Le bilan de l’année 2016 est plutôt négatif, même si certains signaux laissent espérer la fin d’une série noire entamée en 2011. En l’absence de réformes structurelles, les pronostics restent cependant mitigés pour 2017.
À l’instar de celle qui l’a précédée, l’année 2016 a été globalement mauvaise pour l’économie, en dépit de l’amélioration relative de certains indicateurs ainsi que des éclaircies politiques en fin de période. Avec une croissance anémique de 1 %, une confiance toujours au ras des pâquerettes – en dépit d’une légère progression –, et un déficit public historique, les principaux indicateurs de référence étaient dans le rouge, consacrant l’état d’asphyxie économique dans laquelle se trouve le Liban depuis 2011, qui coïncide avec le début du conflit syrien.
Dans une note publiée en janvier 2017, le Fonds monétaire international dresse un bilan négatif, s’inquiétant d’un environnement politique toujours “difficile”, en dépit de l’élection d’un chef d’État et de la formation d’un nouveau gouvernement après des mois de vacance institutionnelle. Sur le plan économique, « la crise syrienne continue de peser sur les perspectives (..). Quant à la croissance du PIB, elle est toujours modérée, tandis que le fardeau de la dette ne cesse d’augmenter, en dépit d’excédents primaires modestes », souligne l’institution.
Les principaux moteurs traditionnels de croissance – tourisme, activité immobilière, investissements directs étrangers (IDE) et secteur bancaire – restent, en effet, en panne, voire en léger redémarrage. C’est le cas des IDE, par exemple, dont le recul s’est poursuivi l’an dernier. Ils ont ainsi atteint 4,3 % du PIB, contre 4,6 % un an plus tôt et 14 % en 2009. « Si on considère uniquement les “Green Field Direct Investments”, à savoir les nouveaux projets, ils avaient déjà reculé à 75 millions de dollars en 2015, soit le plus bas niveau parmi 18 pays arabes, et ont atteint 35 millions entre avril 2015 et avril 2016 », souligne Nassib Ghobril, chef du département de recherches de la Byblos Bank. Des chiffres qui reflètent la faiblesse du niveau des investissements en 2016, même si les chiffres pour toute l’année ne sont pas encore disponibles.
Léger frémissement du tourisme
Sur le plan touristique, le bilan est plus nuancé ; le nombre de visiteurs a augmenté de 11,2 %, à 1,7 million, marquant une certaine amélioration en glissement annuel. Mais on reste loin du pic de 2,2 millions de touristes atteint en 2010, tandis que les hôtels 4 et 5 étoiles ont enregistré un taux d’occupation moyen de 59 %, contre 58 % en 2015, selon une étude du cabinet international Deloitte & Touche. Cette quasi-stagnation est due à un changement de la cartographie touristique, les ressortissants du Golfe, traditionnellement principaux consommateurs de services hôteliers et de biens durables et non durables, ayant davantage boudé le pays du Cèdre l’an dernier. Si les visiteurs arabes ont représenté dans l’ensemble 31 % du nombre global de touristes, ceux en provenance du Koweït, du Qatar, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes Unis (EAU) n’ont pesé que 3,6 % du total, contre 6 % en 2015 et un pic de 18,6 % en 2009, tandis que leurs dépenses ont reculé de 13 % en 2016, selon Global Blue, la société chargée de restituer la TVA. Toutes nationalités confondues, les ventes détaxées ont, quant à elles, reculé en moyenne de 2 % par an sur la période 2013-2016, selon la même source. La situation devrait néanmoins s’améliorer quelque peu en 2017. D’après un rapport du Conseil mondial du tourisme, l’industrie devrait croître, en termes réels, de 2,8 % cette année et peser ainsi de manière directe à hauteur de 7,1 % du PIB, contre 10 % en 2010.
