Alors que la croissance a été presque nulle en 2016, les finances publiques continuent de se détériorer, ce qui inquiète plus d’un observateur. Le déficit public s’est creusé à cinq milliards de dollars, soit près de 10 % du PIB, tandis que la dette culminait en fin d’année à 75 milliards, soit 144 % du PIB.
L’état des finances publiques s’est aggravé en 2016, le déficit ayant culminé, en valeur absolue, à un plus haut historique de près de cinq milliards de dollars ‒ dépassant ainsi de 17 %, le plus haut atteint en 2013. Ce creusement découle d’une hausse des dépenses (+9,9 %) couplée à une croissance plus modeste des recettes de l’État (+3,6 %).
Les dépenses publiques ont totalisé 14,9 milliards de dollars, dont 12,9 milliards de dépenses budgétaires (+7,8 %). Parmi ces dernières, le service de la dette s’est taillé la part du lion (4,8 milliards, +6,9 %) tandis que les transferts à EDL ont totalisé 927 millions de dollars en 2016, en baisse de 18,3 %sur un an, en raison de la baisse des cours du brut. Quant aux recettes, elles ont atteint 9,9 milliards de dollars, dont 7 milliards de recettes fiscales et 2,3 milliards de recettes budgétaires non fiscales (+2,6 % chacune). Les revenus du Trésor ont augmenté de 21 %, à 643 millions de dollars.
« Pas de pic en termes relatifs »
Le déficit public s’était déjà fortement aggravé en 2012, lorsqu’il avait augmenté, en un an – et pour la première fois depuis au moins la fin de la guerre civile ‒ de 2,3 à environ 4 milliards de dollars (+67,7 %), sous l’effet du choc de la crise syrienne et de l’afflux massif de réfugiés. En 2016, la progression en rythme annuel était moins forte, mais tout de même élevée à +25,1 %. « Le creusement du déficit l’an dernier est dû à quatre facteurs majeurs : d’abord, l’embauche d’environ 5 000 nouveaux fonctionnaires au cours des trois dernières années au sein de l’armée et des multiples appareils sécuritaires de l’État, ensuite, l’augmentation mécanique du service de la dette, auxquels s’ajoutent, enfin, des montants croissants liés aux pensions et indemnités de fin de service et des dépenses supplémentaires, en termes de santé et d’éducation, liées à la présence des réfugiés », explique une source ministérielle sous le couvert de l’anonymat.
Selon elle, la situation n’est toutefois pas alarmante, en dépit de quelques “inquiétudes”. « Certes, il s’agit d’un pic en termes absolus. Mais en valeur relative, le ratio déficit/PIB a connu auparavant des niveaux plus élevés, notamment dans les années 1990. Il ne s’agit donc pas d’un pic. »
Le déficit représentait 9,5 % du PIB en 2016, contre 7,8 % en 2015 et 8,9 % en 2013, « un niveau dangereusement élevé », selon Nassib Ghobril, chef du département de recherches de la Byblos Bank. Quant au solde primaire – qui exclut le service de la dette –, il a enregistré un excédent de 21 millions de dollars en 2016 ‒ en chute néanmoins de 97 % sur un an. « Si le Liban a réussi à maintenir une certaine stabilité financière au cours du dernier quart de siècle, les vulnérabilités macroéconomiques et financières ne cessent de s’accumuler au fil des ans », met en garde le Fonds monétaire international dans son rapport intitulé “Financial System Stability Assessment”. « Les politiques de la Banque centrale ont aidé à maintenir un certain niveau de confiance, mais un ajustement budgétaire est nécessaire pour réduire le risque d’une détérioration de la stabilité financière », ajoute le FMI, qui prévoit un creusement supplémentaire du déficit public au cours des cinq prochaines années, à 10,5 % du PIB en 2021. En parallèle, le déficit de la balance courante évolue au-dessus de 15 % du PIB sur la même période, selon les projections, ce qui consacre la situation de “ déficits jumeaux” du pays qui accentue la vulnérabilité interne et externe du Liban, étant donné son impact potentiel sur la valeur de la monnaie et par conséquent la stabilité monétaire.
