Selon le dernier rapport du Fonds monétaire international (FMI) sur les “Perspectives de l’économie mondiale”, la croissance à l’échelle planétaire devrait atteindre 3,5 % en 2017 et 3,6 % en 2018, contre 3,1 % l’an dernier. Cette croissance, encore relativement modérée, sera notamment portée par une amélioration de la situation dans les pays en développement et émergents – notamment exportateurs de produits de base, dont les prix devraient progresser, ainsi que par une accélération de la croissance aux États-Unis et des perspectives plus optimistes en Europe. Globalement, la « croissance restera néanmoins timide dans beaucoup de pays avancés », tempère l’institution de Bretton Woods, tandis que la reprise « reste vulnérable à une série de risques », dont l’adoption de mesures protectionnistes par la première puissance économique mondiale. Cela pourrait entraîner, d’après le FMI, une « guerre commerciale » et menacer « l’intégration économique et l’ordre mondial ». L’institution reconnaît toutefois que l’éventuel repli des pays sur eux-mêmes et la montée des populismes, susceptible de peser sur la croissance globale, puisent leurs sources dans la persistance de failles structurelles, « telles qu’une croissance faible de la productivité et des inégalités de revenu prononcées », auxquelles il faudra coûte que coûte remédier. Un éventuel « démantèlement agressif de la réglementation financière » constitue un autre risque majeur, estime le FMI, après la mise en place de plusieurs garde-fous depuis la débâcle internationale de 2008 visant à empêcher de nouvelles crises systémiques. Ce projet est porté par le nouveau président américain qui a déjà lancé en février le détricotage de la régulation financière menée par son prédécesseur, en signant deux décrets ciblant la loi Dodd-Frank adoptée en 2010 par le Congrès.
Dernière incertitude, et pas des moindres : la persistance des tensions géopolitiques, le terrorisme et les incidents sécuritaires ainsi qu’une détérioration de la gouvernance et une montée de la corruption dans le monde, en sus d’événements climatiques extrêmes, souligne enfin le FMI.

États-Unis : entre tremplin et “trumpisme”

Principal moteur de l’économie mondiale, les États-Unis devraient afficher une croissance de 2,3 % cette année et de 2,5 % en 2018, contre 1,6 % en 2016. Cette reprise reste toutefois fragile, en dépit de l’amélioration de nombreux indicateurs macroéconomiques, dont notamment un taux de chômage à son plus bas niveau depuis 16 ans (4,3 % au mois de mai). « Cette situation de plein-emploi contraste toutefois avec la qualité de la reprise et celle des emplois créés qui restent assez précaires (…) Cela se reflète d’ailleurs au niveau des salaires, toujours bas, alors qu’ils devraient, théoriquement, augmenter en termes nominaux avec la baisse du chômage », souligne l’économiste Paul Douaihy.
Selon lui, quatre incertitudes pèsent, en parallèle, sur l’économie américaine, et, par ricochet, sur la performance mondiale. « La première est liée à certaines réformes promises par le nouveau président, dont une politique budgétaire expansionniste ainsi qu’une baisse du taux d’imposition sur les sociétés. Cela a sans doute des avantages, mais risque d’alimenter l’inflation et de provoquer une réaction de la part de la Fed, susceptible de réduire la demande et les investissements », souligne-t-il. Une crainte partagée par d’autres économistes et institutions, dont le FMI qui met en garde contre « un relèvement des taux plus rapide que prévu aux États-Unis », parmi les principaux risques qui guettent l’économie mondiale dans les mois à venir. Quant à la deuxième incertitude, elle réside dans le choix prochain de cinq des sept membres du conseil des gouverneurs de la Réserve fédérale par le président américain qui n’a eu de cesse de critiquer la Fed et sa présidente Janet Yellen lors de sa campagne. « L’indépendance et la crédibilité de ces nouveaux gouverneurs auront un impact majeur sur la politique monétaire et l’économie américaines », souligne Paul Douaihy, selon lequel, deux autres variables s’invitent également à l’équation, à savoir le protectionnisme et les incertitudes géopolitiques. Le retrait de Washington de l’accord de Paris sur le climat a été interprété par certains comme le prélude à une révision, voire une rupture, de certains accords dans l’arène commerciale. Quant à la politique étrangère, elle oscille entre le slogan “America first”, l’un des plus réputés de la campagne électorale de Trump, et une volonté d’interventionnisme, notamment au Moyen-Orient. Reflétant ces incertitudes, voire l’incohérence du début du nouveau mandat présidentiel, le marché financier américain réagit d’ailleurs « de manière schizophrène, avec une bourse qui jubile et un marché obligataire qui anticipe le pire, à travers des taux d’intérêt toujours bas. Sans doute l’un des deux se trompe », assure Paul Douaihy.

