Wassef et Racha Haroun ont fait du renversement de situation un art de vivre. Ce ne sont pourtant pas des intellectuels : c’est les mains dans l’huile d’olive et le nez dans la mouneh qu’ils révolutionnent le monde. Ensemble, ils dirigent Mamnoon, un restaurant primé de Seattle et chapeautent le groupe Mama, un conglomérat de restaurants revisitant les classiques de la cuisine arabe.

Virtuoses du métissage, le couple était de passage à Beyrouth avec leur équipe. « Nous voulions leur donner une expérience culturelle », assure Wassef Haroun. Si ce voyage était important, c’est que le restaurateur tient à préserver l’authenticité du goût et “l’art de recevoir” levantin dans ses établissements outre-Atlantique.

Figures gastronomiques

Wassef et Racha Haroun s’étaient également invités dans les cuisines de Massaya à Faqra pour une soirée unique. Ceux qui y ont participé peuvent le dire : le duo invite à des figures gastronomiques capables de troubler les rêves des plus grands exploiteurs de la gastronomie levantine.

«Ils sont respectueux de la tradition, attentifs aux goûts qu’ils cherchent en permanence à rehausser», explique Joe Saadé, propriétaire du vignoble Terre Joie (Békaa) qui les suit depuis plusieurs années. « Ils innovent. C’est la voie que devrait prendre la cuisine levantine pour se hisser plus haut.»


Ce métissage appartient à leur histoire personnelle. Né en Syrie, Wassef a vécu à Beyrouth avant de filer aux États-Unis là où il rencontre Racha née à Londres d’un père syrien et d’une mère iranienne.

À l’époque, Wassef est ingénieur chez Microsoft. Sa carrière l’entraîne à Abou Dhabi, à Paris et dans tous les États-Unis. 

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En 2010, de retour à Seattle, il vend sa compagnie de technologie. C’est alors qu’ils décident d’investir dans leur premier restaurant : Mamnoon. Un terme commun aux langues perse et arabe qui signifie “reconnaissant”. L’idée est bien sûr de faire connaître la cuisine levantine aux Américains, mais ils cherchent “quelque chose” qui les rattache à leur pays d’origine tout en trouvant un moyen d’aider les réfugiés syriens. C’est aussitôt un succès. Dans un décor décontracté, qui accueille 120 convives, le couple réinterprète des recettes traditionnelles pour une somme raisonnable, 50 dollars en soirée.

Une cuisine énergisante

Leur idée de génie ? Créer un “comptoir” de vente à emporter à l’avant du restaurant.

«L’énergie de la rue tonifie l’ambiance à l’intérieur et l’image du restaurant sert le snack», dit le propriétaire. Face au succès, ils lancent en 2016 Mamnoon Street, dédié aux manakich, mezzés et shawarmas. Les volumes sont énormes: le snack vend jusqu’à 350 repas par jour. Surfant sur la tendance vegan, Wassef et sa femme lancent même Anar, un autre snack où ils revisitent un plat aussi célèbre que la mujadara, l’un de leurs best-sellers.

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Si le couple vante les mérites de cette cuisine de comptoir, fin 2016, il se décide à séduire les “beautiful people” de Seattle avec Mbar, un rooftop qui peut accueillir jusqu’à 250 personnes l’été. Au menu, des mezzés mais aussi des produits de la mer pour une ardoise de 35 à 50 dollars. Le bar enregistre jusqu’à quatre services par soir.

Aujourd’hui, les Haroun emploient 150 personnes. Leurs établissements dégagent un revenu annuel de huit millions de dollars pour un investissement inférieur à dix millions de dollars sur cinq ans. Parmi leurs projets : se développer dans d’autres villes américaines. Et le Liban ? Pour l’heure, Ils ont juste l’envie d’y revenir.