Stabilisation du déficit en 2017
L’un des points d’achoppement du débat sur la révision de la grille des salaires dans le secteur public, qui fait l’objet d’un projet de loi en discussion au Parlement, concerne son impact sur le déficit public. L’adoption de la nouvelle grille impliquerait des dépenses annuelles supplémentaires d’environ 800 millions de dollars. « Mais les réformes fiscales proposées en contrepartie couvrent amplement ce coût. Si elles ne sont pas adoptées dans leur intégralité, la grille ne le sera pas non plus », assure-t-on au ministère des Finances. Le déficit ne devrait donc pas continuer à s’aggraver en 2017, selon les estimations du gouvernement, qui tablent sur un solde négatif de 4,83 milliards de dollars dans le projet de budget transmis au Parlement le 12 avril. En revanche, une réduction du déficit n’est pas non plus à l’ordre du jour. Elle dépend de « l’adoption de réformes structurelles, d’une amélioration de la gouvernance générale et d’un soutien conjoncturel par la communauté internationale pour faire face au défi des réfugiés, dit-on au ministère des Finances. Le Liban a réclamé l’an dernier à la conférence de Londres une aide budgétaire d’un demi-milliard de dollars sur cinq ans, en sus des 3,2 milliards de crédits subventionnés, mais nous n’avons rien encaissé pour l’instant. »
En attendant, la dette publique continue d’augmenter en valeurs absolue et relative. Fin 2016, le stock d’endettement s’élevait à 75 milliards de dollars, soit 144 % du PIB, contre respectivement 70 milliards et 138 % un an plus tôt. L’agence Fitch a donc dégradé la note souveraine du pays à B- en juillet 2016, tandis que Moody’s a maintenu la note à B2, abaissée depuis décembre 2014. Face à cet accroissement de la dette, l’État tente de profiter des conditions encore favorables sur le marché international pour subvenir à ses besoins de financement et remplacer la vieille dette contractée à des taux d’intêret élevés par des nouveaux instruments moins onéreux, tout en rallongeant les maturités.
En 2016, l’État a ainsi procédé à deux opérations, dont une émission d’eurobonds d’un milliard de dollars, ainsi qu’un “swap” de dette avec la BDL d’un montant de deux milliards de dollars.
Ces opérations ont été suivies par une nouvelle émission en mars 2017 d’une valeur globale de 3 milliards de dollars, à des taux variant entre 6,85 % et 7,25 % selon les tranches d’eurobonds, et dont 1,75 milliard sont dus entre 2032 et 2037.
Mais pour le FMI, cette gestion sans doute avantageuse à certains égards n’est pas suffisante pour juguler le problème de la dette, qui devrait atteindre 160 % en 2021, avec des besoins bruts de financement d’environ 40 % du PIB au-delà des cinq prochaines années, contre 30 % à l’heure actuelle. « La croissance économique ne devrait pas atteindre des niveaux suffisamment importants pour compenser cette trajectoire ascendante principalement attribuable aux déficits budgétaires importants et au profil de maturité » de la nouvelle dette, souligne l’institution.
Cette détérioration est-elle susceptible d’amener l’État à faire défaut ? Au ministère des Finances, on continue de se montrer rassurant, en insistant sur le fait, qu’à la différence de la Grèce par exemple, les créanciers du Liban sont très majoritairement libanais, notamment à travers les banques libanaises. La dette domestique représente, en effet, 62,5 % de la dette globale, tandis que les banques et la BDL détiennent à elles seules 53 % du montant total des engagements. « Certes, nous sommes dans une zone de vulnérabilité, mais rien ne présage une grave détérioration à moyen terme, d’autant que les fondamentaux économiques n’ont pas connu de changement majeur », affirme-t-on au ministère.
Les dépenses publiques ont totalisé 14,9 milliards de dollars, dont 12,9 milliards de dépenses budgétaires (+7,8 %). Parmi ces dernières, le service de la dette s’est taillé la part du lion (4,8 milliards, +6,9 %) tandis que les transferts à EDL ont totalisé 927 millions de dollars en 2016, en baisse de 18,3 %sur un an, en raison de la baisse des cours du brut. Quant aux recettes, elles ont atteint 9,9 milliards de dollars, dont 7 milliards de recettes fiscales et 2,3 milliards de recettes budgétaires non fiscales (+2,6 % chacune). Les revenus du Trésor ont augmenté de 21 %, à 643 millions de dollars.
« Pas de pic en termes relatifs »
Le déficit public s’était déjà fortement aggravé en 2012, lorsqu’il avait augmenté, en un an – et pour la première fois depuis au moins la fin de la guerre civile ‒ de 2,3 à environ 4 milliards de dollars (+67,7 %), sous l’effet du choc de la crise syrienne et de l’afflux massif de réfugiés. En 2016, la progression en rythme annuel était moins forte, mais tout de même élevée à +25,1 %. « Le creusement du déficit l’an dernier est dû à quatre facteurs majeurs : d’abord, l’embauche d’environ 5 000 nouveaux fonctionnaires au cours des trois dernières années au sein de l’armée et des multiples appareils sécuritaires de l’État, ensuite, l’augmentation mécanique du service de la dette, auxquels s’ajoutent, enfin, des montants croissants liés aux pensions et indemnités de fin de service et des dépenses supplémentaires, en termes de santé et d’éducation, liées à la présence des réfugiés », explique une source ministérielle sous le couvert de l’anonymat.
