Pour le gouverneur de la Banque centrale, le secteur bancaire est même un des seuls à produire encore de la performance. Il lui manque cependant la dimension “affaires”…

Comment voyez-vous l’évolution de la banque libanaise dans les métiers de la banque universelle ?
La Banque du Liban a émis des circulaires qui ont effectivement conduit à réorganiser le cadre d’action des banques et elles ont évolué dans ce sens. Les banques libanaises sont devenues des banques universelles, de par la multiplicité des produits qu’elles offrent. Il y a 7 ans, il n’y avait pas de produits bancaires à proprement parler. La banque était un “endroit“ pour les dépôts et le crédit commercial essentiellement. Aujourd’hui elle offre des services qui vont de la carte de crédit à la banque électronique à la gestion de portefeuilles et aux services de banque privée. Et même s’il n’y a pas vraiment une culture de banque d’affaires, les prêts à moyen terme existent.

Pourquoi dites-vous que cette culture de banque d’affaires est inexistante ?
Parce que la banque d’affaires a une culture spécifique. Celle de l’ingénierie financière et du montage d’un produit qui est revendu après sur le marché.
Plusieurs donnes jouent en défaveur du développement de cette culture. J’en cite pêle-mêle :
• L’absence de marchés de capitaux liquides.
• Le fait que les banques, qui sont originairement des banques commerciales, font de la syndication plutôt que des émissions pour le public.
• Le concept de l’arbitrage entre le placement que la banque effectue elle-même versus les intérêts qu’elle paie aux déposants.
• Le fait que ces banques sont toujours sous l’influence du montant de leurs dépôts.
Tout cela m’amène à dire qu’une banque commerciale peut difficilement être une banque d’affaires. D’ailleurs, l’expérience de par le monde est probante dans ce sens : les banques commerciales entreprennent d’acquérir des banques d’affaires parce qu’elles ne peuvent pas elles-mêmes réaliser la mutation. Idem en ce qui concerne la culture de banque privée, qui signifie que l’on offre derrière un bureau et non un comptoir des produits diversifiés.
Or, les banques commerciales, pour pouvoir accéder à ces services, sont en train de faire du marketing pour des fonds de placement qui sont émis par des banques internationales.

Comment voyez-vous le positionnement banque libanaise vs banque étrangère sur le marché de Beyrouth ?
Les 3 banques étrangères établies depuis longtemps au Liban, qui ont la confiance de ce marché et qui continuent d’opérer sur cette renommée, ne contrôlent pas plus de 20 % de ce marché. Il est difficile de concurrencer sur son marché la banque libanaise, qui a déployé des efforts considérables ces dernières années. Nous autres, à la BDL, poursuivons simultanément deux objectifs qui ne se rejoignent pas toujours. Nous estimons en effet qu’il est très important que la place de Beyrouth soit ouverte à l’implantation des banques étrangères. Et nous encourageons également l’ouverture du secteur bancaire libanais à la participation des étrangers à travers des représentations, des branches ou des participations dans l’actionnariat, d’autant plus que le monde des finances est globalisé.
Par ailleurs, le Liban a une situation propre. Si le centre de décision de toutes les banques libanaises va se retrouver à l’étranger, il se peut que l’on nous impose des normes et des contraintes allant à l’encontre des intérêts de l’économie libanaise. Il nous faut donc sauvegarder un secteur bancaire libanais indépendant.

La banque libanaise est-elle toujours un acteur important dans la vie économique du pays ?
En dépit de la morosité ambiante, le secteur bancaire reste un des seuls à produire de la performance. Il est également à remarquer qu’en l’absence de marchés de capitaux, les crédits au secteur privé ont quand même évolué considérablement. En effet, en 1994, ils représentaient 40 % du PIB. Ils sont actuellement à 88 % du PIB. Le paquet des crédits s’élève ainsi à 15 milliards de dollars.