L’immobilier en berne
Quant à l’activité immobilière, elle est frappée de plein fouet par la désertion progressive des expatriés et de la clientèle arabe au cours des six dernières années – cette dernière étant même passée du côté de l’offre, en liquidant une partie des biens qu’elle détient sur le marché. Le nombre de ventes immobilières a seulement augmenté de 1,4 % sur un an, à 64 248 transactions – contre 94 202 en 2010, soit une baisse de 31,8 % en six ans – , dont 1 124 ventes à des étrangers, en repli de 19,4 % sur un an et de 41,5 % comparé à 2010 – le plus bas niveau depuis dix ans. En parallèle, la valeur globale des transactions s’est élevée à 8,48 milliards de dollars, contre 9,48 milliards en 2010, sous le double effet quantitatif et prix : ces derniers auraient reculé l’an dernier entre 10 % et 25 %, selon les professionnels du secteur. Preuve de ces difficultés, les permis de construire ont encore cédé du terrain, accusant une baisse annuelle de 0,9 % et de 30,6 % par rapport à 2010, tandis que les mesures prises par la Banque du Liban, notamment l’émission de la circulaire n° 427, autorisant les banques locales à fournir des facilités de crédit aux sociétés immobilières qui souhaitent acquérir des propriétés, ont révélé au grand jour des craintes croissantes suscitées par l’un des plus gros secteurs de l’économie. Autre indicateur d’une dynamique en panne : le stock d’invendus qui « continue d’augmenter », selon Guillaume Boudisseau, alors que celui-ci s’élevait déjà à 450 millions de dollars en 2014 « dans quelques quartiers de la capitale seulement », précise l’expert.
Les professionnels du secteur ainsi que leurs syndicats craignent, par ailleurs, un maintien de la configuration actuelle, à l’ombre d’une possible hausse des impôts relatifs au secteur dans le projet de budget 2017, notamment l’introduction d’une taxe de 15 % sur la plus-value immobilière, toujours en cours de discussion au sein du Parlement.
L’activité bancaire se maintient
Troisième moteur traditionnel de la création de richesses, le secteur bancaire a continué de bien se tenir en 2016, avec des résultats notamment dopés par les opérations d’ingénierie financière de la BDL. Les profits des 14 plus grands établissements – dont les dépôts excèdent 2 milliards de dollars – ont atteint 2,3 milliards de dollars, soit 300 millions de dollars de plus qu’en 2015.
Selon le FMI, ces opérations de “swaps”, qui ont porté sur la vente de 13 milliards de dollars d’eurobonds ainsi que d’autres titres en devises aux banques, en contrepartie de l’achat par la Banque centrale d’un montant équivalent de bons du Trésor en livres à 0 % – avec partage des bénéfices à parts égales – a permis l’injection de cinq milliards de dollars de capitaux dans les banques, soit 10 % du PIB. « Cette opération a contribué à dynamiser la performance du secteur, les banques collectant davantage de liquidités en provenance de l’étranger », affirme Marwan Barakat, chef du département de recherche à la Bank Audi.
Résultat : les dépôts ont augmenté de 10,9 milliards de dollars ‒ dont « 8 milliards au deuxième semestre, dans le sillage de l’opération en question », selon Nassib Ghobril, soit une croissance annuelle de 7,2 % ‒ tandis que les actifs totaux ont grimpé à 204,3 milliards fin décembre, en hausse de 9,9 % sur un an. Cette croissance du bilan était ainsi « de 78 % supérieure à celle de 2015 et de 61 % à l’évolution moyenne des cinq dernières années », écrit la Bank Audi dans son rapport annuel sur l’état de l’économie libanaise.
Autre conséquence de l’opération : « La BDL a demandé aux banques d’allouer les recettes générées par les swaps à des provisions collectives en préparation de l’IFRS 9 que les banques sont tenues d’appliquer à partir de 2018 », précise Marwan Barakat, en référence à la nouvelle méthode du mode de provisionnement des créances adoptée à l’échelle mondiale. L’élargissement de la base des dépôts n’a pas été toutefois sans coût pour les banques, notamment pour les dépôts en dollars, lesquels ont compté pour 80 % de la croissance observée en 2016. Résultat : le taux d’intérêt moyen sur ces dépôts a progressé à 3,48 % au quatrième trimestre de 2016, contre 3,18 % au cours de la même période de 2015, selon les chiffres de l’Association des banques au Liban (ABL). Cette pression a été catalysée, en parallèle, par la hausse de 50 points de base du taux directeur de la Réserve fédérale au cours des deux dernières années.
