effet régressif, bénéficiant davantage aux gros consommateurs qu’aux petits, particulièrement ceux qui vivent dans les régions les plus alimentées par EDL. Les grands consommateurs de la capitale, qui sont généralement les plus aisés, apparaissent donc comme les principaux bénéficiaires d’une subvention qui coûte très cher au contribuable libanais.
Le différentiel entre le prix de vente et le coût de production, combiné au phénomène de fraude massive, est à l’origine du déficit colossal accusé chaque année par EDL et couvert par le Trésor. Selon le Fonds monétaire international, entre 2006 et 2014, les transferts à la compagnie publique ont représenté chaque année 4,5 % du PIB en moyenne, comptant pour plus de 40 % du stock de la dette publique.
Après des années de tergiversation, le gouvernement a pourtant adopté en 2010 un plan de redressement du secteur. Soumis par le ministre de l’époque, Gebran Bassil, il comprenait une série de mesures pour combler le déficit de production d’une part et le déficit financier de l’autre. Mais il n’a été que très partiellement appliqué. Si, en façade, le plan a fait l’objet d’un consensus, les faits révèlent des blocages à tous les niveaux dans un climat de défiance entre les différents blocs politiques, en particulier entre le ministère des Finances relevant du mouvement Amal et celui de l’Énergie aux mains du Courant patriotique libre. Collectivement, la classe politique a une nouvelle fois laissé la réforme s’enliser, privilégiant comme toujours ses intérêts propres au détriment de ceux des citoyens.
Encouragé par l’élection de Michel Aoun à la tête du pays, le nouveau ministre veut aujourd’hui actualiser le plan de 2010 et accélérer sa mise en œuvre, s’inscrivant dans la continuité de celui dont il était le conseiller il y a six ans. À l’heure de passer sous presse, des mesures d’urgence devaient incessamment être soumises en Conseil des ministres pour améliorer l’approvisionnement durant la saison estivale, mais dans les grandes lignes, César Abi Khalil entend poursuivre le chemin tracé par Gebran Bassil, en misant sur des conditions politiques favorables pour réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué. S’il n’y parvient pas, les Libanais sauront que – quelles que soient les configurations – ils n’ont rien à attendre de la classe politique actuelle.
L’enjeu de cette réforme est considérable pour le pays. Plus de 20 ans après la fin de la guerre civile, le Liban a été classé 135e sur 139 pays en termes de qualité de l’électricité dans le dernier rapport du Forum économique mondial sur la compétitivité. La Banque mondiale rappelle régulièrement aux autorités libanaises qu’un approvisionnement médiocre tend à ralentir la croissance économique, voire à la contracter. Dans un sondage réalisé par l’institution en 2009, les trois quarts des entreprises libanaises citaient en effet l’électricité comme le principal obstacle à leur compétitivité. Plus de 90 % d’entre elles sont contraintes de posséder ou de partager un générateur privé qui leur coûte en moyenne l’équivalent de 6 % de leurs ventes. Les ménages sont tout aussi affectés. Le recours aux générateurs a fait grimper leur facture électrique moyenne à 1 290 dollars en 2014, dont les deux tiers vont aux propriétaires de générateurs. Ces derniers prospèrent dans l’illégalité, générant près de 1,7 milliard de dollars par an, soit 3,7 % du PIB de 2014.
Pour ne rien arranger, le poids des solutions palliatives est réparti de façon injuste. Les habitants des régions défavorisées sont soumis à un rationnement plus sévère que ceux des régions développées (Beyrouth par exemple bénéficie de 21 heures de courant par jour, contre 13 heures dans le Sud), ils subissent donc un coût plus élevé.
La subvention des tarifs est une autre source d’iniquité sociale, le prix facturé par Électricité du Liban (EDL) étant inférieur à son coût de revient. Cette subvention a un effet régressif, bénéficiant davantage aux gros consommateurs qu’aux petits, particulièrement ceux qui vivent dans les régions les plus alimentées par EDL. Les grands consommateurs de la capitale, qui sont généralement les plus aisés, apparaissent donc comme les principaux bénéficiaires d’une subvention qui coûte très cher au contribuable libanais.
Le différentiel entre le prix de vente et le coût de production, combiné au phénomène de fraude massive, est à l’origine du déficit colossal accusé chaque année par EDL et couvert par le Trésor. Selon le Fonds monétaire international, entre 2006 et 2014, les transferts à la compagnie publique ont représenté chaque année 4,5 % du PIB en moyenne, comptant pour plus de 40 % du stock de la dette publique.
Après des années de tergiversation, le gouvernement a pourtant adopté en 2010 un plan de redressement du secteur. Soumis par le ministre de l’époque, Gebran Bassil, il comprenait une série de mesures pour combler le déficit de production d’une part et le déficit financier de l’autre. Mais il n’a été que très partiellement appliqué. Si, en façade, le plan a fait l’objet d’un consensus, les faits révèlent des blocages à tous les niveaux dans un climat de défiance entre les différents blocs politiques, en particulier entre le ministère des Finances relevant du mouvement Amal et celui de l’Énergie aux mains du Courant patriotique libre. Collectivement, la classe politique a une nouvelle fois laissé la réforme s’enliser, privilégiant comme toujours ses intérêts propres au détriment de ceux des citoyens.
Encouragé par l’élection de Michel Aoun à la tête du pays, le nouveau ministre veut aujourd’hui actualiser le plan de 2010 et accélérer sa mise en œuvre, s’inscrivant dans la continuité de celui dont il était le conseiller il y a six ans. À l’heure de passer sous presse, des mesures d’urgence devaient incessamment être soumises en Conseil des ministres pour améliorer l’approvisionnement durant la saison estivale, mais dans les grandes lignes, César Abi Khalil entend poursuivre le chemin tracé par Gebran Bassil, en misant sur des conditions politiques favorables pour réussir là où ses prédécesseurs avaient échoué. S’il n’y parvient pas, les Libanais sauront que – quelles que soient les configurations – ils n’ont rien à attendre de la classe politique actuelle.