Europe : des perspectives dominées par le Brexit

Dans le Vieux Continent, les perspectives, assombries l’été dernier par la décision du Royaume-Uni de sortir de l’Union européenne, suivie d’une montée des partis d’extrême droite dans plusieurs pays, se sont timidement améliorées avec l’affermissement de certains indicateurs macroéconomiques, sous l’effet de la politique d’assouplissement de la BCE lancée en janvier 2015, et des résultats électoraux, notamment en France et aux Pays-Bas, ayant affaibli la marée populiste et rassuré les investisseurs quant à la pérennité du projet européen. Mais la prudence reste largement de mise. Cela se reflète d’ailleurs au niveau des prévisions de croissance. Le FMI table sur un taux de 2 % au sein de l’UE en 2017 et de 1,8 % en 2018 – contre 2 % en 2016 et 2,4 % en 2015. Quant à la zone euro, la croissance ne devrait pas dépasser 1,7 % cette année et 1,6 % l’an prochain, contre 2 % en 2015.
Parmi les “Big four” de l’UE – après la sortie des Britanniques –, l’Espagne devrait afficher cette année le taux de progrès du PIB le plus élevé (2,6 % contre néanmoins 3,2 % en 2016 et 2015), suivie de l’Allemagne (1,6 %), de la France (1,4 %) et de l’Italie (0,8 %). Cette dernière pâtit d’incertitudes politiques, sous l’effet de la montée du parti populiste et eurosceptique connu sous le nom “Mouvement cinq étoiles” – désavoué toutefois aux élections municipales le mois dernier – et des craintes sur la solidité du secteur bancaire dont les créances douteuses atteignent désormais 80 milliards d’euros. « L’Italie pourrait être le prochain cygne noir en Europe, tandis qu’ailleurs, la Grèce n’est toujours pas sortie d’affaire et l’issue du Brexit reste incertaine », souligne Paul Douaihy. À plus long terme, si le retrait de l’UE s’avère avantageux pour le Royaume-Uni, « il risque même de s’imposer comme un modèle à suivre et augmenter ainsi le risque d’éclatement de l’Europe », ajoute l’économiste. Les élections en Allemagne en septembre prochain seront également marquées par le débat sur l’Europe.
Par ailleurs, si les tensions géopolitiques liées à l’Ukraine se sont relativement estompées, l’Europe reste confrontée au dossier épineux de l’immigration ainsi qu’à l’insécurité croissante sur son territoire, avec une multiplication des attentats dans plusieurs villes et capitales.
Enfin, l’influence positive du plan de rachats d’actifs de la Banque centrale européenne (“Quantitative Easing” ou QE) sur la croissance est devenue presque nulle, selon une étude de la BCE publiée en juin. Une rallonge d’un an du programme, dont l’enveloppe s’élèvera à 2 300 milliards d’euros jusqu’en septembre prochain, reste toutefois envisageable, selon la Société générale.
Ces multiples donnes ne découragent pas pour autant les investisseurs, désormais plus accommodants avec l’Europe qu’avec le marché américain. « La situation politique en Europe s’éclaircit, nous ne sommes pas inquiets quant aux résultats du prochain scrutin en Allemagne, tandis que la croissance économique reste modérée, certes, mais elle est solide », souligne Christina Azouri, conseillère en placements au CA Indosuez Switzerland.