Par ailleurs, la progression des dépôts ne s’est pas traduite par une hausse de l’activité d’emprunt, accentuant la charge à assumer par les banques. Si, en valeur absolue, les crédits au secteur privé résident et non résident ont progressé de 4,9 % à 57,2 milliards de dollars, la “production” nette de nouveaux prêts s’est élevée à 2,7 milliards de dollars, contre 3,3 milliards en 2015, reflétant une prudence croissante parmi les investisseurs mais également les banques dans un contexte encore délétère en 2016.
« Les crédits au secteur privé ont même connu une évolution négative au cours des deux premiers mois de 2017. Ils ont reculé de 172 millions de dollars, contre une hausse de 333 millions au cours de la même période en 2016. En parallèle, la qualité des portefeuilles continue de se détériorer même si les créances douteuses n’ont pas augmenté en proportion. Mais cela est dû à une plus grande coopération avec les emprunteurs, conformément à un accord avec la BDL », ajoute Nassib Ghobril.
L’exposition des banques à la dette souveraine a été réduite de 8,1 % – à la suite de l’opération de swaps de la BDL ‒ à 34,7 milliards de dollars fin 2016. En revanche, les placements dans les certificats de dépôts en dollars ont doublé, en raison de l’ingénierie financière, pour atteindre 21,9 milliards de dollars. « Si l’exposition des banques à la dette publique s’est réduite, celle à la Banque centrale s’est amplifiée, atteignant près de 88 milliards, contre 57 milliards au secteur privé et 35 milliards au secteur public. Je ne sais si l’on peut vraiment s’en réjouir », souligne Nassib Ghobril.
Amélioration de la situation monétaire
Le principal impact positif de l’ingénierie financière – qui a fait couler beaucoup d’encre (voir Le Commerce du Levant n° 5687) – est d’avoir stoppé la dégradation de la balance des paiements et contribué à stabiliser la situation monétaire.
Au premier semestre 2016, la balance des paiements affichait un déficit de 1,8 milliard de dollars, avant d’enregistrer un excédent de 3 milliards au second semestre. « Sans l’opération de swaps, l’année se serait clôturée sur un déficit », affirme Nassib Ghobril. Depuis la fin de la guerre, entre 1993 et 2010, la balance des paiements avait été longtemps positive, à l’exception des années 1998, 2000 et 2001. Ces déficits avaient à l’époque suscité une forte inquiétude et l’appel à l’aide de la communauté internationale (conférences de Paris). D’où l’inquiétude liée à la dégradation de ce solde, qui a atteint un plus bas en 2015 à -3,4 milliards après un excédent historique en 2009 de 7,9 milliards de dollars. Pour Marwan Barakat, cette embellie devrait prévaloir en 2017 aussi, les deux premiers mois de l’année étant excédentaires de 509 millions de dollars. « Les swaps de la BDL ont renforcé ses avoirs extérieurs qui ont atteint 40,7 milliards de dollars en décembre 2016, soit 74 % de la masse monétaire en livres et 26 mois d’importations (…) Cela renforce la résilience monétaire et par extension celle du système financier », souligne Marwan Barakat.
En mai 2016, ces avoirs avaient reculé de 10 % en rythme annuel, à 35 milliards de dollars, tandis que les flux de capitaux s’amoindrissaient à vue d’œil.
Conséquence de la décision prise par la Banque centrale, ces flux ont bondi de 44 % l’an dernier, à près de 17 milliards de dollars, contre 11,8 milliards en 2015, engendrant le premier excédent de la balance des paiements depuis 2010.
Pour le chef du département de recherche à la Bank Audi, cet inversement de tendance n’est pas ponctuel et devrait se poursuivre l’an prochain, grâce à « l’amélioration des conditions politico-économiques ». « Nous prévoyons une croissance de 20 % des flux financiers en 2017 », dit-il, se réjouissant de la hausse de 57 % des entrées de capitaux observée déjà sur les deux premiers mois de l’année en cours.
