Selon la Lebanese League for Women in Business, les femmes représentent moins de 1 % des conseils d’administration au Liban, contre 12 % dans le monde. Pour sensibiliser le monde des affaires à ce sujet, la Société financière internationale (SFI), du groupe Banque mondiale, a organisé début décembre des sessions de formation, en partenariat avec Tamayyaz, une société de conseils en entreprise libanaise. Entretien avec Loty Salazar, experte en gouvernance d’entreprise auprès de la SFI, et Brenda Bowman, formatrice professionnelle.
Pourquoi les femmes sont-elles sous-représentées dans les conseils d’administration ?
Loty Salazar : Selon une étude du cabinet Deloitte, les femmes représentent 12 % des conseils d’administration dans le monde. Seuls 4 % des CEO ou des présidents du conseil d’administration sont des femmes. Malgré des politiques contraignantes, la sous-représentation des femmes reste une constante générale dans le monde. Les raisons ? Elles sont variées : manque de réseaux, de mentors, pression culturelle qui veut que la femme choisisse sa vie familiale plutôt que professionnelle, réticence psychologique à la réussite… Sans parler des inégalités de salaires entre hommes et femmes, qui se creusent avec l'âge, et le fameux “plafond de verre” qui pèse toujours très lourd dans la carrière des femmes… J’insisterais toutefois sur un fait : les femmes manquent de confiance dans leurs capacités. Elles n’osent pas valoriser leurs accomplissements. Or, pour arriver à des postes-clés, il faut convaincre ses pairs, la plupart du temps masculins. Il faut savoir se vendre auprès d’une direction qui dans la plupart des cas n’imagine pas une femme à un poste à responsabilité. Les hommes ne voient pas forcément les femmes comme des professionnelles, aptes à diriger.
Pourquoi faut-il que les femmes accèdent aux conseils d’administration ?
Brenda Bowman : C’est à ce niveau que se décide la stratégie de l’entreprise. Or, avoir au moins un tiers de femmes dans les conseils d’administration permet de changer “l’intelligence collective” de l’entreprise et d’influer sur son comportement. Contrairement à un homme, une femme ne se contente pas de données comptables pour prendre une décision ; elle porte davantage d’attention à des éléments comme la réputation de la marque ou l’éthique de l’entreprise. Ses décisions s’avèrent déterminées par des paramètres plus variés. Sans oublier le fait que sa présence permet de mieux anticiper les attentes de la clientèle féminine vis-à-vis des produits ou des services que l’entreprise distribue.
Loty Salazar : Selon une étude réalisée par l’entreprise américaine MSCI, les entreprises avec au moins 30 % de femmes dans leur instance dirigeante ont un retour sur investissement supérieur de 2,7 points aux autres.
Par ailleurs, l’existence d’une politique paritaire dans l’entreprise est vue comme un signe positif pour les investisseurs. En Australie, par exemple, l’existence d’une politique de parité pour l’entreprise est un prérequis pour être cotée en Bourse, surtout si elle veut recevoir des financements extérieurs.
Quelle est la situation au Liban et comment la faire évoluer ?
Loty Salazar : Dans la région Mena, en général, les entreprises n’ont pas mis en place des politiques qui favorisent l’emploi des femmes ou l’évolution de leur carrière. Au Liban, les femmes ne représentent que 24 % de la population active, alors qu’elles sont formées et très éduquées. Les entreprises pourraient lutter contre cette “déperdition” en accordant un vrai congé maternité, en mettant en place des outils qui leur permettent d’évoluer au même titre que les hommes… Instaurer un quota contraignant pourrait aussi être, selon moi, une initiative intéressante pour le Liban. Cette mesure permettrait au moins de donner de la “visibilité” à l’absence des femmes dans les instances dirigeantes des entreprises libanaises et de prendre conscience du problème.