Le Golf Club du Liban exploite depuis 1963 un terrain
de 225 000 mètres carrés à Ouzaï, appartenant à la Direction de l’aviation civile, en échange de 1 100 livres par an. Mais son contrat avec l’État arrive à échéance fin septembre.
Depuis la butte qui domine les 225 000 m2 du club de golf de Beyrouth, seul le bruit des klaxons laisse deviner l’agitation du trafic caractéristique de la banlieue sud. Au loin, les constructions anarchiques sont à moitié dissimulées par un mur de béton délimitant l’un des rares espaces verts préservés de la ville. En plein milieu d’Ouzaï, le Golf Club du Liban semble être un lieu hors du temps, tout comme le contrat qui le lie à l’État, propriétaire de la parcelle. Conclu en 1963 suite à une adjudication publique, et jamais amendé depuis, ce contrat “d’investissement agricole” permet au Golf Club d’exploiter le terrain, autrefois sablonneux, pour 1 100 livres par an. « À l’époque, la Direction de l’aviation civile cherchait à résoudre le problème des tempêtes de sable qui menaçaient la sécurité des avions, raconte l’un des membres du comité exécutif du Golf Club, Robert Prince. Le club a donc proposé de planter le terrain et de l’entretenir, tout en développant la pratique du golf dans le pays. »
Le contrat, d’une durée initiale de sept ans, a toujours été renouvelé à échéance, dernièrement en 2010, sur décision du Conseil des ministres, sans que les conditions ne soient remises en question. Prochaine échéance : le 29 septembre. « Le ministère des Travaux publics souhaite renouveler l’accord avec le Golf Club dans les mêmes termes, affirme le ministre de tutelle de la Direction de l’aviation civile, Youssef Fenianos. Il s’agit d’un bel espace vert, nous devons continuer à l’entretenir. » Cette proposition a été soumise début août en Conseil des ministres, mais à l’heure de passer sous presse, le sujet n’avait toujours pas été débattu. « L’organisation d’un nouvel appel d’offres n’est pas exclue », souligne toutefois le ministre, comme pour répondre à ceux qui critiquent l’accord avec le club, notamment le président de la municipalité de Ghobeiry, qui s’est dit prêt à débourser davantage à l’État pour reprendre le terrain. « Le golf est certes important au Liban, mais les citoyens ont aussi le droit d’avoir un espace vert auquel ils peuvent accéder », affirme Maan Khalil.
Le club assure que l’accès au parcours est gratuit et ouvert à toute personne souhaitant découvrir le golf, mais ce n’est pas le cas des nombreuses autres activités développées au fil des ans. Au parcours de 18 trous sont venus se greffer une piscine, sept cours de tennis, un terrain de squash, un demi-terrain de football, un autre de basket et une aire de jeux pour les enfants, qui ne sont accessibles en revanche qu’à une poignée de privilégiés. Le ticket d’entrée pour devenir membre du club est de 10 000 dollars par individu, ou 15 000 dollars par famille, auxquels s’ajoutent des frais annuels qui vont de 250 dollars pour un enfant à 2 500 dollars pour un adulte. Avec 4 000 adhérents en 2017, le club assure pourtant ne pas être rentable. « Notre résultat annuel est négatif, affirme Robert Prince. Nous réalisons 2,7 millions de dollars de revenus par an pour 3 millions de dollars de dépenses. La totalité des cotisations sont réinvesties pour entretenir et développer le site. »
Selon lui, le montant total des investissements réalisés jusque-là avoisine les 55 millions de dollars. « Où étaient ceux qui nous critiquent en 1982 lorsqu’il a fallu reconstruire le terrain après les bombardements israéliens, où étaient-ils après la guerre de 2006 ? » « La vraie question, poursuit-il, est de savoir si l’on continuera à faire exister le golf au Liban. Retirer le seul parcours tout juste aux normes internationales reviendrait à signer l’arrêt de mort de ce sport dans notre pays. » Pour certains, l’enjeu va toutefois au-delà du sport. « Il n’y a aucun parc public dans la banlieue de Beyrouth, souligne Mohammad Ayoub, directeur de l’ONG Nahnoo. L’Organisation mondiale de la santé recommande au moins 9 m2 d’espaces verts par habitant. À Beyrouth, ce chiffre est de 0,4 m2. Le peu d’espace public disponible doit être rendu à la population », affirme-t-il.
« Peut-être faudrait-il donner accès au lieu à un plus grand nombre de personnes, concède de son côté Youssef Fenianos. Des propositions sont à l’étude pour voir si cela est possible », dit le ministre, sans pour autant s’étendre sur les options envisagées.