Fin de la tendance désinflationniste
Par ailleurs, la dynamique de désinflation amorcée en 2013 semble toucher à sa fin. Selon les pronostics du FMI, les prix devraient progresser de 2 % cette année après avoir affiché une évolution négative en 2016 (-0,7 %) et 2015 (-3,8 %). La baisse progressive des prix, après des années d’inflation assez soutenue – celle-ci s’élevait encore à 6,6 % en 2012 – était le fruit de trois facteurs combinés : la chute de l’euro, le fort repli des cours mondiaux de pétrole et une demande interne en berne. Ces trois éléments étaient toujours réunis en 2016. Le taux de change euro/livre a reculé à 1 596 fin décembre, contre 2 075 trois ans plus tôt, soit une baisse de 23 %, dans un pays à l’économie dollarisée et dont 40 % des importations proviennent de l’Union européenne. Quant au pétrole, il évoluait encore sous la barre des 50 dollars l’an dernier, alors que le Liban importe 95 % de ses besoins en énergie. Si ces deux facteurs ne devraient pas connaître d’évolution majeure en 2017, la demande interne devrait, elle, se raviver, à la faveur d’une meilleure conjoncture politique, et tirer ainsi les prix vers le haut, quoique dans une faible mesure. « Il s’agit d’une évolution positive, d’un point de vue économique, car la baisse des prix, quoique favorable aux ménages, en termes de pouvoir d’achat, peut impliquer, lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, un cercle vicieux nocif pour la croissance et l’emploi », note Nassib Ghobril.
Ratio exportations/importations : au plus bas depuis 2001
Sur un autre plan, le maintien d’un euro faible et de prix pétroliers relativement bas a continué de se répercuter positivement sur le solde commercial, qui a accusé un déficit de 15,7 milliards de dollars, en hausse de 4,1 % sur un an, mais loin derrière les 17,3 milliards enregistrés en 2013. Ce faible accroissement du déficit par rapport à 2015 découle d’une augmentation des importations, à 18,7 milliards de dollars (+3,5 %) couplée à une plus faible croissance des exportations (+0,8 %). La hausse de la valeur des produits importés est due, en partie, à une augmentation des importations pétrolières, en dépit de la baisse du prix de l’or noir. En effet, celles-ci ont atteint 7,98 milliards de dollars l’an dernier, en hausse de 4,1 %, sous un effet quantitatif, le prix moyen du baril de Brent ayant reculé à 43,5 dollars en 2016 contre 52,3 dollars en 2015. Quant aux exportations, elles sont toujours pénalisées, en sus des facteurs structurels liés à une faible compétitivité, par la fermeture de la frontière syrienne et des difficultés subséquentes d’acheminement de la marchandise locale vers les pays arabes. Les exportations ont reculé d’un pic de 4,5 milliards de dollars en 2012 à moins de 3 milliards l’an dernier, réduisant le taux de couverture exportations/importations à 15,9 %, son plus bas niveau depuis 2001. Celui-ci avait évolué au-dessus de 20 % jusqu’en 2012, atteignant même un pic en 2006, à 24,3 %.
Dans une note publiée en janvier 2017, le Fonds monétaire international dresse un bilan négatif, s’inquiétant d’un environnement politique toujours “difficile”, en dépit de l’élection d’un chef d’État et de la formation d’un nouveau gouvernement après des mois de vacance institutionnelle. Sur le plan économique, « la crise syrienne continue de peser sur les perspectives (..). Quant à la croissance du PIB, elle est toujours modérée, tandis que le fardeau de la dette ne cesse d’augmenter, en dépit d’excédents primaires modestes », souligne l’institution.
Les principaux moteurs traditionnels de croissance – tourisme, activité immobilière, investissements directs étrangers (IDE) et secteur bancaire – restent, en effet, en panne, voire en léger redémarrage. C’est le cas des IDE, par exemple, dont le recul s’est poursuivi l’an dernier. Ils ont ainsi atteint 4,3 % du PIB, contre 4,6 % un an plus tôt et 14 % en 2009. « Si on considère uniquement les “Green Field Direct Investments”, à savoir les nouveaux projets, ils avaient déjà reculé à 75 millions de dollars en 2015, soit le plus bas niveau parmi 18 pays arabes, et ont atteint 35 millions entre avril 2015 et avril 2016 », souligne Nassib Ghobril, chef du département de recherches de la Byblos Bank. Des chiffres qui reflètent la faiblesse du niveau des investissements en 2016, même si les chiffres pour toute l’année ne sont pas encore disponibles.