Japon : un début de sortie du tunnel ?

Dans l’archipel nippon, les effets des multiples rounds de l’“Abenomics” commencent à peine à porter leurs fruits, plus de quatre ans après le lancement de ce vaste programme par le Premier ministre Shinzo Abe fin 2012, basé sur une relance budgétaire couplée à une politique monétaire expansionniste, dans le but de mettre fin à une stagnation qui dure depuis deux décennies et un long cycle déflationniste. La croissance devrait ainsi atteindre 1,2 % en 2017, avant de chuter toutefois à 0,6 % l’an prochain, selon les pronostics du FMI. Au premier trimestre de l’année en cours, le taux de croissance avait déjà enregistré une hausse de 0,5 % par rapport au trimestre précédent.
La sortie progressive du tunnel tardait à se produire, la croissance ayant évolué autour de 1 % au cours des dernières années, atteignant même un plus bas à 0,3 % en 2014.
Dans ce contexte, l’objectif d’une inflation à 2 % fixé par la Banque centrale semble encore assez loin. Celle-ci aura atteint 1 % en moyenne sur la période 2013-2017, d’ici à la fin de l’année. En novembre, la Banque du Japon a d’ailleurs repoussé à mars 2019 la date prévue pour rattraper ce seuil à partir duquel elle cesserait d’injecter des liquidités sur le marché. La fin de l’Abenomics n’est donc pas pour demain.

Pays émergents : l’Asie, une zone de forte croissance

Quant à la croissance dans les pays émergents et en développement, elle devrait s’élever à 4,5 % cette année et 4,8 % l’an prochain, contre 4,1 % en 2016, après deux années de fortes turbulences, notamment en Russie et en Amérique latine. Celle-ci reste néanmoins fortement contrastée entre les différents groupes d’un ensemble de plus en plus hétérogène. Ainsi, la croissance dans les pays d’Asie devrait atteindre 6,4 % cette année, portée notamment par les économies chinoise (6,6 %) et indienne (7,2 %), tandis que le PIB global de la communauté des États indépendants (Russie incluse) devrait progresser de 1,7 % – contre 0,3 % en 2016 et -2,2 % en 2015 – et la croissance en Amérique latine atteindre seulement 1,1 %, selon les prévisions du FMI. Dans ces deux derniers groupes, la Russie verra son PIB augmenter de 1,4 % – contre des taux de croissance négatifs de 0,2 % et 2,8 % en 2016 et 2015, respectivement –, tandis que le Brésil, frappé par l’une des pires crises économiques, couplée à des incertitudes politiques, devrait timidement renouer avec une croissance positive (+0,2 %), après deux années de baisse du PIB (-3,6 % et -3,8 %, respectivement). « L’adoption de la réforme du système de retraites au Brésil serait, en revanche, annonciatrice d’un véritable changement de cap », souligne Christina Azouri.
C’est le Venezuela qui reste néanmoins le pays le plus menacé et menaçant pour le continent, avec des perspectives de croissances négatives au moins jusqu’en 2022, selon les prévisions du FMI. Le PIB devrait ainsi encore reculer de 7,4 % cette année, après un repli de 18 % en 2016, tandis que l’inflation ne cesse de battre des records face à une dévaluation historique du bolivar. Celle-ci devrait atteindre 720 % en 2017, après avoir déjà culminé à 255 % en 2016.
Enfin en Afrique, notamment la zone subsaharienne, une reprise modeste est prévue avec une croissance de 2,6 % cette année et de 3,5 % en 2018 selon le FMI, contre 1,4 % l’an dernier. Cette amélioration est liée, entre autres, au redressement de la production pétrolière et une augmentation de l’investissement public au Nigeria et un rebond des prix des produits de base à l’international ayant profité à l’Afrique du Sud.