Selon elle, la situation n’est toutefois pas alarmante, en dépit de quelques “inquiétudes”. « Certes, il s’agit d’un pic en termes absolus. Mais en valeur relative, le ratio déficit/PIB a connu auparavant des niveaux plus élevés, notamment dans les années 1990. Il ne s’agit donc pas d’un pic. »
Le déficit représentait 9,5 % du PIB en 2016, contre 7,8 % en 2015 et 8,9 % en 2013, « un niveau dangereusement élevé », selon Nassib Ghobril, chef du département de recherches de la Byblos Bank. Quant au solde primaire – qui exclut le service de la dette –, il a enregistré un excédent de 21 millions de dollars en 2016 ‒ en chute néanmoins de 97 % sur un an. « Si le Liban a réussi à maintenir une certaine stabilité financière au cours du dernier quart de siècle, les vulnérabilités macroéconomiques et financières ne cessent de s’accumuler au fil des ans », met en garde le Fonds monétaire international dans son rapport intitulé “Financial System Stability Assessment”. « Les politiques de la Banque centrale ont aidé à maintenir un certain niveau de confiance, mais un ajustement budgétaire est nécessaire pour réduire le risque d’une détérioration de la stabilité financière », ajoute le FMI, qui prévoit un creusement supplémentaire du déficit public au cours des cinq prochaines années, à 10,5 % du PIB en 2021. En parallèle, le déficit de la balance courante évolue au-dessus de 15 % du PIB sur la même période, selon les projections, ce qui consacre la situation de “ déficits jumeaux” du pays qui accentue la vulnérabilité interne et externe du Liban, étant donné son impact potentiel sur la valeur de la monnaie et par conséquent la stabilité monétaire.
Stabilisation du déficit en 2017
L’un des points d’achoppement du débat sur la révision de la grille des salaires dans le secteur public, qui fait l’objet d’un projet de loi en discussion au Parlement, concerne son impact sur le déficit public. L’adoption de la nouvelle grille impliquerait des dépenses annuelles supplémentaires d’environ 800 millions de dollars. « Mais les réformes fiscales proposées en contrepartie couvrent amplement ce coût. Si elles ne sont pas adoptées dans leur intégralité, la grille ne le sera pas non plus », assure-t-on au ministère des Finances. Le déficit ne devrait donc pas continuer à s’aggraver en 2017, selon les estimations du gouvernement, qui tablent sur un solde négatif de 4,83 milliards de dollars dans le projet de budget transmis au Parlement le 12 avril. En revanche, une réduction du déficit n’est pas non plus à l’ordre du jour. Elle dépend de « l’adoption de réformes structurelles, d’une amélioration de la gouvernance générale et d’un soutien conjoncturel par la communauté internationale pour faire face au défi des réfugiés, dit-on au ministère des Finances. Le Liban a réclamé l’an dernier à la conférence de Londres une aide budgétaire d’un demi-milliard de dollars sur cinq ans, en sus des 3,2 milliards de crédits subventionnés, mais nous n’avons rien encaissé pour l’instant. »
En attendant, la dette publique continue d’augmenter en valeurs absolue et relative. Fin 2016, le stock d’endettement s’élevait à 75 milliards de dollars, soit 144 % du PIB, contre respectivement 70 milliards et 138 % un an plus tôt. L’agence Fitch a donc dégradé la note souveraine du pays à B- en juillet 2016, tandis que Moody’s a maintenu la note à B2, abaissée depuis décembre 2014. Face à cet accroissement de la dette, l’État tente de profiter des conditions encore favorables sur le marché international pour subvenir à ses besoins de financement et remplacer la vieille dette contractée à des taux d’intêret élevés par des nouveaux instruments moins onéreux, tout en rallongeant les maturités.
En 2016, l’État a ainsi procédé à deux opérations, dont une émission d’eurobonds d’un milliard de dollars, ainsi qu’un “swap” de dette avec la BDL d’un montant de deux milliards de dollars.
Ces opérations ont été suivies par une nouvelle émission en mars 2017 d’une valeur globale de 3 milliards de dollars, à des taux variant entre 6,85 % et 7,25 % selon les tranches d’eurobonds, et dont 1,75 milliard sont dus entre 2032 et 2037.
Mais pour le FMI, cette gestion sans doute avantageuse à certains égards n’est pas suffisante pour juguler le problème de la dette, qui devrait atteindre 160 % en 2021, avec des besoins bruts de financement d’environ 40 % du PIB au-delà des cinq prochaines années, contre 30 % à l’heure actuelle. « La croissance économique ne devrait pas atteindre des niveaux suffisamment importants pour compenser cette trajectoire ascendante principalement attribuable aux déficits budgétaires importants et au profil de maturité » de la nouvelle dette, souligne l’institution.
Cette détérioration est-elle susceptible d’amener l’État à faire défaut ? Au ministère des Finances, on continue de se montrer rassurant, en insistant sur le fait, qu’à la différence de la Grèce par exemple, les créanciers du Liban sont très majoritairement libanais, notamment à travers les banques libanaises. La dette domestique représente, en effet, 62,5 % de la dette globale, tandis que les banques et la BDL détiennent à elles seules 53 % du montant total des engagements. « Certes, nous sommes dans une zone de vulnérabilité, mais rien ne présage une grave détérioration à moyen terme, d’autant que les fondamentaux économiques n’ont pas connu de changement majeur », affirme-t-on au ministère.