Léger frémissement du tourisme
Sur le plan touristique, le bilan est plus nuancé ; le nombre de visiteurs a augmenté de 11,2 %, à 1,7 million, marquant une certaine amélioration en glissement annuel. Mais on reste loin du pic de 2,2 millions de touristes atteint en 2010, tandis que les hôtels 4 et 5 étoiles ont enregistré un taux d’occupation moyen de 59 %, contre 58 % en 2015, selon une étude du cabinet international Deloitte & Touche. Cette quasi-stagnation est due à un changement de la cartographie touristique, les ressortissants du Golfe, traditionnellement principaux consommateurs de services hôteliers et de biens durables et non durables, ayant davantage boudé le pays du Cèdre l’an dernier. Si les visiteurs arabes ont représenté dans l’ensemble 31 % du nombre global de touristes, ceux en provenance du Koweït, du Qatar, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes Unis (EAU) n’ont pesé que 3,6 % du total, contre 6 % en 2015 et un pic de 18,6 % en 2009, tandis que leurs dépenses ont reculé de 13 % en 2016, selon Global Blue, la société chargée de restituer la TVA. Toutes nationalités confondues, les ventes détaxées ont, quant à elles, reculé en moyenne de 2 % par an sur la période 2013-2016, selon la même source. La situation devrait néanmoins s’améliorer quelque peu en 2017. D’après un rapport du Conseil mondial du tourisme, l’industrie devrait croître, en termes réels, de 2,8 % cette année et peser ainsi de manière directe à hauteur de 7,1 % du PIB, contre 10 % en 2010.
L’immobilier en berne
Quant à l’activité immobilière, elle est frappée de plein fouet par la désertion progressive des expatriés et de la clientèle arabe au cours des six dernières années – cette dernière étant même passée du côté de l’offre, en liquidant une partie des biens qu’elle détient sur le marché. Le nombre de ventes immobilières a seulement augmenté de 1,4 % sur un an, à 64 248 transactions – contre 94 202 en 2010, soit une baisse de 31,8 % en six ans – , dont 1 124 ventes à des étrangers, en repli de 19,4 % sur un an et de 41,5 % comparé à 2010 – le plus bas niveau depuis dix ans. En parallèle, la valeur globale des transactions s’est élevée à 8,48 milliards de dollars, contre 9,48 milliards en 2010, sous le double effet quantitatif et prix : ces derniers auraient reculé l’an dernier entre 10 % et 25 %, selon les professionnels du secteur. Preuve de ces difficultés, les permis de construire ont encore cédé du terrain, accusant une baisse annuelle de 0,9 % et de 30,6 % par rapport à 2010, tandis que les mesures prises par la Banque du Liban, notamment l’émission de la circulaire n° 427, autorisant les banques locales à fournir des facilités de crédit aux sociétés immobilières qui souhaitent acquérir des propriétés, ont révélé au grand jour des craintes croissantes suscitées par l’un des plus gros secteurs de l’économie. Autre indicateur d’une dynamique en panne : le stock d’invendus qui « continue d’augmenter », selon Guillaume Boudisseau, alors que celui-ci s’élevait déjà à 450 millions de dollars en 2014 « dans quelques quartiers de la capitale seulement », précise l’expert.
Les professionnels du secteur ainsi que leurs syndicats craignent, par ailleurs, un maintien de la configuration actuelle, à l’ombre d’une possible hausse des impôts relatifs au secteur dans le projet de budget 2017, notamment l’introduction d’une taxe de 15 % sur la plus-value immobilière, toujours en cours de discussion au sein du Parlement.
L’activité bancaire se maintient
Troisième moteur traditionnel de la création de richesses, le secteur bancaire a continué de bien se tenir en 2016, avec des résultats notamment dopés par les opérations d’ingénierie financière de la BDL. Les profits des 14 plus grands établissements – dont les dépôts excèdent 2 milliards de dollars – ont atteint 2,3 milliards de dollars, soit 300 millions de dollars de plus qu’en 2015.
Selon le FMI, ces opérations de “swaps”, qui ont porté sur la vente de 13 milliards de dollars d’eurobonds ainsi que d’autres titres en devises aux banques, en contrepartie de l’achat par la Banque centrale d’un montant équivalent de bons du Trésor en livres à 0 % – avec partage des bénéfices à parts égales – a permis l’injection de cinq milliards de dollars de capitaux dans les banques, soit 10 % du PIB. « Cette opération a contribué à dynamiser la performance du secteur, les banques collectant davantage de liquidités en provenance de l’étranger », affirme Marwan Barakat, chef du département de recherche à la Bank Audi.
