Les principaux importateurs d’alcool s’associent pour une initiative qui vise à recycler 15 % des déchets enfouis à ce jour dans des décharges.
Le ministre de l’environnement l’assure : le Liban, qui recycle moins de 10 % des 7000 tonnes de détritus produites par jour, ne connaît « aucune crise des déchets ». On se demande alors ce qui a bien piqué Diageo, les Etablissements Antoine Massoud (EAM) le groupe Gabriel Bocti et Fattal. Ensemble, ces quatre grands groupes de distribution, viennent d’investir 180 000 dollars pour mener à bien l’opération «In good Spirit : Lebanon’s bottle recovery program».
L’initiative entend récupérer dans les bars, les restaurants ou les boîtes de nuit, les bouteilles (verres et plastiques) usagées pour leur donner une seconde vie, en les transformant en un matériaux éco-friendly, qui servira à fabriquer des dalles ou des pavés pour la construction de routes, de maisons. «On peut imaginer toutes sortes d’usage», fait valoir George Rbeiz, patron de Diageo Moyen-Orient - Afrique du Nord, véritable cheville ouvrière du projet. «On peut aussi s’en servir pour produire des bancs, des tables, des décorations…».
Un demi-million de bouteilles recyclées
En 2018, 500 000 bouteilles devraient être recyclées, soit environ 15 % du total en circulation dans le secteur de l'hôtellerie et du tourisme (bars, restaurants...) Mais le regroupement d’importateurs table à terme sur deux et trois millions de bouteilles qui ne partiront plus en décharge. Pour démarrer, Diageo, EAM, Bocti et Fattal installent en ce moment même 140 bennes à ordures dans environ 80 restaurants ou bars de Beyrouth et du Mont Liban. «On étendra ensuite notre action», ajoute Ziad Karam de Diageo. Arcenciel, qui collecte déjà quelque 3000 tonnes de plastique par an, est chargée de ramasser et de recycler ces bouteilles.
L’association est rétribuée pour sa mission (montant non communiqué). «Le produit de la vente de ces matériaux recyclés – quand celle-ci débutera – contribuera en plus à nos budgets», ajoute Mario Goraieb, responsable Environment de l'association Arcenciel. Car nos quatre mousquetaires ne se contentent pas de récupérer verres et plastiques. Plus important encore, ils font renaître une filière de valorisation des déchets.
Depuis la fermeture de la dernière usine capable de recycler des verres, bombardée en 2006, le verre - qui est pourtant un matériau éminemment recyclable - est mis en décharge. Quant au plastique, l’usine de la Quarantaine étant fermée depuis sa reprise en 2017 par le groupe AlJihad for contracting and Commerce (JCC), c’est une quantité infinitésimale qui se trouve aujourd’hui recyclée. Pourtant, ensemble, ils représentent 15 % des déchets ménagers collectés au Liban.
«La technique choisie est celle d’une société égyptienne Development Inc, installée à Beyrouth depuis 2015. Si le savoir-faire existe plus ou moins ailleurs ; ce qui en revanche n’a pas de concurrents, c’est la possibilité de mixer plastique et verre dans un même matériaux. Ainsi, nous sommes 60 % moins cher que nos concurrents ! Si notre projet abouti, nous pourrions très vite projeter l’ouverture de centres de retraitement des déchets de ce type dans d’autres pays, notamment Européens. Un premier projet est en cours d’étude en Espagne», assure Mohammed Daoud, directeur du développement chez Arcenciel.
Reste un épineux problème : à ce jour, la législation en vigueur dans la construction ou les travaux publics n’autorise pas l’emploi de ce genre de produits. «Si le syndicat des ingénieurs ne suit pas, l’autre solution possible sera alors l’exportation», assure Mario Goraieb.
Lutter contre les contrefaçons Si l’initiative intervient d’abord dans la cadre d’une valorisation des déchets, elle a aussi d’intéressantes répercussions sur un autre fléau, propre, cette fois, au monde des alcools et des spiritueux. Celui de la contrefaçon. En récupérant en amont les bouteilles d’alcools vides, les importateurs espère avoir trouvé là un moyen de lutter contre le marché noir. Certains contrebandiers réutilisent en effet ces bouteilles pour les remplir à nouveau d’alcool bas de gamme ou frelaté. Pas de chiffres officiels, mais les professionnels estiment que la contrefaçon représente une perte de 7 à 10% des ventes totales du secteur. « Ainsi, nous faisons d’une pierre deux coups », conclut George Rbeiz de Diageo. |