Résultat : les dépôts ont augmenté de 10,9 milliards de dollars ‒ dont « 8 milliards au deuxième semestre, dans le sillage de l’opération en question », selon Nassib Ghobril, soit une croissance annuelle de 7,2 % ‒ tandis que les actifs totaux ont grimpé à 204,3 milliards fin décembre, en hausse de 9,9 % sur un an. Cette croissance du bilan était ainsi « de 78 % supérieure à celle de 2015 et de 61 % à l’évolution moyenne des cinq dernières années », écrit la Bank Audi dans son rapport annuel sur l’état de l’économie libanaise.
Autre conséquence de l’opération : « La BDL a demandé aux banques d’allouer les recettes générées par les swaps à des provisions collectives en préparation de l’IFRS 9 que les banques sont tenues d’appliquer à partir de 2018 », précise Marwan Barakat, en référence à la nouvelle méthode du mode de provisionnement des créances adoptée à l’échelle mondiale. L’élargissement de la base des dépôts n’a pas été toutefois sans coût pour les banques, notamment pour les dépôts en dollars, lesquels ont compté pour 80 % de la croissance observée en 2016. Résultat : le taux d’intérêt moyen sur ces dépôts a progressé à 3,48 % au quatrième trimestre de 2016, contre 3,18 % au cours de la même période de 2015, selon les chiffres de l’Association des banques au Liban (ABL). Cette pression a été catalysée, en parallèle, par la hausse de 50 points de base du taux directeur de la Réserve fédérale au cours des deux dernières années.
Par ailleurs, la progression des dépôts ne s’est pas traduite par une hausse de l’activité d’emprunt, accentuant la charge à assumer par les banques. Si, en valeur absolue, les crédits au secteur privé résident et non résident ont progressé de 4,9 % à 57,2 milliards de dollars, la “production” nette de nouveaux prêts s’est élevée à 2,7 milliards de dollars, contre 3,3 milliards en 2015, reflétant une prudence croissante parmi les investisseurs mais également les banques dans un contexte encore délétère en 2016.
« Les crédits au secteur privé ont même connu une évolution négative au cours des deux premiers mois de 2017. Ils ont reculé de 172 millions de dollars, contre une hausse de 333 millions au cours de la même période en 2016. En parallèle, la qualité des portefeuilles continue de se détériorer même si les créances douteuses n’ont pas augmenté en proportion. Mais cela est dû à une plus grande coopération avec les emprunteurs, conformément à un accord avec la BDL », ajoute Nassib Ghobril.
L’exposition des banques à la dette souveraine a été réduite de 8,1 % – à la suite de l’opération de swaps de la BDL ‒ à 34,7 milliards de dollars fin 2016. En revanche, les placements dans les certificats de dépôts en dollars ont doublé, en raison de l’ingénierie financière, pour atteindre 21,9 milliards de dollars. « Si l’exposition des banques à la dette publique s’est réduite, celle à la Banque centrale s’est amplifiée, atteignant près de 88 milliards, contre 57 milliards au secteur privé et 35 milliards au secteur public. Je ne sais si l’on peut vraiment s’en réjouir », souligne Nassib Ghobril.
Amélioration de la situation monétaire
Le principal impact positif de l’ingénierie financière – qui a fait couler beaucoup d’encre (voir Le Commerce du Levant n° 5687) – est d’avoir stoppé la dégradation de la balance des paiements et contribué à stabiliser la situation monétaire.
Au premier semestre 2016, la balance des paiements affichait un déficit de 1,8 milliard de dollars, avant d’enregistrer un excédent de 3 milliards au second semestre. « Sans l’opération de swaps, l’année se serait clôturée sur un déficit », affirme Nassib Ghobril. Depuis la fin de la guerre, entre 1993 et 2010, la balance des paiements avait été longtemps positive, à l’exception des années 1998, 2000 et 2001. Ces déficits avaient à l’époque suscité une forte inquiétude et l’appel à l’aide de la communauté internationale (conférences de Paris). D’où l’inquiétude liée à la dégradation de ce solde, qui a atteint un plus bas en 2015 à -3,4 milliards après un excédent historique en 2009 de 7,9 milliards de dollars. Pour Marwan Barakat, cette embellie devrait prévaloir en 2017 aussi, les deux premiers mois de l’année étant excédentaires de 509 millions de dollars. « Les swaps de la BDL ont renforcé ses avoirs extérieurs qui ont atteint 40,7 milliards de dollars en décembre 2016, soit 74 % de la masse monétaire en livres et 26 mois d’importations (…) Cela renforce la résilience monétaire et par extension celle du système financier », souligne Marwan Barakat.
En mai 2016, ces avoirs avaient reculé de 10 % en rythme annuel, à 35 milliards de dollars, tandis que les flux de capitaux s’amoindrissaient à vue d’œil.
Conséquence de la décision prise par la Banque centrale, ces flux ont bondi de 44 % l’an dernier, à près de 17 milliards de dollars, contre 11,8 milliards en 2015, engendrant le premier excédent de la balance des paiements depuis 2010.
Pour le chef du département de recherche à la Bank Audi, cet inversement de tendance n’est pas ponctuel et devrait se poursuivre l’an prochain, grâce à « l’amélioration des conditions politico-économiques ». « Nous prévoyons une croissance de 20 % des flux financiers en 2017 », dit-il, se réjouissant de la hausse de 57 % des entrées de capitaux observée déjà sur les deux premiers mois de l’année en cours.
Fin de la tendance désinflationniste
Par ailleurs, la dynamique de désinflation amorcée en 2013 semble toucher à sa fin. Selon les pronostics du FMI, les prix devraient progresser de 2 % cette année après avoir affiché une évolution négative en 2016 (-0,7 %) et 2015 (-3,8 %). La baisse progressive des prix, après des années d’inflation assez soutenue – celle-ci s’élevait encore à 6,6 % en 2012 – était le fruit de trois facteurs combinés : la chute de l’euro, le fort repli des cours mondiaux de pétrole et une demande interne en berne. Ces trois éléments étaient toujours réunis en 2016. Le taux de change euro/livre a reculé à 1 596 fin décembre, contre 2 075 trois ans plus tôt, soit une baisse de 23 %, dans un pays à l’économie dollarisée et dont 40 % des importations proviennent de l’Union européenne. Quant au pétrole, il évoluait encore sous la barre des 50 dollars l’an dernier, alors que le Liban importe 95 % de ses besoins en énergie. Si ces deux facteurs ne devraient pas connaître d’évolution majeure en 2017, la demande interne devrait, elle, se raviver, à la faveur d’une meilleure conjoncture politique, et tirer ainsi les prix vers le haut, quoique dans une faible mesure. « Il s’agit d’une évolution positive, d’un point de vue économique, car la baisse des prix, quoique favorable aux ménages, en termes de pouvoir d’achat, peut impliquer, lorsqu’elle s’inscrit dans la durée, un cercle vicieux nocif pour la croissance et l’emploi », note Nassib Ghobril.
Ratio exportations/importations : au plus bas depuis 2001
Sur un autre plan, le maintien d’un euro faible et de prix pétroliers relativement bas a continué de se répercuter positivement sur le solde commercial, qui a accusé un déficit de 15,7 milliards de dollars, en hausse de 4,1 % sur un an, mais loin derrière les 17,3 milliards enregistrés en 2013. Ce faible accroissement du déficit par rapport à 2015 découle d’une augmentation des importations, à 18,7 milliards de dollars (+3,5 %) couplée à une plus faible croissance des exportations (+0,8 %). La hausse de la valeur des produits importés est due, en partie, à une augmentation des importations pétrolières, en dépit de la baisse du prix de l’or noir. En effet, celles-ci ont atteint 7,98 milliards de dollars l’an dernier, en hausse de 4,1 %, sous un effet quantitatif, le prix moyen du baril de Brent ayant reculé à 43,5 dollars en 2016 contre 52,3 dollars en 2015. Quant aux exportations, elles sont toujours pénalisées, en sus des facteurs structurels liés à une faible compétitivité, par la fermeture de la frontière syrienne et des difficultés subséquentes d’acheminement de la marchandise locale vers les pays arabes. Les exportations ont reculé d’un pic de 4,5 milliards de dollars en 2012 à moins de 3 milliards l’an dernier, réduisant le taux de couverture exportations/importations à 15,9 %, son plus bas niveau depuis 2001. Celui-ci avait évolué au-dessus de 20 % jusqu’en 2012, atteignant même un pic en 2006, à 24,3 %.